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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc

Publié par vierzonitude sur 4 Août 2023, 15:10pm

Alain Leclerc, archiviste de Vierzon et grand érudit de l'histoire de la ville, publie, en dehors des vacances estivales, une archive chaque vendredi. Ces articles sont publiés sur le site de la ville de Vierzon. Voici ses récits toujours passionnants.

 

29 décembre 1895. 33 premiers spectateurs assistent à la première projection mondiale d'images qui bougent. La sortie des ouvriers de l'usine Lumière et l'arroseur arrosé en seront deux films vedettes. Méliès achète aux frères Lumière un cinématographe, des kilomètres de pellicule et devient le premier auteur-scénariste-metteur en scène-gagman-inventeur d'effets spéciaux de l'histoire du cinéma.

L'engouement est rapide. Les saynètes comiques y sont pour beaucoup. Vierzon ne déroge pas. Le cinématographe est tombé sur la ville au tournant du XXe siècle. Sous la forme d'une baraque foraine installée sur le terrain vague de la Croix Blanche qui deviendra en 1905 place de la République (aujourd'hui square Péraudin).

Pathé et Gaumont sont des concurrents sérieux qui proposent chacun un nombre considérable de productions à l'année. Les cafés de la ville ont flairé le filon et seront les premiers à organiser des  projections de façon pérenne. Les années 1910 ont alors vu la multiplication des séances de cinéma dans tous les quartiers de Vierzon. Dans une liste non exhaustive, on peut tout de même citer quelques lieux récurrents : le café Laroche à Vierzon Villages, Le Poisson frit rue Etienne Marcel, ou encore celui de la Noue en haut de l'avenue du 14 juillet.

Mais, de mémoire d'ancien vierzonnais, la salle emblématique de Vierzon fut celle des « Arts », à la Croix Blanche, tenue par les époux Toyot : Café, salle de concert, dancing et dorénavant séances de cinéma le dimanche après-midi. Les époux Toyot aménagent même une salle dédiée au cinéma à quelques dizaines de mètres des « Arts », rue Gourdon, dans un ancien hangar de l'usine Merlin (aujourd'hui parking en face le garage anciennement Renault). Ainsi naît le « Casino ». Nous sommes alors en 1909.

Au 20 de la rue Gourdon, à deux pas du Casino, était un atelier de charronnage, appartenant aux frères Charles et Louis Lavezard. En 1926, il n'y a plus de débouchés pour les voitures à cheval. Les automobiles et camions sont les rois des routes.

Ils changent totalement de métier et décident d'ouvrir une salle de cinéma. Elle s'appellera le Carillon, avec une cloche comme enseigne. Il ne s'agissait pas de faire concurrence au Casino voisin, puisque leur décision a été prise alors que des bruits courraient que ce dernier allait fermer définitivement ses portes. Le Casino poursuivant, ce sont deux salles qui se sont côtoyées durant une trentaine d'années.

Un journaliste de l'époque écrivait en ces termes sur le nouveau cinéma ouvert le 30 octobre 1926 : « Bien installé avec ses boiseries de teinte claire, ses rampes d'ampoules électriques soulignant les grandes lignes du pourtour et du plafond, elle est la salle chic de Vierzon ».

Et qui de mieux qu'un ministre pour inaugurer cette salle ?

En fait, 1926 fut également l'année de l'électrification de la ligne de chemin de fer Paris – Vierzon.

Celle-ci fut inaugurée en grande pompe le 22 décembre 1926, à Vierzon, autour d'un banquet présidé par le ministre des Travaux publics André Tardieu, en compagnie d'un aréopage d'ingénieurs... et de tout le Gotha mondain, le maire Péraudin en tête. Et le banquet eut lieu au Carillon, transformé pour l'occasion en salle de restaurant (voir images ci-dessous).

Toujours dans le spectaculaire, le Carillon fidélisait ses spectateurs avec des événements d'ampleur. Le premier film projeté avait été un film muet de chez Pathé « Simone ». En avril 1927 c'est la Gaumont qui entre en scène. À l'occasion de la sortie du « Ben Hur » de Fred Niblo (qui durait la bagatelle de 3 heures), c'est le train routier de la Gaumont qui parade rue Gourdon offrant des objets publicitaires et des places gratuites au cinéma. Un journaliste relate même qu'un curé de campagne est venu « à bicyclette avec ses ouailles pour assister à une représentation qui montrait la vie édifiante des premiers chrétiens en butte aux persécutions païennes ».

