Vierzonitude a lu le livre du journaliste et député de la France insoumise, François Ruffin, "Ce pays que tu ne connais pas". Une lecture adressée à Emmanuel Macron. On aime ou pas François Ruffin. Peu importe. On aime ou pas Emmanuel Macron. Peu importe. Mais comment résumer une opposition idéologique, philosophique et politique à une détestation aussi rance ? Comment vouloir imposer l'idée que la gauche telle que la vit François Ruffin à travers ses certitudes est la seule bien-pensante ? Que les gens fréquentables sont justement ceux qu'ils fréquentent ?
Le défaut majeur de ce livre, c'est la dénonciation d'un mépris de classe, flagrant, lourd parfois. Pas celui que peut avoir la bourgeoisie, les riches, la caste, la France d'en haut envers celle d'en bas, non, mais l'inverse, le mépris de classe envers tout ce qui n'est pas ce qu'aime François Ruffin. C'est son combat. Sa came. C'est légitime. Sauf lorsque le débat qu'il porte, et qui n'est pas sans intérêt, servi, en plus, par une écriture efficace, dérape sur le délit de sale gueule, le rejet physique, les doutes gratuits distillés entre parenthèses. le propre du débat, c'est le respect. François Ruffin discrédite sa pensée par ce dénigrement qui n'est ni politique, ni vraiment respectueux.
Ils sont de la même ville, du même établissement scolaire, ils ont bifurqué. Peut-on le reprocher à l'un comme à l'autre ? Va-t-on reprocher à François Ruffin, même si c'était son désir, d'être journaliste à Fakir, de vouloir boire les paroles des invisibles ? Noble cause. Il n'est pas le seul à porter à bout de bras, une partie de la France oubliée. D'autres journaux, de gauche aussi, le font régulièrement. Ce qui dérange, ce qui gâte la lecture, c'est cette détestation dressée en statue, en modèle, ces traits haineux. Reproche-t-on à François Ruffin d'avoir été élu député ? Doit-on haïr la réussite sociale pour être apprécié de François Ruffin ? A partir de quand est-on riche et donc, on tombe dans le ravin qu'ouvre le député sous les pieds de ceux qu'ils condamnent comme étant du mauvais côté.
C'est là où l'on ne comprend plus le chemin au bout duquel veut nous mener le journaliste-député qui côtoie les gilets jaunes, les salariés pauvres, les personnes sans-emploi, les ouvriers. Mais pourquoi creuser une tranchée aussi profonde entre deux mondes qui ne se comprennent déjà pas ? Ce n'est pas 2019 qui a engendré les injustices sociales et salariales. La caste, les bourgeois, les riches ne sont pas apparus au XXIème siècle. Le livre de François Ruffin fourmille de témoignages poignants, de vérités sèches qui claquent comme des gifles mais salvatrices.
Mais ce remugle entretenu tout le long des pages, cette haine facile contre tout ce qui n'est pas lui semble être une posture dont il veut fair une mode. Alors, qui ne haït pas son riche, son bourgeois ? Qui ne rêve pas d'être "riche", sinon comment expliquer les profits de la Française des Jeux ? Qui ne rêve pas d'avoir beaucoup d'argent, de s'exonérer du réel ? On peut fustiger l'inégalité planétaire qui fait qu'une poignée de milliardaires se partagent le monde. On peut, et c'est nécessaire, souhaiter renverser la table pour un modèle plus équitable, on peut espérer plus d'argent à ceux qui en manquent sans pour autant en souhaiter moins à ceux qui en ont beaucoup. Mais pas selon la méthode de François Ruffin qui consiste à entretenir l'adversité, le rejet de l'autre, le mépris. Allégé de ce poids, ce pourrait être un bon livre.