Quand les gilets jaunes s'attaquent aux taxes, aux carburants trop chers, à l'indignité de vivre avec un salaire de misère, aux fins de mois difficiles voire souvent impossibles, aux retraités dans la mouise, aux travailleurs pauvres, à cette partie de la société périphérique qui subit la mondialisation au lieu d'en profiter, aux carences de transports, aux territoires non irrigués par les avantages dont bénéficient les métropoles,
bref,
quand les gilets jaunes se foutent en boule pour vivre mieux, pour vivre et ne plus survivre, pour avoir un horizon dégagé plutôt qu'un ciel bouché, quand les gilets jaunes revendiquent des jours meilleurs, un salaire décent, et des conditions d'existence qui vont avec, on se dit que, cinquante ans tout pile après mai 1968, les citoyens, pour ne pas dire le peuple, terme trop galvaudé en ce moment en ont sous la semelle.
Mais quand les gilets jaunes se mettent à faire de la politique politicienne, tout en s'en défendant, reprennent des éléments de langage qui ont déposé Mélenchon, dimanche soir, sur France 2, au bord de l'orgasme et Dupont-Aignan dans la félicité, quand les gilets jaunes politisent leur mouvement en réclamant des démissions qui ne feront pas baisser de suite le prix de l'essence ou des dissolutions qui n'augmenteront pas demain le pouvoir d'achat, quand les gilets jaunes, finalement, même s'ils s'en défendent, servent la soupe à des démagos de tous poils,
mais surtout,
quand un entend un représentant des gilets jaunes sur une radio nationale expliquer qu'il faudrait un ex-Général (De Villiers) à la tête de la France (au fait on l'élit ou on le désigne), quand d'autres, pas tous c'est un fait, mais d'autres, légitiment la violence comme moyen d'expression et de pression, quand on entend que les casseurs auraient été payés (par qui), que les violences sont du fait des forces de l'ordre, quand les gilets jaunes oublient que derrière les casques et les grenades, il y a des salariés qui ne roulent pas forcément sur l'or, on se demande de quel côté vire le mouvement.
Sur les giratoires de Vierzon, on entend les difficultés du quotidien des gens qui manifestent, on aime la courtoisie de ceux qui bloquent cinq minutes une voiture, on est sensible aux messages criants d'une vérité crue, on est solidaire d'une action qui consiste à occuper le terrain pour ne pas oublier les messages qu'elle porte, mais le gilets aunes doivent éloigner, comme on peut le lire sur le giratoire de l'A71 à Bourges, toute tentation politique et syndicale.
Car les politicards, perdants de la dernière présidentielle, ont bien l'intention de s'offrir une revanche sur le dos des gilets jaunes. Après, il faudra assumer : quand on entend Mélenchon défendre la police alors qu'il leur a aboyé dessus en e prétendant être au-dessus d'eux et des lois, quand on entend Le Pen tenter, à coups d'épaules idéologiques et de bousculades politiciennes, prendre le volant du mouvement, quand on voit la droite et la gauche se contorsionner pour remplir leur propre assiette, on se dit que la spontanéité des gilets jaunes du 17 novembre ne doit pas se confondre dans la cristallisation ds violences du 1er décembre. Il ne faudrait que le gilet jaune que beaucoup portent ou arborent sur leurs voitures, deviennent le prétexte d'une hystérisation collective.
Il est évident que le modèle de société soit changer en profondeur, que ds solutions rapides arrivent vite parce que les fins de mois commencent de plus en plus tôt, qu'à des revendications de base, il faut répondre par des solutions de base. Mais que les gilets jaunes reprennent les grands airs des politiciens englués dans leurs défaites, c'est tendre le bâton, et pas que du CRS, pour se faire battre. Soutenir jusqu'à quand ? Pas dans ce genre de mélasse idéologique en tout cas.