Vierzonitude a reçu ceci (lire ci-dessous), de Vesoul, ville soeur brélienne de Vierzon.
Villes incomprises… Le titre laisse espérer que l’ouvrage va nous réconcilier avec lesdites villes françaises (Mulhouse, Vesoul, Guéret, Cergy, Cholet, Vierzon, Saint-Nazaire, Verdun, Chatel-Guyon, Draguignan, Maubeuge) méconnues et mal connues. Et l'on s’attend à voir (ou plutôt à lire) celles-ci réhabilitées, l'auteur nous révélant et faisant comprendre leurs beautés cachées.
Et de me précipiter sur le chapitre consacré à VESOUL (p. 27-40) connue de la francophonie entière et bien au-delà grâce à la chanson de Jacques BREL. Chanson que l'auteur d'emblée qualifie de rengaine en enchaînant : comme si on pouvait avoir envie de voir Vesoul… caprice grotesque. Ve-soul, Veu-zoule, ça sonne mou et dégonflé, ça évoque une ventouse qui n’adhère plus... Cela commence mal... ! Et dans la foulée de propager le racontar que tout pilier de bar vésulien un peu éméché débite à l’étranger à la ville et journaliste de passage [lequel N’est PAS obligé de gober tout ce qu’on lui raconte !], à savoir la rumeur de comptoir devenue légende au fil des conversations de bistrot et des décennies : l’auteur de la chanson aurait eu une aventure avec la femme de chambre d'une auberge locale et lui aurait promis d’écrire une chanson sur VESOUL ! [Précision : Jacques BREL a passé la soirée du 28 juillet 1960 à feu La Bonne Auberge ! En 1967 il passera une seconde nuit à Vesoul, à l'Hôtel du Nord (actuel Grand Hôtel du Nord). En 1968 il écrira 'Vesoul'].
A quoi ressemble VESOUL selon l'auteur (débarquant à la gare en janvier, sous la pluie, et y ayant manifestement séjourné moins de 48 heures) : des boutiques ouvertes, d'autres fermées depuis un bon moment... une église déserte... des maisons en pierre blanche noircies ou nicotinées… des hôtels particuliers qui se poussent du col... un tribunal tourné en dérision, bizarre déduction à partir de la statue en bronze ["Avocat allant plaider" de Pascal Coupot, ce que ne précise pas l’auteur !] implantée place du Palais de Justice...
Et ledit auteur de se limiter à présenter la figure emblématique de la Ville, le site classé qu’est "La Motte" – butte témoin, surmontée d’un sanctuaire, émergeant au centre de la Ville et visible quelle que soit la direction d’où l’on aborde Vesoul (depuis une vingtaine de kilomètres en venant du Nord) – comme un petit promontoire que gravit un joggeur solitaire tel un Sisyphe encombré de sa petite malédiction, celle d’une matinée de janvier en Haute-Saône...
Ne trouvent grâce que, brièvement cités, le lac de Vesoul-Vaivre et l’usine Peugeot.
Et puis DEUX pages sur… grelottant… frigorifié… la visite guidée apocalyptique de l'Abattoir de cochons de "La Motte"… en compagnie d’un groupe d’enseignants aux crânes chenus… Les « tueurs » sont trois gars du pays, que l’auteur qualifie de sagouins, de tortionnaires, d'égorgeurs de "La Motte"… et il est question de cris d’horreur, effarement dans les yeux des animaux, odeur de tripes et de boyaux, sang par terre, carcasses, abats rouges et abats blancs, fressures, crépines… se terminant malgré tout par une dégustation de filets mignons fumés !
S’ensuit – emmitouflé dans son manteau – une dégustation de chocolat [Positif + : ganache délicieuse, selon l’auteur !] dans un salon de thé peu chauffé... le musée (gratuit) avec des œuvres secondaires de Gérôme, peintre académique natif de VESOUL … la librairie indépendante de la rue Gevrey où l’auteur dégote un texte d’André Blanchard.
Le soir, à 20 heures, au centre-ville, un seul restaurant ouvert (cuisine roumaine) avec des couvertures en laine sur des chaises, un feu qui agonise dans l'âtre de la cheminée, des violons déchirants, un serveur raide comme la mort… [mais l’auteur se régale ! Positif + ].
Une nuit au Grand Hôtel… du Nord, rien de tel pour réchauffer l’atmosphère !
Cela ne va pas durer. Lendemain, visite des Halles couvertes où il est en train d’attraper froid en buvant un vin du Jura [C’eût été plus typique de déguster un vin haut-saônois : un Champlitte, un Charcenne… !] en présence du député-maire et de la directrice du Festival International des Cinémas d'Asie de VESOUL, le plus vieux festival de ce type en Europe dont la renommée s'étend jusqu'aux confins de l'Asie et auquel il consacre TROIS pages. [Positif +++ !]
