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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


De passerelles en passerelles

Publié par vierzonitude sur 18 Septembre 2023, 05:10am

De passerelles en passerelles

Quand on est môme, on croit que tout ce qui existe, existe depuis toujours et pour toujours. Que tout ainsi est immuable et qu'aucune force au monde ne pourra déplacer le présent. Dans mes yeux de môme, les passerelles de la rue Maxime Gorki, devenue plus tard la rue de la Société Française, étaient des ponts jetés dans le ciel pour relier les différents pays de la terre. Et quand doucement mûri sous le soleil des années, j'ai compris qu'elle n'était que les détails d'un ensemble complexe qu'on appelait une Usine, les passerelles étaient moins mystérieuses. 

N'empêche, elles étaient là quand je suis né, elles sont tombées quand j'avais déjà consumé trois décennies, au regard de l'âge de l'Univers ce n'est rien mais tout de même. Il n'y a qu'au bénéfice d'une visite de l'Usine vide que j'ai touché l'âme de ces passerelles, d'aller d'un point à un autre en passant au-dessus de la route. Combien de poids-lourds se sont retrouvés coincés dessous ? Combien d'ouvriers les ont traversé ?

Aujourd'hui, dans le ciel lavé de ces passerelles, on aperçoit les nuages, le soleil et les rudiments de ce qui fait notre couvercle. Faut-il les regretter ou se réjouir de leur disparition ? Je regrette qu'elles n'aient pas été conservées, quelque part, qu'on ne puisse pas les franchir comme tant d'autres les ont franchies ?

Certains y verront une nostalgie mal placée, une fascination morbide pour un outil de production faiseur de pénibilité et d'exploitation. C'est ce que l'absence de ces passerelles nous disent, la défiance de ce qui a existé. A Vierzon, c'est une rengaine.

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Vierzon-sur-Mer

Le phare de l'île Saint-Esprit enfonce son regard oblique dans le ciel rond. L'estran met l'île Marie à portée de terre. Le temps d'une marée basse, elle s'attache au continent dans le ronronnement doux de la mer qui revient. De là où s'effrite le sable, Vierzon jette ses dernières lumières dans la bataille de la nuit. Au petit jour, le Bistrot du port déversera ses cales de croissants tièdes sur les habitués de la Renverse, le bateau du père Seb, le premier à sortir, le dernier à rentrer. Le zinc tanné par les manches des cirés jaunes bavarde ses silences imposés : parfois, dans le bistrot salé, il faut faire place au silence pour mieux veiller aux récits. Le café se remplit chaque heure d'une houle synthétique, fait d'humains en partance, en revenance, entre deux horaires. Il y a la crème des commerçants, le dessus du panier des marins-pêcheurs, la haute société retraitée qui confond les larmes et les embruns, pour ce qu'elles ont de souvenirs iodés à retenir dans les filets. Plus loin, près de la capitainerie, la butte de Sion jette un regard circulaire sur l'ensemble de la ville. Elle ressemble, en ce matin d'été, à l'idéal que l'on se fait du bonheur transversal : entre l'impression d'être ancrée ici tout en étant ailleurs. C'est sûr que la mer aimante ce qu'elle touche. C'est sûr que la mer déverse, sur le sillon des fins reliefs, la preuve que sans elle, Vierzon ne serait pas Vierzon. Le marché fourmille, sur les places centrales. Le soleil, déjà chaud, est à marée haute. Une trace de vent raye l'air lourd à porter. Les bistrots sont accoudés à la curiosité de la foule : c'est étonnant comme les terrasses s'étalent, comme elles semblent animées de l'électricité marine qui, une fois coupée, c'est sûr, rend la mer plate comme une rue piétonne. L'étrange idée qu'on se fait d'être ici n'est rien à côté de cette formidable idée d'y être née. La mer a son industrie propre et son économie personnelle. Vierzon sans la mer aurait ressemblé à ces villes moyennes punaisées au centre de la France sans qu'aucun grain de sable ne déborde de son destin. C'est étonnant d'être d'un continent tout en étant relié à la mer, cette faculté d'être à la fois le solide et le liquide, de défier les loirs de la transparence. J'allonge un pas décidé vers les rues que je préfère, les deux-trois cafés où sont sanglés les derniers secrets du jour et qui m'attendent, comme autant de valises à emporter. Plus on s'éloigne du port, dans le ventre de la ville, plus la ville durcit son statut de ville. Plus on s'enfonce dans la terre, plus la terre vous admet. Entre les rives et la tonitruante cité de l'arrière-ville, deux mondes s'affrontes. Ils étaient quatre jadis, quand la ville éclatée en quatre entités distinctes, se disputaient son destin. Quand plus tard, par raison, la ville a noué ses quatre communes indépendantes, chacune d'entre elles a gardé sa ligne d'eau, ses aspects, son nom, sa façon d'être. Etre de Vierzon ne signifie pas être à Vierzon, mais des Forges, de Villages, de Ville ou de Bourgneuf. Les quatre quartiers bruissent pourtant des vagues qui reviennent, je les entends galoper, pour remettre à niveau, la mer avec la terre. Pour remettre l'île Marie dans sa façon d'être une île. Je suis à la terrasse du café « T'as voulu voir... » Brel y a laissé une dédicace amoureuse. Si Vierzon avait la mer, serait-ce encore Vierzon ou une façon d'être Vierzon ?

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