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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


A la braderie de Villages

Publié par vierzonitude sur 23 Août 2024, 23:17pm

A la braderie de Villages

C'était un rituel immuable, du moins le pensait on, comme la solidité des saisons, la bougeotte des nuages ou le silence humide après la pluie. La braderie de Villages coulait comme un concentré de tradition dans les veines du quartier. 


Si certains ne se croisaient qu'une fois par an, c'était là-bas... ou à la foire-exposition, autre date incontournable sur le calendrier vierzonnais.


La Braderie de Villages était un long serpent de commerçants non sédentaires qui accéléraient le pouls des commerçants non sédentaires. Du moins, c'était le but inscrit dans son ADN, en 1954, quand la première braderie s'est étirée du dispensaire à la rue du Grelet. La braderie bravait l'hiver, en plein mois de février, plutôt frisquet pour se balader.


Mais, chaque année, la braderie de Villages déversait des milliers de personnes dans ses poches, ma mère m'y emmenait aussi sûrement qu'au carnaval, en me tenant fermement la main pour ne pas me perdre dans la jungle humaine qui ondulait. 


On y allait pas forcément pour acheter, pour écouter, pour faire corps, pour y être. Un camelot commençait à vous vendre un gant de toilette et vous repartiez avec des serviettes, un savon et en cadeau une brosse à dents inusable !


Chaque année, toujours un dimanche, un ballet incompressible se mettait en route : la Fée de Villages, le cortège des élus, la fanfare, le mimosa, ils ouvraient la braderie comme on décapsulait une bière, c'était intangible, les élus marchaient comme s'ils devaient se faire réélire le lendemain, ils se montraient, pavanaient, défilaient, musique en tête, reine à leurs côtés. 


Le rendez-vous avait un petit côté désuet, à croire que les années 1950 s'étiraient dans les années 1960, jusqu'au bord des années 2000, après plus de cinquante éditions, la braderie s'est éteinte comme on souffle une bougie.


A Villages, le long serpent annuel avait pris l'habitude de défier le temps qui passe et le temps qu'il fait, mais, usé par le manque de bénévoles, dépassé par l'époque, la braderie a sombré au fond des contraintes. Je l'ai tant parcouru, avec indifférence, intérêt, par curiosité, par habitude, par tendresse. 


Le bruit devenait familier, j'y serrais des mains, j'y rencontrais untel, j'y revoyais untel, dans ce magma humain, parfois jusqu'à - 6 degrés, on se tenait chaud de simplement être là, au milieu des autres. 


Le bitume et les trottoirs doivent s'en souvenir encore, Villages n'a jamais renoué avec son antique braderie, à la fin des fins, la balade se perdait dans le fumet des stands de restauration, de bric et de broc, mais au fond, peu importe ce qu'on y vendait, le principal tenait dans la longévité de ce rendez-vous, dans son habitude ancrée. 


Qui n'y allait pas, avait raté quelque chose. Je sais qu'il reste de cette animation, bien plus qu'une simple braderie annuelle. Et sa disparition a mis fin à la durabilité exquise d'un rendez-vous qui m'a vu grandir. 


Quand une autre durabilité exquise me tenait chaud à la main : celle de ma mère avec qui Vierzon a pris toute sa dimension géographique à travers nos escapades pédestres. De long en large.


R.B.

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T
C'est bien vrai ... Que de souvenirs, le quartier était bien vivant à cette époque, les usines de porcelaine et la SNCF était bien présentes avec tous les vierzonnais de Villages. La SNCF serait peut-être encore présente si les syndicats ne l'avaient pas coulée... C'est plus difficile à dire pour la porcelaine.<br /> C'était, il me semble, les seuls pourvoyeurs d'emploi. <br /> Et c'est sans compter la cavalcade ...<br /> Une époque que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître. <br /> Inimaginable combien le quartier et sa population ont changé.
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