Vous ne connaissiez pas le huitième jour de la semaine, le voici : le samedimanche. Un samedimanche à Vierzon, entre la lumière blafarde d'un samedi essoré et l'extinction des feux d'un dimanche sans énergie. Ce samedimanche, à Vierzon, oscille entre les pas comptés sur les trottoirs du centre-ville et la trotteuse automobile des voitures qui glissent avenue de la République. De ce fait, on peut croire qu'il y a du monde, mais c'est surtout du mouvement, des oscillations, des vaguelettes tranquilles et paresseuses. Mollement, la ville tente d'étirer les heures de l'après-midi jusqu'à atteindre celles de la soirée.
Désespérément, on cherche cet échantillon de foule qui rappellerait, par son côté massif, la fréquentation des rues lorsque celles-ci respiraient encore. Avec, en ligne de mire, le trou béant laissé par la démolition d'ancien Gifi, siège historique des Nouvelles-Galeries alors centenaires, on sent comme un appel d'air qui aspire, en fait, ce que Vierzon fût sans pour autant le recracher comme elle devrait être. C'est assez fascinant d'imaginer avoir quitté Vierzon, il y a cinquante ans, pour y revenir aujourd'hui, réenclencher les pas de ses habitudes dans les lignes actuelles et tenter de savoir ce qui changé ou pas, ce qui est immuable, ce qui a fondu, ce qui s'est érigé, érodé, agrandi.
Le samedimanche à Vierzon n'est qu'une histoire de verre à moitié vide et de verre à moitié plein. Les analystes du bonheur argueront, que, ma bonne dame, les temps changent, l'individualisme, les achats sur Internet, la volubilité des consommateurs, la raréfaction des commerces, le changement de société, les gens qui partent, tout ça, font que Vierzon en 2021, n'a pas la même gueule que Vierzon en 1971, ou 1981. Avant, ce serait carrément de la nostalgie et à Vierzon, on le sait bien, on déteste la nostalgie. Les analystes du pessimiste ambiant vous diront que, de toute façon, ici, l'avenir ne s'écrit pas et que la ville croule sous les problèmes qu'elle n'a jamais résolu. Du coup, entre les tenants d'un oui-ouisme échevelé et les tenants d'une noirceur aussi compacte qu'un trou noir dans l'univers, on en arrive à se planter au milieu d'un trottoir, à mouiller son doigt pour savoir ensuite d'où ce qui nous arrive et ce qui ne nous arrive pas. Le samedimanche s'étire, surtout l'après-midi.
Le matin, encore, le marché offre aux habitués, cet afflux sanguin de clientèle qui s'agite comme des globules dont on ne précisera pas la couleur pour éviter une polémique politique. Et, doucement, alors que les places se vident des vendeurs, la ville sombre dans sa seconde mi-temps, moins agitée, plus fluide, ralentie, une sorte de demi-sommeil où l'on hésite : un amnésique ne saurait pas dire s'il l'on est samedi ou dimanche.
Peut-être samedi car les commerces sont majoritairement ouverts, dimanche parce que les Vierzonnais semblent avoir été avalés par cette ville qui se rétrécit. En la traversant, après avoir été chercher un journal quotidien à la maison de la presse, en remontant l'avenue de la République, en jetant unr gard aux trottoirs, un instant, une question brutale arrive. Et si nous étions dans un jour sans fin, un éternel recommencement, mais avec ce désavantage tragique, c'est qu'à chaque fois qu'il se renouvelle, il s'étiole. Les nuages bas sont lourds et sombres.
Ne cherchez pas dans ce samedimanche, une raison de passer par pertes et profits. Nous en sommes à la colonne des pertes. Bien sûr, c'est triste, mais quand vous avez connu des samedis vierzonnais et que vous fréquentez ceux-ci, une certaine nostalgie post-rentrée scolaire, frappe à la porte de vos souvenirs. Et il faut alors le dire, il faut que ça sorte. C'est fait. Demain ce sera dimanche, un vrai dimanche à Vierzon où l'on ne se croira même pas lundi.