Il veille. Sur le vieux quartier. De son allure mi-romane, mi-gothique. Il veille. Le clocheton en éveil. Les pieds emmurés dans le sol vierzonnais depuis le XIIème siècle. C'est la signature contemporaine de Philippe-Auguste. Carrée, massive, la silhouette du Beffroi est à la vieille ville ce que l'eau est au canal : indispensable. La tour du Beffroi signale, en fait, la porte d'entrée de l'ancien château.
Au profit de sa popularité, le Beffroi a perdu ses autres noms : tour du veilleur, porte de l'horloge, porte de la prison. Et surtout, la tour bannier, un vieux droit de ban seigneurial qui consiste à proclamer sous forme d'affichage, les décisions du seigneur concernant la communauté urbaine. Depuis le haut Moyen-Age, la tour du veilleur imprime sa marque dans le quartier de la Butte, celle de Sion, là où crâne encore le souvenir du château de Vierzon. Droit come un i, sur les hauteurs de la ville, pour y voir de loin, l'ennemi arriver. Sur la butte, il y a désormais un banc et une vue imprenable sur la modernité quand le feuillage des arbres le permet.
L'entrée de la ville
Jeune homme, le Beffroi n'a pas le haut du corps aussi élancé. Le clocheton actuel remplace une tour de défense carrée. Il arrive d'un autre Beffroi voisin, situé rue Porte-aux-Boeufs. Il signale, lui, l'entrée de la ville mais en 1819, l'édifice mal en point, est démoli. Son clocheton, en revanche, échappe au désastre et va coiffer la tour bannier. On imagine facilement un système pour lever et baisser une grille afin d'interdire l'accès à l'intérieur du château. La féodalité vierzonnaise se consumme alors dans les feux nourris des Anglais, entre Richard Coeur de Lion et le Prince noir qui possèdent la ville, avant les Normands, seigneurs de Vierzon.
Le Beffroi, trace entière du château, voisine avec une ancienne tour carrée dont il ne reste que le rez-de-chaussée. Encore visibles, la tour du guet, des vestiges de rempart, une partie du chemin de ronde, les meurtrières de l'ancien poste de garde. Mais tout cela est trop éloigné de la mémoire collective vierzonnaise. Alors, le Beffroi retient d'autres attentions. De porte d'entrée aux vertus chatelaines, le Beffroi devient une porte de prison, à partir de la Révolution. Moins vertueuse. Il s'y fait.
Des travaux dans le cachot de la ville datent de 1794. Trente ans plus tard, le moyen d'accès, c'est l'escalier conduisant à l'horloge, installée en 1819. La tour est un cachot. On y jette des détenus de passage, de moins d'une semaine derrière les barreaux. Ce sont des voyageurs sans passeport. Et le passeport est obligatoire pour aller d'une région à une autre.
Une prison
Avec le développement industriel de la ville et surtout, les travaux du chemin de fer, les bâtisseurs de la voie ferrée se retrouvent embastillés, entre 1840 et 1850, pour des bagarres, des vols. Le géôlier offre la paille et le pain, l'eau est gratuite mais loin d'être potable ! La prison du Beffroi sert jusqu'en 1930 et reprend du service, plus tard, jusqu'en 1943.
Les derniers prisonniers laissent des traces de leur passage, des graffitis sur les murs témoignent de leur présence et de leur franc-parler ! On ne s'étendra pas sur la nature du vocabulaire... Le Beffroi se refait deux beautés, au XXème siècle, en 1922 et en 1985. La rue du Château, la bien-nommée, passe sous son porche, contigu au musée des fours banaux (le four où était cuit le pain). Ce musée raconte le passé féodal de la ville (avec notamment une maquette des remparts. L'ancienne horloge du Beffroi ronronne doucement, elle date de 1436, entièrement restaurée en 2001. L'horloge actuelle fait résonner le temps qui passe, dans la vieille ville, et les cloches de l'église voisine, Notre-Dame, lui répond, en léger différé.
Eglise Notre-Dame et Sainte-Perpétue
La sainte patronne de Vierzon s'appelle Perpétue. Née à Tébourba, dans l'actuelle Tunisie, elle était une jeune maman convertie au christianisme. Avec sa servante, Félicité, elle demande le baptême à l’Evêque de Carthage. Mais l’empereur Septine Sévère interdit le christianisme. Jetées en prisons, les deux jeunes femmes sont livrées aux bêtes dans une incroyable cruauté. Perpétue est déjà maman, elle allaite son enfant en prison tandis que Félicité met son bébé au monde trois jours avant d'être, avec Perpétue, enveloppées dans un filet, livrées à une vache furieuse avant d'être égorgées, dans les arènes de Carthages.
