Le bistrot n'était jamais en retard sur son époque, car l'heure de ce bistrot est immuable. La modernité peut passer après, ou ne pas venir du tout, peu importe, il est là.
Il voit passer le temps, les jours le regardent voguer dans le silence immobile de son immobilier : une façade à la terrasse bavarde, les murs retiennent sans doute les bruits d'avant, mais l'après les essore jusqu'à les faire danser dans la rue.
Le Bazile bar est à l'heure de toutes le pendules, de celles qui avancent comme celles qui retardent, il faut dire qu'un bistrot a toujours l'heure universelle, l'heure de toutes les heures, d'été, d'hiver, du soir et du matin. Le souffle des habitués qui s'arrêtent se cogne la tête contre le mur pour s'inscrire dedans.
Ce qui est étonnant, dans cette habitude bistrotière, c'est l'effort avec lequel les lieux résistent au temps. On ne peut pas dire qu'un jour, la porte sera close et les volets verrouillés, les lettres peintes du Bazile bar voleront dans l'air des rues comme un ruban de souvenir.
Que restera-t-il vraiment de nous, de notre place primordiale dans ces lieux ? Peut-on penser que le bistrot sera le dernier à rester debout ?
La façade murmure son passé, mais en tendant l'oreille, on n'entend les murmures de demain. Si ce n'est la curiosité qui crépite de savoir de quel comptoir se chauffe ce bistrot-là, assis au bord de son quartier comme d'autre ss'assoient au bord de la mer.
Il nous fait entendre les murmures persistants des mots qui s'y disent. Des rires égarés. Qui nous dira l'étoffe des clients, des habitués, des gens de hasard, attend on vraiment quelque chose à l'intérieur si ce n'est le plaisir d'y être ?
Mais au train où vont les choses, le Bazile bar résiste aux tourbillons de l'époque Avis au futur : laissez le vivre pour les cents ans qui viennent.
R.B.