Ses livres sont écrits à vif, avec cette écriture qui vous lacère la peau. Sa silhouette est une habitude à Vierzon. Jean-François Jacq, écrivain vierzonnais, victime d'un grave accident de la route, évoque dans son dernier livre "Il fera bon mourir un jour" son syndrôme de Guillain-Barré.
Il en parlera aussi ce samedi 30 novembre, à partir de 10 heures à l'amphithéâtre d'Algosup, sur le site de la Société Française, au cours d'une conférence dans le cadre du Téléthon avec l'association Passeurs de mots.
Vierzonitude l'a cuisiné. Il a répondu avec la sincérité qu'on lui connaît.
Pourquoi avoir choisi d'évoquer votre maladie dans votre dernier livre "Il fera bon mourir un jour" ?
Mon dernier livre évoque l’ensemble de mon parcours de vie, hors norme. Le fait d’avoir grandi dans un milieu schizophrène et en partie dans le noir. Le fait d’avoir passé plusieurs années à la rue, de 19 à 22 ans, etc. Je ne pouvais pas faire abstraction de cette maladie survenue durant mon adolescence, à l’âge de 16 ans ; et qui a indéniablement changé ma vie de fond en comble. Au début de cette maladie, qui commence par des difficultés à marcher et à s’alimenter, le médecin de famille, sans procéder au moindre examen, en a conclu que c’était moi qui ne voulais plus marcher ni m’alimenter.
Mon père a alors signé une décharge afin de me faire interner dans un hôpital psychiatrique. J’en suis sorti aux portes de la mort, et sur intervention du préfet, seule personne habilitée étant mineur pour me sortir de ce piège, cet internement par erreur, afin d’être évacuer vers un premier hôpital où l’on a songé à la polio, puis un second, Garches, où je suis resté durant de très longs mois.
Parler de cette maladie, c’est dire que l’enfant que j’ai été, et qui n’a pas eu d’enfance, est mort pour moi dans cet hôpital, et que la régression de ma maladie, de l’ordre du miracle selon les propres mots du personnel soignant, a été ce que je considère comme étant ma propre naissance.
Parlez nous de cette maladie et du quotidien que vous partagez avec.
Il s’agit de la première cause mondiale de paralysie flasque aigüe (c’est-à-dire des muscles) depuis la disparition de la polio. On ne sait rien de cette maladie qui touche 1700 personnes par an, selon les chiffres du ministère de la santé.
Chaque syndrome de Guillain-Barré est en soi unique, si différent. Le souci c’est que, encore de nos jours, il y a une véritable méconnaissance de cette maladie de la part du corps médical. Il faut dire que ça se résume à trois lignes durant les études de médecine.
Cette maladie touche les nerfs, c’est le système immunitaire du patient qui, en fait, s’attaque à son propre organisme. Dans 30% des cas, ce fut le mien, cela peut aller jusqu’à une assistance respiratoire, et donc une trachéotomie, les nerfs respiratoires étant touchés, ainsi qu’une paralysie, qui fut complète en ce qui me concerne.
Il faut savoir que cette maladie est mortelle dans environ 10% des cas, qu’il y a une possibilité de récidive dans 5% des cas, et qu’il faut des mois, voire des années pour s’en remettre, sachant que certains conserveront des séquelles à vie.
Cette maladie, si elle remonte à mon adolescence, ne m'a jamais quitté. Elle fait partie de mon quotidien, dans le sens où elle m'a appris à devenir ce que je suis.
Elle me semble toujours présente, à fleur de peau. Comme la plupart des malades atteints lorsque j'en parle je dis : mon Guillain-Barré. Et puis, elle est comme une épée de Damoclès. Car il y a un risque, de l'ordre de 5% - ça paraît peu mais c'est énorme pour qui a été touché - de récidive. À la moindre faiblesse, fatigue, de suite on repense aussitôt à notre Guillain-Barré.
Parlez nous aussi de votre rôle dans l'association les Passeurs de mots qui participe cette année au Téléthon 2024 ?
Depuis mars 2024 je suis désormais administrateur au sein de l’association Passeurs de mots dont le but, via le travail conséquent d’Annie Vigier, est la création d’un poste d’écrivain public.
Mon travail, en ma qualité d’écrivain, consiste à porter la parole de l’association, et à soutenir toutes les actions. D’où ma proposition cette année, dans le cadre du Téléthon, que je ne pouvais pas imaginer émanant de ma seule personne mais en lien avec une association dont je me sens très proche.
À l’issue de la conférence, qui sera pour moi la première où je vais parler de ma maladie, je dédicacerai mon dernier livre, dont l’intégralité des ventes sera reversée au Téléthon. Passeurs de mots vendra également des cartes de vœux « Fraternité » à cette occasion.
Le lien s’est aussi fait, lors de la réunion d’organisation du Téléthon, avec les élèves de l’école supérieure d’informatique Algosup, qui nous ont proposé que cette conférence se déroule dans l’amphithéâtre de l’école, ce dont nous tenons à les remercier.
La conférence sera également retransmise en live durant les 50 heures d’antenne réalisées par Algosup en vue de recueillir des fonds pour le Téléthon (sur Twitch, le lien sera : ALGOSC1).
En plus de votre maladie, vous avez été victime d'un grave accident de la circulation, comment surmonte-t-on toutes ses difficultés ?
Il ne faut pas se leurrer, il y a des hauts et des bas. J’ai effectivement été fauché par une voiture sur un trottoir, ce qui m’a valu plusieurs mois d’hôpital, et je suis désormais en invalidité. Et pourtant, je me dis que j’ai une chance énorme, non seulement d’être en vie, mais de pouvoir écrire, d’avoir cette capacité d’entente avec les mots.
Ma vie a toujours été de l’ordre du combat, il en est ainsi et je ne sais pas pourquoi. Il m’a donc toujours et encore fallu avancer, et surtout sans nulle haine vis-à-vis de personne.
L'écriture chez vous est-elle une thérapie efficace ?
L’écriture me permet non seulement de me questionner, mais en vérité elle me permet d’aller au-delà des questions. Oui, c’est une thérapie, ce d’autant plus qu’elle m’a permis de ne jamais avoir besoin d’avoir recours à un psy.
C’est à travers les mots que je règle ma vie. L’écriture de mon dernier livre, Il fera bon mourir un jour, est d’autant plus en résonnance avec ma maladie, qu’elle est en soi une écriture de l’intérieur. Ma paralysie m’a appris et obligé à devoir fouiller au plus profond de mon être. Elle a guidé, intensifié mon écriture.
Mon premier vrai dialogue avec quelqu’un, au vu de l’absence d’amour que j’ai reçu étant enfant, ce fut avec les mots.
Vous étiez aussi un pilier du salon du livre de Vierzon. Peut-on espérer le revoir en 2025 ?
Nous sommes en pleine réflexion quant à une éventuelle nouvelle édition du salon du livre. La porte n’est pas fermée, d’autant qu’un libraire indépendant est désormais installé à Vierzon.
A suivre : Une lecture mise en espace consacrée à James Baldwin, dans le cadre du centenaire de sa naissance. C'est ma quatrième lecture, la précédente était consacrée à Missak Manouchian (je me propose d'en effectuer 4 par an). Ce sera le 7 décembre 2024 à l'Épicerie Contemporaine