La ville de Vierzon va rendre hommage ce lundi 16 septembre à Fernand Micouraud, ancien maire de Vierzon qui disparaissait il y a douze ans.
Fernand Micouraud a gagné Vierzon aux sentiments. A la simplicité. A la rigueur de ses idées. Au labeur plus qu'au travail. "L'ouvrier maire" titrait la presse locale le 21 avril 1990, lorsqu'il décida de démissionner de son poste de maire de Vierzon, après une carrière politique à la force des bras. L'ancien maire de Vierzon s'est éteint, dimanche à l'âge de 88 ans. C’était un homme de conviction et tous les vierzonnais ont pu apprécier, sa tolérance, son humanisme, sa gentillesse, sa disponibilité, son amour pour sa ville, pouvait-on lire sur le blog du PCF de Vierzon.
Fernand Micouraud était le miroir de ses concitoyens. Stature élégante et simple. Pilier communiste, solide défenseur des idées d'une époque, dans un Vierzon écorchée par les premières salves d'une désindustrialisation massive, il gérait sa ville à l'image même de son passé, de son existence, de ses racines familiales, avec une volonté simple.
Il recevait dans son bureau, toujours. Y compris pour la création d'une association de jeunes artistes. Il avait parfois le pardessus triste, comme cette affiche électorale où les épaules courbes sur un ciel gris vierzonnais lui donnait l'allure d'un dernier combattant un peu forcé par ses troupes à foncer de nouveau sur la ligne.
C'est vrai aussi. La campagne de 1989, sa dernière, devait tout à sa popularité. Il l'a menée jusqu'au bout, pour emmener sa liste à la victoire et, un an plus tard, se retirer sur la pointe des pieds, pensait-il. Passer le relais à Roger Coulon, son premier adjoint.
Sauf que l'histoire politique de Vierzon a des ressorts que même les plus avertis peuvent ignorer. Ou ne pas prévoir. Mais Fernand Micouraud, ce n'est pas non plus l'homme d'une seule défaite, celle qui fit perdre la ville au P.C de 1990 à 2008 à la suite d'une rupture entre les Socialiste emmenés par Jean Rousseau (finalement maire de Vierzon de 1990 à 2008) et les Communistes. A cette occasion, Georges Marchais, le patron du P.C.F lui adressa un courrier de soutien.
C'est aussi une empreinte, comme celle que marqua Léo Mérigot avant lui. Fernand Micouraud était alors son premier adjoint, l'ombre tutélaire. Une empreinte ouvrière dans une ville ouvrière, quoi de plus logique. Un Vierzonnais comme les autres qui réussissait l'exploit de faire voter l'homme plus que l'étiquette. Sur sa mobylette, un ouvrier de la LBM qui ne s'intéressait pas plus que cela à la politique, votait toujours Fernand Micouraud aux municipales....
C'est en Haute-Vienne qu'il est né, en 1924, dans une famille cheminote. C'est à Vierzon qu'il arrive, quelques mois après sa naissance, dans cette ville de fer et de chemin de fer, de forges encore tièdes, de porcelaines pimpantes, de verreries réputées, de machinisme agricole flamboyant.
Cette ville écartelée en quatre, quatre Vierzon, réunis treize ans plus tard (1937) et à la tête duquel, le grand Vierzon, il se retrouvera un jour. Le père de Fernand Micouraud était un progressiste révolutionnaire attiré naturellement par le travail et le Parti communiste.
Est-ce la physionomie de Vierzon qui, au final, avait aimanté cette famille, cette ville dans laquelle "il sera Vierzonnais et travailleur. C'était un pléonasme" écrit la presse locale, à travers deux pages d'hommage suite à sa démission en 1990.
La seconde guerre mondiale entraîne Fernand Micouraud dans le monde du travail et, de fait, dans l'engagement syndical, à "la Précision moderne". Destin croisé : il rencontre Jacques Rimbault, futur adjoint de Vierzon, futur maire de Bourges et député du Cher surtout. Fernand Micouraud épouse la cause politique, la cause communiste, la cause Vierzonnaise, autre pléonasme...
Mais son destin pouvait-il en être autrement, dans ce Vierzon industriel, bouillonnant, hautement ouvrier. Il n'est pas né ici, c'est vrai mais il s'est fait ici, il s'est moulé aux gens, moulé aux murs, moulé à l'intransigeance d'une époque et en même temps à son intérêt passionnément militant. Un militantisme vif, chevillé au corps.
