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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


A ma marchande glaces l'été et de marrons l'automne

Publié par vierzonitude sur 2 Août 2024, 13:17pm

A ma marchande glaces l'été et de marrons l'automne

Elle était là l’été, elle était là l’automne et l’hiver. Elle était finalement là tout le temps, une vigie bienveillante sur la marche du centre-ville de Vierzon. A l’époque, la place du Mail, (Aristide Briand) n’était pas celle que l’on connaît. 

Le parking où se garaient les voitures se trouvait au milieu, avec des arbres et l'on pouvait en faire le tour, avant que la place ne soit transformée comme elle est. Et comme elle n’aurait pas dû l’être... 
Elle s’installait au bout, disons en face du tabac du Mail qui faisait encore bistrot, près d’une borne à eau, une ancienne fontaine. Son patronyme s’est dilué dans ma mémoire, mais pas son visage, ni son sourire, ni son côté avenant, bavarde, commerçante, protectrice.

Son camion de glaces était jaune et combien de fois, ma mère et moi, nous nous y arrêtions. Pour bavarder, pour un esquimau bien sûr, exclusivement au chocolat, je n’aimais que ça, au chocolat, les cornets à une ou deux boules, je les laissais aux autres. 

Cette présence familière animait le centre-ville, elle était le centre-ville, la ville toute entière, la tradition incarnée, le rendez-vous qu’on ne rate jamais. Tout le monde la croisait, elle croisait tout le monde et, bien évidemment, ces confluences forgeaient des habitudes. 

Elle m’avait connu petit, elle m’avait vu grandir, elle était encore là quand j’étais au collège et quand je rentrais rue du Champ-Anet en passant par la place du Mail et le long de ce qui n’était pas encore, la verrue du Forum république. 

Elle incarnait une certaine idée de Vierzon, une insouciance reposante, une architecture tactile et souriante, une valeur sûre de ce qui n’aurait peut-être jamais dû se tarir.


 
Ce camion jaune l’été, c’était un air de fête, un coin de vacances, un îlot dans le désert estival. Elle était accoudée sur les frigos qui renfermaient les glaces. Elle était le décor. A l’automne et à l’hiver, elle troquait son camion contre une installation légère sur laquelle reposaient un immense réchaud alimenté par du gaz, une vaste marmite à trous pour y cuire les châtaignes ainsi qu’une caisse en bois dans laquelle reposaient les châtaignes cuites recouvertes de sacs en toile de jute pour les garder au chaud. 

Elle avait les doigts noircis par les châtaignes bien cuites et j’en raffolais, j’en raffole toujours. Il y avait plusieurs tailles de pot en bois, plusieurs sacs, plusieurs prix. C’était toujours plus cher que les glaces mais qu’est-ce que c’était bon ! 

Quand je ne pouvais pas lui en acheter, je passais bien sûr la voir pour lui dire bonjour, après le collège. Elle me prenait les mains, me les mettait au dessus du réchaud et avant de partir, elle me glissait trois-quatre châtaignes chaudes entre mes doigts. 

Ainsi, allait la vie agréablement balisée par sa présence en presque toutes les saisons. La nuit tombée, je savais qu’elle y était et quand j’avais quelques francs en poche, je les consacrais volontiers à son petit commerce. Je l’ai revu, plus tard, lorsqu’elle avait pris sa retraite, elle habitait aux Forges. 

Elle ne changeait pas, sauf qu’elle ne vendait plus ni glaces, ni châtaignes. Et la magie avait disparu.

Brigitte avait pris le relais, avec le camion, pendant un temps. Puis plus de camion de glaces, plus de châtaignes non plus. Mais des souvenirs. Xavier, le mari de Brigitte, avait alors remplacé l’absence des châtaignes par la présence d’une fameuse galette de pomme de terre, tout là-haut, avenue de la République, dans ce petit bâtiment qui fait l’angle avec la rue Victor Hugo. Il a emporté la recette avec lui et une partie de la joie de vivre de l’avenue.

Depuis, il n’y a plus jamais eu de marchande de glaces ambulante, ni de marchande de châtaignes ambulantes. Rien ne s’approchait vraiment du bonheur de simplement discuter, sourire, passer, être là. Alors, si quelqu’un, en désespoir de cause, possède une photo, ce serait vraiment une joie immense que de revoir ma marchande de glaces et ma marchande de châtaignes.

A Brigitte et Xavier Poron...

R.B.

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