Lettre ouverte aux futurs habitants de Vierzon,
Vierzon n'est pas qu'une ville entourée d'eau et de forêt, reliée par le rail et branchée sur trois autoroutes. C'est ce que l'on vous vend pour que vous veniez, avec tout l'habillage utile au mannequin. Présentée ainsi, Vierzon n'aurait aucun intérêt
Quand on vous aura dit aussi que nous avons de l'eau au robinet, de l'électricité dans nos ampoules, le téléphone et internet, vous nous considérerez déjà autrement. Ajoutons des rues, des trottoirs, des commerces, un canal qui ne s'est pas encore pendu, et au milieu de nous coule une rivière.
Maintenant, oubliez tout ça.
Il faut aller dans les détails, dans le creux et les reliefs de l'âme de cette ville. Vierzon n'est pas facilement descriptible et tout résumé s'avère forcément réducteur. Ceux d'ici le savent bien et jamais, ils ne refermeront leurs portes sans avoir répondu à vos questions. Jamais, ils n'oseront entrer dans un bistrot sans vous saluer, ou vous parler.
Il ne faut pas voir Vierzon au versant d'une ville ordinaire, c'est un concept à part parmi trente-six mille communes en France, vous verrez, tout part d'ici et tout y revient.
Y être né, c'est appartenir à la famille des paradoxes : on y reste tout en voulant en partir, on en part tout en voulant y rester. On la critique tout en l'encense, on l'encense tout en la critiquant, car aimer une ville, ce n'est pas être béat devant, c'est investir ses propres idées pour qu'elle soit encore plus que ce qu'elle est.
Habiter Vierzon, ce n'est pas simplement habiter quelque part, ici ce n'est pas ailleurs, même si vous entendrez souvent qu'ailleurs c'est pareil, ou qu'ailleurs c'est pire. Ce n'est pas faux mais pas tout à fait vrai. Surtout vous n'habitez pas Vierzon, vous habitez Villages, Bourgneuf, Forges ou en ville, de fait il n'y a pas un Vierzon mais quatre, avec sa propre autonomie. Vous habitez ainsi dans plusieurs endroits en un seul.
Ne vous méprenez pas : habiter Vierzon est une expérience sensorielle, ici, on écoute Brel sans le comprendre vraiment. Ici, on caresse la mémoire tout en méprisant celle qui n'entre pas dans le cadre. Certains croient encore que la ville a pris le nom d'un tracteur alors que c'est le tracteur qui a pris le nom de la ville. Les noms de rue sont de gauche mais les priorités à droite.
Ne soyez pas frileux, aimez l'impromptu, l'originalité, le choc des différences, la collision des contraires. Errez dans ses rues, sur ses places, sur le bord de ses eaux, aux lisières de ses bois, respirez la ville nocturne, perdez vous dans l'irrégularité de ses trottoirs, dans les nombreuses espèces de ses herbes hautes. Chatouillez votre curiosité aux pages de son histoire insolite.
Quand vous aurez inscrit Vierzon dans le récit de votre existence, vous serez forcément changé, enrichi. Et vous deviendrez, à votre tour, l'ambassadeur non pas seulement de ce qui existe mais de ce qui pourrait exister en mieux. La philosophie du Vierzonnais a toujours été la même : la critique n'est jamais destinée à nuire, mais à améliorer. Vierzon est ainsi en constante amélioration.