Les lecteurs vierzonnais (et les autres !) ne sont plus orphelins. Depuis ce mardi matin, la librairie Le Grand Meaulnes illumine l'avenue de la République. Une librairie indépendante après la fermeture de celle de Jean Catinaud, c'était inespéré. Paradoxe vierzonnais : elle ouvre l'année où le salon du livre n'aura pas lieu en novembre, comme depuis ces dix dernières années.
Mais, au diable le pessimisme. Dans cet antre feutré peuplé d'étagères ventrues aux appétits livresques, un visage se détache, celui d'Emmanuel Desmarestz, le patron, gentillesse à toutes les pages. Ce professionnel de la librairie tenait la Poterne à Bourges. Puis, après l'avoir cédé, après une parenthèse, le voilà qui décide de planter une graine littéraire à Vierzon après ses presque trente ans de métier.
Le Grand Meaulnes, en plus, quel plus bel hommage à Alain Fournier dont le livre et la biographie sont sagement posés près de la caisse, quel plus bel hommage à Vierzon quand on sait que la ville est citée dans le livre quand d'autres masquent leur vraie identité sous d'autres patronymes. On entre et la magie de la librairie libère son parfum, coupe du monde, colle nos regards aux tranches des bouquins.
On furète, on se promène, on cherche sans savoir quoi chercher, on trouve sans savoir ce que l'on cherchait, on hésite, on ouvre, on sent, parce que, oui, les livres ont cette odeur indéniable, du désir, de l'emprise, de l'hypnose opéré par les mots. Une librairie. Certainement, le territoire le plus indépendant du monde et certainement le moins indépendant aussi au regard des positions prises par certains titres, des titres qui engagent.
Au Grand Meaulnes, on y croise les classiques aux côtés de l'actualité brûlante, la rentrée littéraire, c'est pour bientôt. Mais, dans cet espace sauvegardé, on s'enrichit de Proust comme d'Olivier Adam, du pavé de Donna Tartt 'Le Chardonneret" au très subtil Jim Harrison. Fabuleux voyage dans le ventre de ce commerce nouveau, fabuleuses promesses également chaque fois qu'on y entrera. Merci à son créateur d'avoir osé Vierzon à qui il manquait cette librairie pour se croire désormais tout à fait Vierzon.