Philippe Brée, médecin généraliste à Vierzon, a accepté de répondre à nos questions, à propos du confinement, du déconfinement, de la gestion de la crise du Covid 19, de ce que cette crise a pu changer dans ses pratiques et sa vision. Des réponses très éclairées.
Professionnellement et personnellement, comment vivez-vous ce confinement ?
C'est un bouleversement inédit dans ma vie de médecin généraliste. Nous avons d'abord reçu beaucoup d'informations peu inquiétantes de cette nouvelle maladie, puis une montée en puissance très progressive des alertes, jusqu'au confinement, qui lui, a été extrêmement brutal. Les patients ne venaient plus au cabinet.
Il a fallu rapidement innover en utilisant la téléconsultation, intégrer toutes les données scientifiques évolutives, et les recommandations parfois contradictoires des différentes structures officielles (Direction Générale de la Santé, Agence Régionale de la Santé, Caisse Primaire d'Assurance Maladie). J'ai du aussi modifier l'accueil des patients, en réorganisant ma salle d'attente, et créer un lieu plus spécifique d'accueil Covid. Le plus difficile était de ne pas pouvoir dire à un patient s'il était Covid positif ou non, en raison de la pénurie de test.
Trouver des masques, du gel et des gants relevaient plus du parcours du combattant au début. Cet état d'impréparation des pouvoirs publics avait quelque chose de choquant, d'autant plus que ces pénuries étaient justifiées par un discours scientifique officiel qui, comme par hasard, collait à cette pénurie. Les patients sont progressivement revenus, certains dans de véritables états de panique, qui nécessiteront peut-être des prises en charge spécialisées. A l'arrivée peu de consultations de cas possibles Coronavirus en ville, grâce au Centre Covid ouvert par la ville. Personnellement le confinement n'a pas été difficile, car je travaillais. Mais comme beaucoup de Vierzonnais, la traversée en voiture de Vierzon avait quelque chose d'angoissant, par le silence et l'absence de vie humaine...
On parle d'un ralentissement de l'activité dans les cabinets médicaux, est-ce votre cas ?
Oui, bien sûr j'ai eu d'abord une très forte baisse d'activité, puis une remontée lente. Avec la particularité de ne voir ni gastro-entérite, ni rhume. Le confinement a cassé d'autres chaînes de contamination infectieuse. Les patients commencent maintenant à s'habituer aux gestes barrières, au masque et à la distanciation sociale au cabinet. Ces derniers jours, le confinement devient plus difficile à supporter pour les personnes âgées, surtout par la perte du lien social.
Votre regard sur la mobilisation des bénévoles et des élus de Vierzon ?
La mobilisation a été exceptionnelle à travers diverses actions de terrain. Une mobilisation de la base qui tranchait avec les discours approximatifs des autorités publiques. Beaucoup d'habitants ont été acteurs, notamment à travers la gestion de masques distribués par la ville. La communication vidéo facebook du maire a été bénéfique, pour souder les Vierzonnais dans cette épreuve, et créer une proximité rassurante. Les structures de type ARS (Agence régionale de santé) sont, elles, beaucoup trop technocratiques et centralisées dans ce type de crise, pas assez près du terrain. Leur suppression et leur remplacement par des structures de proximité serait à envisager, pour plus d'efficacité et d'économies.
Pour vous, le masque doit-il être obligatoire dans la rue, dans les transports en commun, à l'école ?
Le masque, c'est l'essence même de la lutte anti-infectieuse. Il protège les soignants, mais aussi les autres. Je suis pour son port obligatoire dans les espaces publics au moment du déconfinement, (comme cela se fait dans beaucoup de pays asiatiques), dans les transports en commun, et chez les enfants à l'école, mais pas trop petits. Des cours d'éducation sanitaire pourraient être aussi donnés, car de la théorie à la pratique, il y a beaucoup d'erreurs à corriger chez l'enfant ou l'adulte !
Cette épidémie est sans comparaison. Certains estiment qu'elle tue moins que le tabagisme par exemple. Ou que l'alcoolisme. Qu'en pensez-vous ?
C'est une pandémie. Pratiquement tous les pays du monde recensent des cas. Les grandes pandémies ne sont pas inédites (peste, variole, choléra, grippe, Hiv,..). Elles ont tué des millions de personnes. Cette pandémie actuelle est pour l'instant moins mortelle, mais inédite par sa vitesse de propagation. Il n' a fallu que trois mois pour qu'elle se répande sur tout le globe.
