Aujourd'hui, Madame Faucille et Monsieur Marteau ont le feu vert pour se faire construire une plateforme logistique géante.
Un jour, dans la vaste plaine de Vierzon, Madame Faucille trottait sur son poney, dans l'air chaud d'un automne bousculé par le réchauffement climatique.
Monsieur Marteau, le nez dans les pages saumon du Figaro cherchait le cours du bitcoin en lorgnant sur celui de Véolia et Engie.
Madame Faucille trottait dans la pampa vierzonnaise, le nez dans un vent léger qui lui apportait le parfum de quelques fleurs rares et le cri chahuté d'une rainette des Prés dans une prairie sans intérêt. Elle louait, à cet instant, les charmes discrets de l'intestin de la nature, capables de transformer ses trésors en plaisirs simples.
Monsieur Marteau maugréait, son projet de plateforme logistique géante n'avançait pas d'un pouce et sa patience capitaliste n'avait d'égale que les dividendes qu'il pourrait toucher si ses entreprises du CAC 40 préférées étalaient leurs largesses sur son compte bancaire.
Madame Faucille, pendant ce temps-là, toute à sa joie de nager de bonheur dans le grand bain de la nature encore libre de ses droits, caressait du bout des doigts, le sillon baveux d'un escargot en goguette sur un tapis d'herbe fraîche. Elle pensait que, finalement, elle et son poney, n'avaient jamais profité d'une telle aubaine.
Monsieur Marteau, le portable collé à l'oreille, secouait de sa mauvaise humeur ses partenaires et rassurait ses actionnaires que ce n'est pas une espèce rare d'herbes à chat qui va priver sa ville d'une telle aubaine d'emplois précaires et mal payés tout autant que quelques ruches pour du miel à camions et des récupérateurs d'eau de pluie.
Madame Faucille descend alors de son poney et s'allonge de tout son long, dans la prairie fraîche et encore pimpante que son marteau de mari va prochainement rouler dans le bitume, fariner de béton, saupoudrer de poids-lourds et, cerise sur le pot d'échappement, envoyer au cimetière des sites naturels.
Monsieur Marteau qui avait voté pourtant Georges Marchais quand c'était possible, referme les pages saumon du Figaro et, avant que sa femme ne rentre, déplie l'Humanité sur la table du salon, pour se donner bonne conscience.
Madame Faucille, entre, le rose aux joues et le rouge au front : rose de son oxygénation au milieu d'une prairie paisible; rouge car le permis de construire sur la clôture portait le nom de Monsieur Marteau. Mais très vite, Madame Faucille a calmé sa colère : Monsieur Marteau lui a promis de recycler le crottin de son poney pour amender le parterre de fleurs que Monsieur Marteau a l'intention de créer devant la plateforme géante afin d'absorber, lui promet-il, les gaz d'échappement des camions qui viendront tenir compagnie à son poney.
Voilà comment Madame Faucille et Monsieur Marteau se font construire une plateforme logistique géante.
Bientôt un prochain épisode.