Ce matin, dans la grisaille outrancière d'un printemps encalaminé, mon regard, dès son réveil, a cherché partout mon heure perdue. Cette heure qui, sous le scalpel d'un tour de cadran, a fuit comme l'eau de pluie dans le caniveau. Faut-il avoir du temps à perdre pour perdre avec une telle facilité, une heure précieuse de son temps. Imaginez-vous cette obsession collante, avant de vous endormir, de savoir qu'à 23 heures, il est déjà minuit et à qu'à 3 heures, il est 4 heures. et qu'au lever du jour, vous pleurerez votre heure perdue car personne ne retrouve son heure perdue. Pas même quand il faut faire le chemin en sens inverse. Et que l'expression consacrée, celle qui vous fait dire, je le ferai à mes heures perdues, n'a aucun sens. Car ce qui se perd ne se rattrape jamais. Et, la tête farcie de cette phrase qui tourne en boucle, vous vous réveillez grognon, oui bien sûr, le coeur léger de savoir que ce soir, le jour aura grignoté le temps qui vous reste avant de dormir. Mais tout de même. Alors, ce matin, il y a des heures perdues un peu partout, derrière chaque paupière qui se lève. Entre les pendules qui se remettent automatiquement à l'heure et les autres qu'il faut aider à pousser dans le sens de la marche, il y a un parfum de joyeux bordel qui flotte. Et accélérer d'un coup le cours du temps, sabrer une heure à sa nuit et se retrouver, le lendemain, intact, devant le chaos des éléments, avouez que c'est bluffant. Nous y penserons sans doute plus profondément, à nos heures perdues. Mais, sait-on encore perdre son temps, aujourd'hui ?