Bon, il est temps de lâcher ce souvenir d'enfance, sans doute le souvenir qui, inconsciemment, marque l'esprit, l'imprègne, l'imbibe et, au bout du compte, pour une raison enfouie quelque part sous les couvertures de son jeune âge, nous conduit à aimer follement l'ambiance des bistrots, les cafés, les tables et les chaises qui rayent le carrelage, le comptoir où les coudes s'imbriquent. Chaque dimanche, le même catéchisme : pas la messe à Notre-Dame, non, le tiercé au PMU ! Plus exactement, au bar de l'hôtel de ville, rue Armand-Brunet. Il y régnait cette ambiance de fumée de clope, de soupe de bruits, d'odeurs de Ricard, de foule. S'y frotter, c'était nager dans l'océan des grands, tenter d'attraper leurs humeurs joyeuses, d'entrer dans leurs peaux d'adulte, de saisir les codes. Le tiercé, à l'époque, se faisait d'une façon artisanale, avec un ticket à plier, des cases à cocher et la pince, la fameuse pince, dont l'usage restait un mystère, et les morceaux de cartons légers, des confettis.
Combien le trottoir de la rue Armand-Brunet, devant l'hôtel de ville, paraissait étroit comme aujourd'hui. On y entrait avant midi, comme on entre dans un symbole. C'était l'heure de l'apéro, de ce rite immuable, cette façon d'être différent le dimanche des autres jours de la semaine. Le tiercé, un prétexte à parcourir à pied aux côtés d'un père et d'un oncle, le chemin séparant la maison du Champ-Anet du bistrot du centre-ville. C'est le même café, la même silhouette, le même trottoir, le même élément. Avec plusieurs décennies dans la vue. Alors, si vous possédez encore ce genre de tickets de tiercé au fond d'un tiroir (il y en avait des rouges et des verts) et surtout, la pince, adressez un mail à : vierzonattitude@gmail.fr car il y a des souvenirs de gosse au bout.