Perpétue est inhumée à Carthages et ses reliques sont transférées à Rome. Le Pape les offre, au neuvième sièvcle, à l'Archevêque de Bourges, Saint-Raoul de Turenne. Lui-même les remet à l'abbaye de Dèvres, à Saint-Georges sur la Prée, près de Vierzon. Les invasions normandes n'épargnent pas l'abbaye. Le monastère, situé au pied du château de Vierzon, recueille alors les moines errants. Plus tard, la communauté devient l'abbaye Saint-Pierre (actuellement, l'hôtel de ville). Les reliques de Sainte-Perpétue sont exposées dans l'abbatiale et sont très vite vénérées par les habitants de la ville. Après la destruction de l'abbatiale, les reliques de Sainte-Perpétue trouvent naturellement refuge à l'église Notre-Dame. Une procession, autour de l'église se déroule au mois de mars, avec le reliquaire en tête. L'église Notre-Dame date du XIIè et XVè siècle. Son clocher-porche (XIIè) abrite cinq cloches dont la plus ancienne, Désirée, ets fondue en 1513 par le fondeur Martin Bourdon. Les quatre autres cloches s'appellent Félicie (1899), Martin (1925), Lucie (1899) et Marie-Antoinette (1899). Une chapelle est dédiée à Sainte-Perpétue.
Dans le vieux quartier
La vieille ville garde en elle le caractère de ses origines : rue de l'Etape, rue de la Monnaie, rue du Gros Caillou, rue des Changes, rue Porte aux Boeufs, rue Gallerand, passage du Corneau, ruelle du Chevrier, rue Galilée, rue du Château, place des Bans... La liste plante le décor d'une histoire à fleur de pierre et de pans de bois.
La mairie est installée dans les bâtiments conventuels de l'abbaye bénédictine Saint-Pierre; un parking remplace le cloître et une aile (ouest) abrite les anciens locaux de la Caisse d'Epargne, devenu plus tard le Trésor public. Les locaux viennt d'être rachetés par la ville.
Un peu plus bas, dans le jardin romantique jouxtant le square Lucien-Beaufrère, on trouve les traces d'une écluse datant du XVIème siècle, dite écluse Léonard de Vinci car construite selon ses plans.
De l'autre côté de la route nationale 76, la vieille ville s'étend par la rue Galilée, entre pavés et marches menant à l'église Notre-Dame, rue Armand Brunet. On trouve dans l'ancienne cité, en dehors des vestiges du château, des maisons du XVè, XVIè, XVIIè, XVIIIè et XIXè siècle, des hôtels particuliers.
Dans les années 1980, le vieux quartier a bénéficié d'une opération en profondeur de réhabilitation. Des appartements ont été aménagés dans un ancien grenier à sel, rue des Changes. Place Gallerand, dans le grenier d'une maison, on peut y voir encore des os de mouton scellés dans le pignon...
Dans les années 1960, le quartier dit du Château, de l'autre côté du Beffroi n'a pas résisté aux appétits des amateurs de logements sociaux qui firent démolir, pour faire de la place, des maisons anciennes, voire l'ensemble d'un quartier historique.
Dans les années 1990, une fenêtre gothique est mise à jour. Restaurée, elle est visible dans la cour des fours banaux. La vieille ville prend tout son sens si elle est guidée car une foultitude de détails permet de raconter la riche histoire médiévale de Vierzon.
Plus largement...
Des édifices sont classés monuments historiques. Citons, par exemple, l'église Notre-Dame et le Beffroi (depuis 1926); une maison à pans de bois du Xvème siècle dite maison Jeanne d'Arc classée en 1944.
D'autres maisons ont été classées dans les années 1970, rue Maréchal-Joffre, rue de la Monnaie, place Vaillant-Couturier, y compris un puits gothique au château de la Noue ainsi que les façades et la toiture du Manoir de la Gaillardière.
La ville compte trois châteaux. Celui de la Noue, (XIIIème siècle) un ancien fief. Il est passé au fil des siècles entre de nombreuses mains jusqu'à sa destination finale, l'hôpital dit de la Noue.
Autre château, celui de Chaillot (Moyen-Age), propriété de la famille Giscard d'Estaing (le frère de l'ancien président de la République).
Troisième château, celui de Fay. Propriété en 1844 d'Edouard Mac-Nab, le père de Maurice Mac-Nab, célèbre chansonnier du cabaret du Chat-Noir à Montmartre. Et plus tard, propriété de Céletsin gérard, le fondateur du machinisme agricole à Vierzon. On dit d'ailleurs du château de Fay qu'il est plus beau de loin que de près...
Enfin, la ferme de Dournon, a eu très chaud. Vouée à la démolition, à la toute fin des années 1990, elle est sauvée in extrémis grâce à une vaste campagne de presse qui s'est élevée contre la disparition de cette ancienne ferme fortifiée. Rachetée par un antiquaire, la bâtisse et ses dépendances a retrouvé une nouvelle vie.