Côté innovation technique, c'est également au Carillon que cela se passe. Il sera le premier cinéma équipé d'une double machinerie qui permettait ainsi d'éviter les arrêts en cours de film pour changer la bobine. Et il sera également le premier cinéma équipé parlant en 1931.

Bientôt un troisième cinéma va ouvrir ses portes, derrière le garage Citroën de la rue de la République. Son propriétaire, Mangin, veut en faire le plus grand de Vierzon. Il portera le nom de Mac Nab et sera inauguré en juin 1940... par les troupes allemandes.

Mangin le cède à Lionel Bonnard en 1955, qui le revend à la ville en 1968. Les successeurs des frères Lavezard, deux dames, Guillaume et Lavezard, rachètent alors le fonds ciné du Mac Nab et s'occupent de la programmation de leur Carillon.

Ce dernier passe dans les mains de la famille Toyot en 1974. Les Toyot avaient fermé le Casino  lorsqu'ils avaient créé le Miramar en 1951, futur France, avenue de la République. C'est ainsi que le Carillon changera de nom en 1976 pour prendre le nom de France 2.

Vingt ans et une crise du cinéma plus tard, le Carillon – France 2 ferme définitivement ses portes. Nous sommes en 1998. Il est sauvé de la démolition par un passionné qui le transforme en musée privé.

Aujourd'hui, quelques chanceux peuvent encore le visiter à l'occasion des journées du patrimoine, en septembre. Cela vaut le coup d'oeil, nous ne sommes pas loin de l'ambiance « Cinéma Paradiso »...

Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc

Depuis combien de temps n'avais-je pas mis les pieds au France 2 ? Vingt, vingt-cinq ans ? Le dernier souvenir est simple : une salle remplie de sièges en skaï orange, au fond l'écran, au-dessus d'une partie des sièges du fond, un balcon inaccessible au public. Les toilettes à droite... Ce cinéma, le France 2, servait à passer les films en deuxième semaine. Ceux qui passaient d'abord au France finissaient au France 2, avec sa salle unique. Et surtout, surtout, l'ouvreuse avec son panier en osier qui craquait sous le poids des bonbons. Alors, franchir les portes du France 2, là, aujourd'hui, c'est se prendre une sacrée bouffée de nostalgie. Grâce à Jack Pascaud, un passionné de cinéma qui a repris la salle mythique de l'ancien Carillon, le France 2 subsiste encore, quelque part. Ses sièges croulent sous des centaines d'objets en rapport avec le cinéma. Mais là-haut, dans la cabine du projectionniste, les films fonctionnent encore avec bonheur.

Cette salle, c'est un bout du patrimoine vierzonnais qui renferme en lui le bonheur de ce temps arrêté quelque part. Mais surtout, le France 2, c'est l'histoire d'un certain type de salle. Car jamais je n'avais mis les pieds à l'étage, là où se trouvent les loges privatives pour regarder un film tranquille; Là où se trouve le coeur du lieu.

Des sièges anciens, ceux du balcon, qui racontent, dépliés, des histoires à n'en plus finir. Bien sûr que ce lieu mériterait d'être mis en lumière mais son propriétaire, et il a raison, le garde jalousement pour sa passion. Alors, il demande juste un lieu sécurisé pour entreposer ce qu'il entrepose dans la salle afin de libérer les sièges et de montrer que le France 2 avec ses six cents fauteuils, n'était pas n'importe quelle salle de cinéma.

 

Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc

Jack Pascaud a cette passion de doux-dingue, cette passion qui le tient debout entre ses projecteurs, ses objets lentement accumulés et qui constituent un lieu unique en son genre. Alors, en franchir la porte, vingt, vingt-cinq ans plus tard, c'est traverser le temps en se disant que ce morceau-là, il ne l'a pas eu, il ne l'a pas enfoui dans l'oubli.

Il y a, dans ce lieu, une part de nous-même, une infime part de nous-mêmes et en ouvrant les portes qui mène à la salle, en voyant la caisse, intacte, et tous les détails qui remontent en mémoire, il y a un fabuleux voyage que Vierzonitude vous fait un peu partager en espérant que l'émotion qui accompagne chaque mouvement de l’œil, vous sera perceptible.

Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc
Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc
Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc
Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc
Le Carillon avant le France 2 par Alain Leclerc
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1
Qd on était jeune avant qu'il soit rénové avec les fauteuils en scai orange on y allait les dimanches après midi les séances coûtaient 2 francs et c'était souvent des Bruce Lee c'était pas terrible mais on allait au ciné quoi
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