Il y avait la gare des Forges, la gare de Vierzon et la Gardonnette... Oui, le magasin d'article de pêche, à gauche, juste au-dessus du Solex garé devant la Banque nationale de Paris, cette petite boutique d'angle qui a traversé le temps jusqu'à atteindre les rives de l'an 2000 avant de disparaître.
Le cœur de Bourgneuf n'était pas grand, mais il palpitait fort au bout du boyau de la rue des Ponts et du pont du Cher qui, des décennies, plus tôt, avait balafré la ville : zone libre d'un côté, zone occupée de l'autre. Le quartier en garde les meurtrissures invisibles mais un panneau réveille le passant et lui rappelle qu'ici, passait la ligne de démarcation.
Un jour, chez Rachel, (ex-bar de l'avenue), j'étais attablé avec Vincent Noyoux, l'auteur du livre "Le tour de France des villes incomprises." Il avait atterri ici pour écrire un chapitre sur Vierzon, Brel et cette mauvaise image qui colle à la peau de la ville. Un homme entre et chez Rachel, le dernier entré dit bonjour à tout le monde.
Convivialité oblige, Vincent Noyoux commence à discuter avec l'habitué et ce dernier l'emmène dehors, à l'endroit où se tenait le café du Centre, devenu plus tard une extension du fleuriste voisin.
Il expliqua à l'auteur comment le café se trouvait en zone occupée et comment la cour derrière était en zone libre, et combien de personnes sont entrées dans le bistrot pour ne jamais ressortir par la même porte.
Cette fascinante anecdote, comme d'autres, nourrit encore ce petit bout de Vierzon qui gagna son indépendance en 1887 avant d'être rattaché comme Villages et les Forges au grand Vierzon, en 1937.
A droite, on y voit encore la graineterie, transformée en agence bancaire.
Mon père me racontait qu'enfant (il était né en 1928) et pendant la guerre, il avait traversé la frontière entre la zone occupée et la zone libre avec un vélo qu'il devait déposer contre le mur de la graineterie. La légende raconte, et mon père ne le savait pas, qu'il y avait un message caché dans la pompe à vélo. Chaque fois que je passais devant, je pensais à lui, héros malgré lui...
Dans ce mouchoir de poche qu'est le cœur de Bourgneuf, la Gardonnette est restée longtemps le paradis des pêcheurs avant que son dernier patron ne ferme la boutique et qu'elle ne devienne un institut de beauté.
On aperçoit le Bergerac bien sûr, une épicerie, la graineterie, la boulangerie, en face la boucherie, à quelques exceptions près, ce petit bout de terre n'a pas beaucoup changé, il fait le lien entre le haut Bourgneuf, et le centre-ville.
Il a su résister beaucoup mieux que la rue des Ponts, il y a encore une boucherie, une pharmacie, une épicerie...
Les deux bistrots ont survécu, presque face à face, et c'est carrément un exploit quand on voit le nombre de cafés à Vierzon qui ont disparu. Une véritable hécatombe.
En attendant, le Bourgneuf continue de se débattre pour perdurer, avec le Cher comme voisin, calme pour l'instant et parfois très tumultueux quand les eaux montent un peu trop.
R.B.