Car à Vierzon, forcément, Fernand Micouraud trouve sa cause, sa force d'être d'abord conseiller municipal en 1953, premier adjoint de Léo Mérigot en 1959, son remplaçant à la tête de la ville en 1977, jusqu'à sa sortie en 1990. Trente-sept années d'engagement, sur une même ligne droite. Lui, l'ouvrier devenu maire, l'élu paternel, le père tranquille. Le Maire.
La haute silhouette de Fernand Micouraud a plané sur cette ville jusque dans ses plis. Ce Vierzon d'usines et d'ouvriers, c'était son bain et son oxygène. La ville devait servir la cause populaire, dans son architecture, ses services, sa façon d'aborder l'économie, dans ses engagements évidemment marqués par l'exagération parfois.
Des logements sociaux poussent partout, des rues, des routes, des équipements sortent de terre. Le peuple doit être au centre de la politique municipale. C'est dans cette ville qu'il s'est formé, c'est dans cette ville qu'ildoit rendre ce qu'il n'a pas toujours eu, le confort d'une enfance à l'abri du besoin. Vierzon où la terre est rouge comme l'air.
Fernand Micouraud apprenait ses leçons à la lueur d'une lampe à pétrole, du côté du Crot-à-Foulon. Plus tard, il a suivi des cours à l'école nationale professionnelle de Vierzon, la crème des ENP de France. Puis il file à la Précision Moderne. Devient dessinateur industriel.
Tandis que Fernand Micouraud hérite de Vierzon, Jacques Rimbault prend Bourges. Avant cela, ce dernier devient d'ailleurs le maire adjoint aux travaux de Léo Mérigot, Fernand Micouraud en est déjà, lui, le premier des adjoints, le vrai patron dit-on, de la mairie, c'est lui. Il s'affranchit, devient conseil général en 1973 pour ne lâcher la place qu'en 1992.
A Vierzon, le PCF est tout puissant et la presse municipale enflamme ses unes. Les changements physiques engagés par Léo Mérigot se poursuivent à grand train par son successeur. Il ne manque plus à Vierzon qu'un député-maire que Fernand Micouraud ne deviendra jamais malgré plusieurs tentatives pour y parvenir, y compris face à Jean Boinvilliers, baron gaulliste tenant la circonscription de Vierzon (redessinée depuis).
L'affaire Pulsar 80 (le festival de musique à Vierzon qui s'est terminé en émeutes à travers la ville) ne l'empêche pas de rafler la ville une nouvelle fois en 1983 et 1989. L'urbanisme de Fernand Micouraud colonise surtout l'emplacement de l'ancien canal de Berry bouché en centre-ville par Maurice Caron et ensuite Léo Mérigot.
C'est le temps du Forum République, du hall des expositions, de la résidence Larchevêque. Mais c'est aussi le temps d'une foultitude de transformations qui s'étalent dans les journaux municipaux, de la déviation au futur TGV toujours attendu, les rues piétonnes, la rénovation du vieux-Vierzon, l'habitat etc.
"Sur les cinquante trois ans du Vierzon unifié (de 1937 à 1990), j'aurai ainsi participé durant trente-sept années à son remodelage, comment ne pas mesurer le chemin parcouru avec vous" écrivait-il en 1990 dans sa déclaration lors de sa démission. "Avec vous, j'ai connu la joie d'une reprise économique diversifiant l'activité qui trop longtemps avait été spécialisée dans le machinisme agricole et la porcelaine jusqu'à son agonie. C'est en 1959 qu'aux côtés de notre grand aml Léo Mérigot, élu maire de Vierzon, je fus appelé à le seconder. Avec vous, j'ai connu les inquiétudes de la crise qui s'abattit sur notre ville. C'était l'héritage que l'on nous laissait avec deux mille chômeurs.../... J'estime le temps venu de passer la main, n'ai-je pas droit moi aussi à une retraite active ?"
Vingt-deux ans plus tard, Fernand Micouraud avait rédigé, à sa façon, une autre déclaration aux Vierzonnais, plus catégorique celle-ci : il a passé non pas la main, une seconde fois, mais il a passé la vie. Vierzon, le grand passage, c'était l'un des slogans vierzonnais durant sa mandature.