Voici les aventures presque vraies de Madame Faucille et de Monsieur Marteau. Aujourd'hui, Madame Faucille et Monsieur Marteau ne sont plus sûrs de voter communiste.
Madame Faucille, déjà heureuse propriétaire d'un horizon immobilier qu'elle ne parvient pas atteindre du bout des doigts, ne supporte pas de lire sur des panneaux pourtant nombreux de sa ville chérie, "à vendre", tant cet acte de vendre un bien lui noue le ventre de désespoir, car elle imagine, dans son immense bonté de Madame Faucille, une sorte de détresse accompagnatrice et irrépressible compensée de l'autre côté par la joie outrancière de l'acheteur.
Monsieur Marteau, à qui ses conseillers bancaires lui ont vendu des prêts immobiliers à des taux défiant toute concurrence, et qui admet même dans son fors intérieur, comme une réelle injustice de prêter tant d'argent à des taux aussi bas et surtout à des emprunteurs qui n'en ont somme toute pas besoin tant leurs liquidités sont des fleuves qui se jettent dans la mer de leurs dividendes, réfléchit alors à ce qu'il pourrait acheter, même sans en avoir réellement besoin.
Madame Faucille qui a pris l'habitude de se baguenauder, le nez collé aux clôtures, a déjà des vues sur quelques biens à vendre qui pourraient rejoindre la liste de son patrimoine dont elle mesure l'étendue aux chiffres que lui fournit, chaque année, sa taxe foncière.
Monsieur Marteau qui a déjà ouvert les robinets de tous les financements possibles et imaginables, même ceux qui sont inimaginables et impossibles, a chargé ses obligés de quadriller la ville à la recherche de la moindre piste, pourvu qu'ils épuisent ses crédits inépuisables en mensualités ridicules dont le montant ne sert même pas à boucher sa molaire creuse pour laquelle il se fait soigner.
Madame Faucille, le cil humide et le sourcil à l'affût, la joue rose et les narines dilatées, semble flairer des coups dont elle va régaler ses amies du jeudi soir, dans son club du vendredi. C'est ainsi qu'elle a repéré une propriété foncière désertée par un service d'Etat, ainsi qu'un commerce au bord de l'eau, une auberge de jeunesse abandonnée, un ancien centre de loisirs pétrifié, sans compter deux-trois autres destinations dont elle se garde l'exclusivité.
Monsieur Marteau, le chéquier hérissé, a de quoi épuiser son notaire attitré pour les trois prochains mois, tant sa pêche à l'achat a été fructueuse et les rivières de financements abondantes comme une crue centennale qui étonne toujours par le niveau élevé de ses eaux gonflées d'audace.
Madame Faucille, tout à sa satisfaction de donneuse d'ordre, trace des croix vertes pour ses futures emplettes sur la carte de sa ville préférée tandis que son mari de Monsieur Marteau trace des croix rouges sur la carte de sa ville fétiche à chaque acquisition, ville dans laquelle, en se frottant les mains, il lui reconnait que grâce à elle, sa notoriété illustrée de sa fortune, lui doivent tout.
Monsieur Marteau a jeté son dévolu sur des propriétés qui ont échappé de peu au droit de préemption de sa municipalité adorée dont l'appétit immobilière rivalise avec celle de Monsieur Marteau, tout congestionné de ce sentiment prégnant de posséder et qui, sous certains aspects, ressemble au virus du capitalisme contre lequel les élus qu'il fréquente au bridge le mardi soir, au poker le mercredi et à la roulette le jeudi, ne sont pas vaccinés, et refusent, à leur risque et péril, le port du masque, histoire de toucher du doigt, ce contre quoi ils se battent le jour mais travaillent à le caresser la nuit, la grippette du capitaliste.
Madame Faucille craque devant un jardinet orné d'un bassin et d'un auditorium qui, manifestement ne sont pas à vendre mais devant leur charme, elle ne résiste pas à faire un caprice, comme d'autres en firent devant une maison de maître, inscrite au patrimoine et qu'il faut absolument vendre car l'avenir de la ville en dépend.
Monsieur Marteau, le cœur nourrit par des échéances futures de loyer dont il se gargarise la glotte et le reste, fait la liste, comme d'autres de courses, de ce que demain matin, il pourra mettre dans sa besace de propriétaire, comblé par un marché de l'immobilier au plus bas.
C'est ainsi que Madame Faucille et Monsieur Marteau rachètent tout Vierzon.