C'est l'heure démocratique où les moutons vont boire
De vieilles dictatures salées de désespoir,
En rang, tondus, dociles, ils attendent un geste
Comme on permet aux chiens de boulotter les restes.
C'est l'heure citoyenne où les brebis s'effacent
Devant le lourd convoi de la connerie qui passe,
On entend le roulis des boîtes à formatage
Redressé les esprits aux pensées trop sauvages.
C'est l'heure républicaine où les agneaux, ces fils,
Respirent à pleine laine l'air mou du sacrifice,
C'est le seul horizon que leurs parents caressent,
Un collier pour bijou et pour cerveau, une laisse.
C'est l'heure électorale où les partis sans foi
Sifflent à travers les prés en édictant la loi,
On les entend venir, de si loin les troupeaux,
Que a liberté meurt sous le bruit des sabots.
C'est l'heure du dernier liard de critique sur terre,
Un mouton égorgé par un loup solitaire
Rappelle combien le sang lustre si bien les bottes,
Et l'uniformité s'incruste dans le vote.
C'est l'heure autorisée, c'est l'instant officiel,
Le citoyen attend, la nuque dans le ciel,
Qu'on veuille lui permettre de dire ce qu'il pense,
Trop tard la loi martiale impose le silence.
C'est l'heure où l'on entend le pouvoir se repaître,
Le troupeau se dissoudre et enfin disparaître,
A force de se taire, le dernier des moutons
A perdu le devoir de parole. Mais quel con !