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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


Il y a un énorme vide à la place du Moana

Publié par vierzonitude sur 10 Septembre 2024, 20:25pm

Il y a un énorme vide à la place du Moana

Il y a un énorme vide à la place du Moana, un vide pas tout à fait vide, si l'on empile les faits à leur juste cause qui sont restés enfermés entre ces murs, derrière cette façade en bois, ce judas sélectif, les heures languissantes, le comptoir caressant, les drinks à la chaîne...

Ce vide mériterait même d'être identifié, genre "ici, on s'encanaillait", l'espoir faisait boire, on consommait comme on respirait avec la lueur dans l'oeil qui frise de ne pas repasser sa soirée au fer de la solitude, dans les soirées glacées d'une ville endormie. Le Moana faisait figure de centrale nucléaire, avec son coeur en fusion, même si les sentiments glissaient comme un pyjama de soie sur des draps en satin.

Il y a toujours eu, à cet endroit, dans le centre de cette ville, à deux pas de l'Usine Case, un cabaret, dancing, spectacle strip tease, jadis Ambiance II, "cadre intime, musique haute fidélité", place de la Croix-Blanche, téléphone 3.50. 

Aux caboulots, aux cabarets sommaires, bistrots, troquets, bar chic, flottait l'étendard de cette façade aveugle où les fantasmes venaient s'échouer comme des vagues à la curiosité mal placée.

On se sait pas si les légendes ont supplanté la réalité ou si la réalité se dorait la pilule au soleil de ses légendes. C'était le bar qui permettait de relier la nuit au matin, du moins aux promesses d'une aube vierzonnaise. On en sortait comme les petits pois de leur conserve, avec la conviction du noctambule, que le jour n'est qu'un brouillon informe de la nuit qui s'avance.

Autant le bistrot traditionnel donne à voir, car justement, il fallait que les autorités de l'époque puissent voir de l'extérieur ce qui se passait à l'intérieur, autant le Moana et ses ancêtres donnaient à ne pas voir, il enrichissait les murmures, collectait les voix basses. 
On supputait, les murmures étaient soupçonneux mais on connaissait au moins un type, un copain, un ami, un proche, un voisin qui avait posé ses deux pieds à l'intérieur.

Il n'y a plus qu'un immense vide, des murs devenus invisibles, des portes ouvertes sur l'absence, un toit à ciel ouvert, il faut de l'imagination pour reconstruire les lieux. Quand le Moana a touché terre, abattu comme une vulgaire masure, un peu de ce Vierzon au goût interdit, insolent, partait avec la poussière. Même la poussière avait des choses à dire, ce jour-là. 

A ceux qui s'y pressaient, aux non-habitués, aux visiteurs d'un seul soir, aux consommateurs obscurs, aux solitaires en quête d'une ombre, aux historiens de la pudeur, aux sociologues des relations intimes, nous dédions ce morceau de bravoure patrimonial, pour que personne n'oublie. Il n'y pas de petite mémoire, seulement des souvenirs qu'on aime se servir dans de grands verres.

R.B.

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