Le tribunal des ouvriers. Enquête aux prud'hommes de Vierzon, Laurent AUCHER. Préface de Jean-François Laé. Logiques sociales
Si le primat de l'économie sur le social a renforcé les inégalités, il a aussi affaibli la démocratie. Donnant la priorité aux archives judiciaires et aux récits biographiques, cette enquête prud'homale menée à Vierzon rend compte des mutations du monde du travail ouvrier. En filigrane, elle permet d'identifier les conditions par lesquelles les prud'hommes, après avoir été pleinement un tribunal des ouvriers, sont devenus un tribunal des pauvres dont les classes populaires ne sont plus à proprement parler partie prenante du fonctionnement.
LE TRIBUNAL DES OUVRIERS
Enquête aux prud'hommes de Vierzon
Laurent AUCHER
Préface de Jean-François Laé
Logiques sociales
La remise en cause du principe d'égalité d'accès à la justice
La journaliste du Berry républicain, Véronique Pétreau, rapporte dans son article sur l'inauguration, courant décembre, des locaux provisoires de la Maison de la justice et du droit de Vierzon,...
.../... "Le décret entérinant la fermeture des 62 conseils de prud’hommes, dont celui de Vierzon, est paru au Journal officiel le 1er juin 2008. Cette fermeture s’inscrit dans le cadre de la redéfinition de la carte judiciaire voulue par le président Nicolas Sarkozy et mise en place par Rachida Dati, alors ministre de la Justice. Dans un discours prononcé le 10 novembre 2007 au palais de justice de Toulouse, l’ancienne garde des Sceaux notait vouloir rechercher « le meilleur équilibre entre les impératifs de modernisation de l’institution judiciaire, de renforcement de la qualité de la justice au service de nos concitoyens, et l’indispensable prise en compte des équilibres territoriaux ». Dans un entretien accordé à l’Humanité (réalisé par Lucy Bateman et paru le 1er décembre 2008), la sociologue du droit Évelyne Serverin déclarait ceci : « La carte prud’homale actuelle trouve son origine dans la réforme de 1979, qui généralise les conseils des prud’hommes et pose les principes de leur implantation. Ce texte prévoit au moins un conseil par ressort de tribunal de grande instance, ce qui correspond à un minimum de 181 conseils. Ensuite, si des raisons d’ordre géographique, économique ou social le justifient, des conseils supplémentaires peuvent être créés. Sur cette base, et en réexaminant la situation tous les cinq ans à l’occasion de la préparation des élections prud’homales, on était arrivé au chiffre actuel de 270 conseils en France métropolitaine et DOM, supérieur au minimum théorique de 181. On n’avait jamais trouvé de motif de réforme plus profonde, hormis des ajustements sur le nombre de conseillers. Au cours des vingt dernières années, le nombre d’affaires traitées au fond par les conseils de prud’hommes a peu évolué : 145 522 en 1988, 151 587 en 2007. Nous sommes actuellement dans une période de diminution du nombre d’affaires, mais qui ne modifie pas sensiblement l’activité des conseils.../...
Vierzonitude reviendra plus en détails sur le livre de Laurent Aucher "La mémoire ouvrière, recherche sur la mémoire du collectif" aux éditions l'Harmattan, collection, Logiques sociales. Professeur certifié d'éducation socioculturelle, Laurent Aucher enseigne à Bourges. Ce livre, est le thème d'un mémoire sur la question de la vie ouvrière. L'auteur s'appuie sur une enquête réalisée à Vierzon entre 2006 et 2012 auprès de deux générations de métallurgistes. Le livre vient de sortir, dans la même parenthèse de temps que les travaux du bolwing ont été lancés dans le B3 de la Société-Française. Etrangement, c'est cette photo du B3, face sud, que l'auteur a choisi pour la couverture de son livre. Dans plusieurs décennies, on parlera de la Mémoire du bowling...
La classe ouvrière, c'est le thème central du livre de Laurent Aucher, La mémoire ouvrière, recherche sur la mémoier du collectif. Le fond de cet ouvragea pour terrain de recherche, la ville de Vierzon. L'auteur estime que "la classe ouvrière n'a pas disparu : elle est devenue invisible". Il reprend le vieux thème de la fameuse caste politico-médiatique qui se ligue pour effacer la classe ouvrière de la surface des médias. Cela donne : "désormais, le personnel politico-médiatique (journalistes, politiques, "experts" etc.) participe efficacement à l'effacement du monde ouvrier dans son ensemble, en privilégiant le recours à des catégories conceptuelles qui délaissent le registre de la classe (comme "salariés/chômeurs", "intégrés/exclus", "travailleurs/assistés" etc.) : ce qui a pour conséquence de minorer, voire de nier, la réalité de l'"existence d'une opposition de classes et d'un éthos ouvrier, catégories très pratiques pour qui prône consciemment ou non, une vision individualiste du monde social."
Ainsi, l'auteur pense que "la classe ouvrière n'apparaît plus en tant que telle dans l'espace public médiatisé". Sauf.... à Vierzon ! Pour la voir, l'auteur appelle à "un changement d'angle". Et là, tout est magique. Idyllique même. Dans ce pays du centre de la France, tout d'un coup, on découvre, comme dans une réserve, la présence "physique" de la classe ouvrière. Alors, une question se pose ! Où est-elle ? Réponse : "il faut se promener du côté de la gare routière, située en plein centre-ville, au "Forum", un jour de la semaine à une heure d'affluence, ou, en fin d'après-midi du côté de la nouvelle zone commerciale "L'orée de Sologne", au nord de l'agglomération, pour constater qu'elle est toujours bel et bien présente".
Voilà, en quelques mots troussés, un cliché fort pesant. D'autant qu'il est aisé de reconnaître, parmi d'autres personnes, "la classe ouvrière". Cela signifie donc que, physiquement, cette classe ouvrière se distingue des autres classes. Dommage que l'on n'apprenne pas, dans ce passage, de quelle façon reconnaître un membre de la classe ouvrière, d'un membre d'une autre classe. Mais avec un peu de chance, on se dit que, comme nous nous trouvons à Vierzon, il y a de fortes chances qu'on tombe dessus de toute façon.
Les marchés aussi permettent de constater que la classe ouvrière "n'appartient pas encore au passé. Il faut participer à l'une des nombreuses manifestations organisées par la municipalité ou par les associations locales pour mesurer ce paradoxe : la présence physique de la classe ouvrière daans l'espace public réel est inversement proportionnelle à son absence dans l'espace public médiatisé." Tellement présente à Vierzon qu'un musée lui sera consacrée. On apprendra ainsi à la reconnaître.