Une petite musique lancinante et agaçante se propage. Il devient impossible, dans les circonstances actuelles, d'émettre la moindre critique sur la gauche. Car on vous brandit le panneau : "vous faites monter le R.N." Pire, on vous colle une étiquette dans le dos : "vote à droite, vote à l'extrême droite". Sans autre forme de procès. Il est tout à fait louable de critiquer toutes les composantes politiques de ce pays, sauf le Nouveau Front populaire, quand bien même vous partagiez tout au partie ses idées, il faut s'y donner corps et âme, aveuglément.
C'est le drame actuel : ce n'est plus du prêt à penser, c'est carrément la pensée unique qu'on nous sert en entrée, en plat, en dessert. Vous avez beau argumenté, tenté la discussion, les gardiens de temple son impitoyables : ils vous crucifient au nom du père (Mélenchon), du fils (Bompart) et du Saint-Esprit qui semble l'avoir perdu. "Ce n'est pas grave pour celui qui l'a perdu, c'est con pour celui qui l'a trouvé qui sait pas'", disait Coluche.
La dissolution de l'Assemblée national et les élections législatives ont accouché d'une planète politique qui ne sait plus où est le nord, le sud, où les gagnants sont les perdants et vice-versa, où la majorité devient l'opposition, où ceux qui ont le moins de voix ont le plus d'élus, où l'on s'arrange de la démocratie quand on estime que les électeurs ont mal voté.
La violence des propos radicalise toute discussion. Il n'est même pas permis de critiquer une partie de la gauche quand l'autre partie lui crache dessus : mais ceux-là ont le droit, pas nous. Léo Ferré chantait "ils ont voté et puis après". La participation n'a été jamais été aussi élevée, le Front républicain a marché à plein régime, le R.N a été renvoyé dans les cordes mais on a bien compris, qu'au soir du deuxième tour, ces élections ne nous appartenaient plus. Ils n'appartenaient même plus aux députés du Nouveau Front populaire, laissés de côté par les "chefs à plumes" qui discutent entre eux comme le dit Nicolas Sansu, député communiste du NFP.
La politesse est désormais à la carte, l'insulte doit exclusivement venir de la gauche pour être recevable, il est interdit de penser différemment du NFP ou du moins on peut mais il est conseillé de ne pas le dire. Bref, et Vierzonitude a pu le constater, la société doit être à l'image exclusive d'une majorité qui n'en est pas une, où le tiers des députés croit peser contre les deux autres tiers. On imagine quelqu'un qui n'est au courant de rien et qui découvre la situation. Il se dirait sûrement que la prochaine fois, il n'ira pas voter. Le meilleur moyen de ne pas être déçu.
Car...
La majorité est dans l'opposition.
La minorité est dans l'opposition aussi.
Les gagnants de la majorité sont donc les perdants de la minorité mais alors les perdants de la minorité sont à armes égales avec la majorité puisqu'elles sont toutes les deux dans l'opposition.
Cela signifie qu'il n'existe aucune majorité, donc aucun gagnant et que si tout le monde se retrouve dans l'opposition, cella veut dire alors que l'opposition est une immense majorité, alors que normalement l'opposition est la minorité.
Si l'opposition à la majorité s'appelle la minorité, comment s'appelle l'opposition à la minorité ? Déjà que les gagnants sont les perdants et que les perdants sont ceux qui n'ont pas vraiment gagné, on se demande si, finalement, le vocabulaire a encore un sens ?
Et...
Les gagnants sont les perdants. Les perdants sont les gagnants. Mais personne n'a vraiment gagné, bon d'accord, personne n'a vraiment perdu. Ceux qui ont le plus de voix ne sont pas ceux qui ont gagné dès lors que ceux qui disent avoir gagné ont moins de voix que ceux qui n'ont pas perdu.
Toutefois, ils n'ont pas gagné non plus car ceux qui se disent gagnants sont pour l'instant les perdants alors que ceux qui ne disent pas avoir gagné sont les gagnants. D'autant que les gagnants qui avaient perdu ont gagné avec les voix des perdants alors que ceux qui ont perdu ont perdu avec les voix des gagnants. Bon ben, débrouillez avec ça.