Un jour, Madame Faucille se surprit à caresser de son regard affûté, les sculptures symboliques qui ornent la façade de la maison de Célestin Gérard. Le caractère énigmatique de ce qu'elle vit, la poussa à pousser plus en avant ses recherches sur ce personnage joufflu, Vosgien d'origine, qui, à Vierzon, apprit-elle, monta un empire industriel et agricole, devenu l'emblème de la ville : la Société Française et ses célèbres tracteurs.
Pendant ce temps-là, Monsieur Marteau comptait les Tesla abritées dans son immense hangar à Tesla. Les courbes fines de ses véhicules égrenaient en lui un bonheur de tous les instants, comme celui, frappant, de posséder toujours plus de Tesla, toujours plus, toujours plus, toujours plus.
Madame Faucille, tout à sa curiosité, jugea qu'une telle œuvre de pierre devait rejoindre le portefeuille de ses caprices et que cette dentelle sculptée devait avoir une place de choix dans ce qu'elle avait à montrer aux autres pour les épater. D'autant qu'elle apprit un nouveau mot, ce jour-là : patrimoine. Elle le répéta pour mieux s'en souvenir. Et sut que cette maison faisait partie du patrimoine de Vierzon. D'où son envie de la posséder.
Monsieur Marteau, assis dans l'une de ses Tesla, lisait son magazine préféré pour peser sa richesse immobilière, en se disant que la pierre vierzonnaise, en ce moment, coûtait une poignée de cacahuètes et qu'il était temps d'investir avant que ces têtes de veau de Parigots avides n'en fassent grimper le cours à force de courir après pour un bout d'herbe et une piscine, au pris d'un studio à Paris.
Madame Faucille, tout à son excitation patrimoniale, imaginait déjà orner son immense gâteau de propriétaire avec cette belle maison historique qu'elle pourrait ouvrir au public afin qu'on la félicitasse de son initiative, de laisser l'accès d'un tel patrimoine aux gueux.
Monsieur Marteau dont l'appétit immobilière n'avait d'égale que la faim d'une bonne affaire qui s'annonçait, découvrit qu'une maison de bons rapports abritant un restaurant gastronomique, était à vendre pour une bouchée de pain frais. Une équation rapide sur l'étendue des bénéfices à venir lui fit prendre la décision d'acheter, surtout à un prix qui n'inclue pas l'argent public injecté dans les travaux.
Madame Faucille se rêvait en Madame Patrimoine, guidant des foules de curieux à l'intérieur de la maison, leur contant son histoire, leur dévoilant la symbolique des sculptures, se faisant applaudir de tant d'érudition. En prime, manches retroussées, elle ferait démarrer l'un de ces célèbres tracteurs, dont on parle tant, dans le parc voisin. Le musée de Madame Faucille, voilà comment elle voyait son lendemain.
Monsieur Marteau remplit un chèque de 200.000 euros et en un soupir délicieux sur le siège de sa Tesla, il devint propriétaire de la maison de Célestin. Il laissa Madame Faucille tout à ses illusions de gardienne de musée et de l'histoire locale, lui promettant bien sûr, que cette maison historique la comblerait du bonheur de la faire partager au peuple, aux amateurs de patrimoine. Déjà, son architecte et ami préparait les plans de sa transformation : de beaux logements près de la gare, c'est ainsi que Monsieur Marteau rêvait sa récente acquisition.
Voilà comment Madame Faucille et Monsieur Marteau rachètent la maison de Célestin.