C'est avec tristesse que plusieurs lectrices et lecteurs de Vierzonitude nous ont fait part de la disparition de Philippe, le patron du café-restaurant l'Epis Centre dans le quartier du Bas-de-Grange. Un choc d'autant plus brutal que Vierzonitude avait rencontré Philippe, en janvier dernier, derrière son comptoir. Quelqu'un a délicatement posé un bouquet de fleurs sur le rebord de la fenêtre de ce bistrot qui annonce, sur sa porte, sa fermeture définitive.

Ce que nous écrivions en janvier dernier : C'est un bistrot planté au milieu de nulle part. Mais c'est l'Epis-Centre de tout un quartier. L'Epis-Centre, un nom très bien trouvé pour ce rescapé de la limonade, car qui aurait donné deux sous à ce café de la place du Bas-de-Grange, solitaire, seulement voisin du dépôt-vente historique, un peu plus haut et sur les hauteurs, Vierzon-Villages. Philippe, 50 ans, n'est pas un Vierzonnais pur sucre. Pourtant, il y a quatre ans, il pose ses valises dans ce bistrot, et décrète d'en faire aussi un restaurant ouvrier. Derrière ses lunettes, la faconde malicieuse du patron explique que la porte est encore ouverte.
L'ardoise murmure le menu du midi. Ca sent la sympathie à plein nez, le café-crème, sur le comptoir est conforme au réconfort qu'on en attend. Ce bistrot a toujours bravé les modes et il fait partie de ces troquets, moins de quarante à Vierzon, qui font de la résistance. On y mange, on y achète le canard, on y boit un coup debout ou assis, on s'y arrête rarement par hasard.
Il faut du cran pour se planter au milieu d'une place et l'investir de cette façon. Philippe a baroudé, mais c'est à Vierzon qu'il s'installe. "Cela aurait pu être à Vesoul". Pas fou le bonhomme qui glisse du Brel dans l'oreille de celui qui n'attend que ça. Alors, si vous ne connaissez pas l'Epis-Centre, courez-y, mangez-y, buvez-y un café, discutez avec le patron, il n'y a rien de tel pour se dire que l'esprit bistrotier n'est pas parti dans le caniveau avec la dernière pluie.
La place du Bas-de-Grange n'a rien de sexy mais pour les anciens mômes du quartier, pour les habitants du secteur, on se rappellera que, jadis, le comité des fêtes y organisait une fête justement. Qu'on a même la preuve que des cyclistes, sur des images en noir et blanc, déboulaient à fond de cale de la rue voisine. Que cette place n'a pas toujours été déserte, le quartier pas toujours aussi calme. Car quand les gars de la LBM ont occupé leur usine six mois, au début des années 1980, croyez bien que la place est devenue forte. Avec le bistrot (jadis du Coin) pour témoin. Philippe aussi regarde par la baie vitrée. Il y a moins de mouvement, mais on sent que c'est un gars heureux. Et ça, les clients adorent.