Madame Faucille, tout à ses loisirs programmés, apprécie particulièrement le septième art dont elle ne comprend toujours pas pourquoi le septième, comme les merveilles du monde, en fait, d'autant qu'elle accompagne toujours comme une vieille habitude chevillée à sa gourmandise, un cornet XXXL de pop-corn dont le croustillant agace sensiblement les spectateurs de la salle où elle se trouve, les faisant fuir sans autre procès.
Monsieur Marteau dont le rêve secret qu'il caresse depuis son adolescence est de devenir un acteur de films d'action parce qu'il n'y a que devant ces films-là que ses yeux ne se ferment pas, cherche un moyen de toucher du doigt comme Méliès les premiers effets spéciaux, la magie du cinéma, sans toutefois prétendre avoir son nom au générique. Il y a des réalités souvent difficiles à admettre mais celle-ci en est une.
Madame Faucille qui, depuis son obsession pop-cornière est parvenue, non sans mal, à profiter de séances privatives, c'est-à-dire sans autre spectatrice qu'elle même et ses bruits de bouche, est fort aise de constater que le cinéma est finalement devenue une passion malgré elle et que désormais, au Trivial Pursuit spécial festival de Cannes, elle est devenue incollable, ce qui engendre une jalousie rampante dans son club de jeux qu'elle honore chaque jeudi soir.
Monsieur Marteau, les bras ballants et le regard vide, se pesse le citron pour trouver une solution viable de combler, à la fois, la soif de films de son épouse et son avidité égocentrique de faire quelque chose pour le cinéma dont le cinéma lui serait alors redevable. Monsieur Marteau est de ceux qui aiment être flattés pour ce qu'ils font et surtout pour ce qu'ils disent faire et ne font jamais.
Madame Faucille, qui de ses doigts collants, extirpe du carton les dernières miettes de pop corn qui traînent au fond, a soudain l'idée de créer, à Vierzon, un festival de Cannes, qui ne serait pas de Cannes mais de Vierzon mais sait pertinemment qu'un festival de Vierzon ne ferait pas rêver le petit monde de Cannes. Madame Faucille doit alors trouver l'idée pour que son festival de cinéma ravisse la vedette à ceux déjà existants.
Monsieur Marteau qui connait un copain dont le cousin de la belle-sœur de l'ancienne secrétaire de la salle de sports de son ami d'enfance connait le cousin germain d'un oncle par alliance lui-même en famille avec la lignée des Marteau d'Enclume-sur-Glaise, connaîtrait une connaissance de Bruce Willis qui, elle est certaine, accepterait de venir à Vierzon pour il ne sait pas quoi faire mais au moins il sera là.
Madame Faucille dresse des plans sur la comète en pensant déjà au plan de table des stars qui lui feraient l'honneur de venir et de participer son festival de Cannes de Vierzon parce qu'elle n'a pas mieux à proposer comme nom de toute façon.
Monsieur Marteau décida donc de créer, pour la venue de Bruce Willis, un festival du film qui se regarde assis, avec des cinéastes engagés et qui eux, regardent les films debout, c'est vrai que la chanson de Michel Berger l'a beaucoup marqué même si Bruce Willis ne joue pas de piano. Ce sera donc le festival des films qu'on regarde debout et peu importe les films, se dit Monsieur Marteau, pourvu qu'on ait les subventions. C'est ainsi que Monsieur Marteau sorti, et secoua l'arbre à subventions qui pousse gaiement place de la mairie.
Madame Faucille, des étoiles pleins les yeux, avertit ses amies nombreuses et ses amis nombreux de sa formidable idée d'un festival de Cannes de Vierzon, sans pour autant avoir arrêté son choix sur l'invité vedette, elle hésite entre Simone Signoret qu'elle adore, Lino Ventura qu'elle trouve viril et Jean Gabin dont le rôle dans la Traversée de Paris de Vierzon lui a laissé un souvenir précieux.
C'est ainsi que Madame Faucille et Monsieur Marteau créent un festival du film à Vierzon.