On décompte 25 000 morts en France par Covid 19 aujourd'hui, et il est vrai que l'alcool tue 40.000 personnes, et le tabac 70.000 personnes par an. Mais les modèles montrent que sans confinement la mortalité eût été bien supérieure. Le Covid 19 est invisible et frappe qui il veut, il échappe au contrôle de l'homme, et c'est insupportable pour beaucoup de personnes. L'alcool et le tabac sont visibles, donc donnent la sensation de pouvoir mieux les contrôler. Edgard Morin disait que la vie d'un être humain sur Terre est un îlot de quelques certitudes, dans un océan d'incertitudes. Et notre société ne supporte plus l'incertitude.
La réouverture progressive des écoles, est-ce une bonne chose ou selon vous, aurait-il fallu attendre septembre ?
Soit elle devait être obligatoire pour tous les enfants, soit elle ne se faisait pas. Il s'agit d'une rupture du principe d'égalité républicaine. Les maires ont raison d'être en colère. Je pense qu'il aurait été plus sage d'attendre septembre. Si les enfants sont souvent asymptomatiques, les risques de transmission aux aînés par eux n'est pas à négliger.
Craignez-vous une seconde vague ?
Le problème est celui de deux modélisations scientifiques qui s'affrontent : deuxième vague ou non. Seul le futur le dira. Le site Covid de l'université d'Hopkins ne montre, dans ses courbes sur les nouveaux cas, aucun signe de nouvelle vague. L'Allemagne décroît. La Chine a connu un rebond qui s'est arrêté. Les États-unis sont en plateau. La pandémie peut s'arrêter pour des raisons inconnues, brutalement, mais il ne faut pas jouer à la roulette russe, et le déconfinement doit être progressif.
Comment vous préparez-vous le pour le 11 mai et pour les semaines qui suivent ?
Le 11 mai, il ne faudra pas reprendre nos anciennes habitudes tout de suite. Je préviens nos anciens de ne pas reprendre dans les bras leurs enfants et petits enfants et de garder une certaine distanciation sociale. Nous allons revenir à une phase d'identification et de suppression de foyers d'infection restants ou commençants.
A cet égard les Ehpad en général sont un défi. Il n'est plus question, comme au début de la pandémie, de laisser des soignants asymptomatiques continuer à travailler. C'est une mise en danger de la vie d'autrui par risque de contamination involontaire. De même, toute réserve sanitaire mobilisée doit être testée avant de commencer à travailler. Le dépistage et le confinement des porteurs asymptomatiques, soignants ou non, sont un grand défi à venir comme l'indique l'INSERM :
Un mot tout de même sur l'infantilisation dont les autorités ont fait preuve par rapport à nous. Je ne sais pas si la chloroquine et l'azithromycine associés sont efficaces dans la première phase de la maladie pour prévenir les formes graves de Covid 19, mais nous pouvions prendre la responsabilité de leurs prescriptions associées, alors que nous n'avons plus eu le droit, nous médecins généralistes, de prescrire la chloroquine. C'est un abus et un mépris de la médecine de terrain, qui montre une déconnexion grave entre certaines élites scientifiques, politiques, et le terrain.
Avez-vous des conseils particuliers ?
Protégez vous.
Protégez votre entourage.
Restez positif.
Et n'oubliez pas que le Berrichon est solide !
Protégez vous.
Protégez votre entourage.
Restez positif.
Et n'oubliez pas que le Berrichon est solide!
Le 11 mai, il ne faudra pas reprendre nos anciennes habitudes tout de suite. Je préviens nos anciens de ne pas reprendre dans les bras leurs enfants et petits enfants; et de garder une certaine distanciation sociale.
Nous allons revenir à une phase d'identification et de suppression de foyers d'infection restants ou commençants.
A cet égard les Ehpad en général sont un défi. Il n'est plus question, comme au début de la pandémie, de laisser des soignants asymptomatiques continuer à travailler. C'est une mise en danger de la vie d'autrui par risque de contamination involontaire.
De même toute réserve sanitaire mobilisée doit être testée avant de commencer à travailler.
Le dépistage et le confinement des porteurs asymptomatiques, soignants ou non, sont un grand défi à venir comme l'indiqu
Le problème est celui de deux modélisations scientifiques qui s'affrontent : deuxième vague ou non. Seul le futur le dira.
Le site Covid de l'université d'Hopkins ne montre, dans ses courbes sur les nouveaux cas, aucun signe de nouvelle vague.
L'Allemagne décroît. La Chine a connu un rebond qui s' est arrêté. Les États-unis sont en plateau.
La pandémie peut s'arrêter pour des raisons inconnues, brutalement, mais il ne faut pas jouer à la roulette russe, et le déconfinement doit être progressif.