A propos, si la situation de l'Abattoir de cochons de "La Motte" est réellement comme décrite par l’auteur, il aurait dû en toucher un mot au député-maire.
Nous conseillons à chacun de se procurer l'ouvrage de Vincent NOYOUX (18 Euros) et ensuite de se rendre à VESOUL, livre en mains, pour se rendre compte sur place que tout – loin s’en faut – N’y est PAS « grotesque, mou, dégonflé, désert, nicotiné, se poussant du col, malédiction, chenu, peu chauffé, grelottant, frigorifié, sagouin, à odeur de tripes et de boyaux, agonisant, déchirant, raide comme la mort, etc. » !
Positivons !
1. La couverture de l'ouvrage est munie d'une jaquette double (félicitations à l'éditeur !), laquelle jaquette dépliée constitue une affiche où les villes françaises citées sont représentées par l'image d'une "Boule à neige en verre" [Pourquoi pas...?] contenant le symbole attribué à la ville par l’auteur.
2. La "Boule à neige of VESOUL" est une "Boule à neige avec… cochon". NON PAS le traditionnel et symbolique petit cochon de la Foire de la Sainte Catherine en pain d'épice nappé de chocolat avec un sifflet à la place de la queue... MAIS – l'auteur reste traumatisé par sa visite de l'Abattoir de cochons de "La Motte" – par un vrai cochon tout rose... ayant réussi à échapper (il a l'air bien vivant !) aux "Tueurs", les trois gars du pays ! Personnellement (et subjectivement), dans la boule et sous les retombées de neige, j'aurais plutôt fait figurer "La Motte" !
En revanche (soyons effectivement positifs !) la "Boule à neige of VIERZON" affiche bien l'emblématique Tracteur vert, symbole de VIERZON. Ici, l'auteur, au cours de son bref séjour, a manifestement été guidé au moins pour partie par un amoureux de sa ville...
Positivons... mais tout de même... vouloir faire comprendre VESOUL sans même évoquer cet événement annuel remontant au XIIIe siècle qu'est la traditionnelle Foire commerciale et agricole de la Sainte Catherine – créée en 1295 et, depuis des décennies, doublée d’une braderie – qui tous les 25 novembre rassemble tout le département et met la Ville en ébullition... et a des répercussions économiques dans toute la Franche-Comté et tout le Grand Est !
3. Reconnaissons que si VESOUL et la Haute-Saône ont été à la fois mal traitées (en deux mots) et maltraitées par l’auteur – et sont restées incomprises dudit auteur –, il semblerait heureusement ne pas en être tout-à-fait de même pour la voisine alsacienne Mulhouse et certaines villes visitées…
Alors comment expliquer une telle "sinistrose" quand il s’agit de VESOUL ? L'auteur avait dû se lever du pied "senestre"... et de surcroît il a été très bizarrement guidé dans sa visite de la "Nice de l'Est". Il est vrai que même le vrai Nice peut ne pas paraître très affriolant si, un jour de déprime, l'on y "débarque à la gare une matinée de janvier sous une mauvaise pluie" !
Et pour l’Humour…
A ce jour le site de vente de livres en ligne Amazon.com – dans sa rubrique "Produits fréquemment achetés ensemble" – regroupe (commercialement) cet ouvrage avec le livre Les Trous du cul du Monde paru également en avril 2016. Cruel rapprochement ! Mais dans son Trous du cul du Monde, l’auteur (Tristan Savin) avertit ses lecteurs qu’il "se réserve le droit à la subjectivité la plus totale et revendique sa mauvaise foi et son humour douteux".
Dans le Chapitre de son Villes incomprises consacré à VESOUL, l’humour de Vincent Noyoux n’apparait quant à lui malheureusement pas (ou alors c’est du… énième degré !). Reconnaissons-lui une note drôle dans le Prologue : "Alexandra David-Néel n’est jamais entrée clandestinement en Haute-Saône".
Et enfin une critique [personnelle et subjective et humoristique]… Vincent Noyoux cite les gloires de VESOUL : Jean-Léon GÉRÔME, Edwige FEUILLÈRE, Stéphane PETERHANSEL ("le champion de moto parti dare-dare vivre sous des cieux moins haut-saônois", dixit l’auteur) et André BLANCHARD. Mais (sacrilège !) il commet l’impardonnable omission de… Édouard BELIN !
Bernard BELIN
Vincent NOYOUX, Tour de France des Villes incomprises, Paris, Editions du Trésor, 2016, 224 p.