Musée, pas musée, musée... Pas musée ! A la ferraille les vieux tracteurs qui puent du pot. Au clou les Merlin, SFV, Brouhot et autres vieilleries que les élus ne peuvent pas encadrer. On pourra au moins financer les études d'un élève pour les futures écoles privées...
Vierzon vit ainsi, depuis 1962, dans un yo-yo constant. La ville possède son musée jusqu'à cette date. Mais il doit être fermé pour cause de démolition du quartier du Tunnel-Château.
Denys Tixidre en est le conservateur le plus renommé. Passionné de recherches historiques, notamment sur Vierzon, il publie le thème d'une conférence dont le premier tirage est rapidement épuisé. Dans la foulée, il postule comme conservateur du musée. Il obtient le poste. En 1945, le musée de Vierzon n'en est pas tout à fait un. Pour tout dire, il végète et l'armée allemande s'est servi en emportant avec elle un grand nombre d'armes de panoplie.
Denys Tixidre donne l'impulsion nécessaire mais son élan se brise sur la démolition des locaux. L'ancien musée doit être remplacé par un autre, celui des Arts du feu. Porcelaine et verrerie ont de quoi occuper une bonne place dans ce futur équipement. En novembre 1964, une esquisse est publiée dans le bulletin municipal : il doit être implanté à côté du Beffroi, à l'emplacement de l'ancienne école, devenue depuis une salle de réunion. Le projet est ambitieux, il voisine avec une bibliothèque-centre de congrès qui doit voir le jour face au Beffroi, dans le nouveau quartier en construction. Mais ni le musée, ni le centre de congrès ne sortent de terre. Et à partir de là, le musée ressemble à une histoire qui commence par, il était une fois....
Sur les plans, pourtant, le musée de Vierzon, version moderne, comprend cinq pièces : quatre sont consacrées à l'aménagement d'un musée des Arts du feu, la cinquième pièce est un havre pour les objets relatifs à l'histoire de Vierzon et à ses découvertes locales. Les Arts du feu sont censés offrir à Vierzon une notoriété certaine, tandis que le musée apparaît indispensable dans une ville comme celle-ci. Qu'à cela ne tienne.
Le nouveau bâtiment peut aussi abriter une pièce rare, mise à jour, raconte le docteur Tixidre, par des enfants, dans les sables du Cher : une patère, c'est-à-dire une coupe métallique servant aux sacrifices chez les Romains. La pièce est en bronze coulé et date de l'an 50, elle porte la signature de Januaris.
Malgré la passion du conservateur et sa persévérance, le musée tarde à sortir de terre. Pour tout dire, l'idée est purement et simplement abandonnée. Les pièces sont alors numérotées, emballées et entreposées. Elles y sont encore... L'urgence ne s'impose pas. Vierzon a d'autres priorités, elle va donc à l'essentiel : le logement, l'économie, les aménagements. En 1979, la ville fête le bicentenaire de son industrialisation et découvre, à travers une somptueuse exposition, les richesses de son patrimoine industriel et de son savoir-faire ouvrier.
Un an plus tard, l'initiateur de cette exposition, le maire-adjoint Roger Coulon, publie une tribune, dans le bulletin municipal. Il explique que la ville est « un lieu d'activité humaine » qui remonte à la préhistoire, pour preuve « ce riche atelier préhistorique de tailles de silex découvert à Bellon entre 1899 et 1901. » Le spectre est large, de la taille du silex à la fabrication de tracteurs....
L'élu annonce que « le musée de Vierzon que nous allons rouvrir en 1981 dans l'ancienne maison des jeunes, doit exprimer tous les aspects du passé et du présent de notre ville. Ce riche passé doigt être protégé et honoré. » Le programme est annoncé de cette façon: « le musée de Vierzon doit honorer les générations passées, préserver la mémoire historique des Vierzonnais et trouver, pensons-nous, une forme originale de fonctionnement, en un mot un musée vivant. » Trente ans plus tard, le musée n'est toujours pas vivant...
Les projets ont pourtant fleuri, dont un sur les engins de travaux publics, entre autres, à coup d'effets d'annonce. Sans suite. La ville a cette particularité : elle possède le label musée de France sans avoir de musée. En 1990, la municipalité change d'étiquette. Mais l'idée d'un musée n'est pas prise plus au sérieux. En revanche, le patrimoine est d'avantage reconnu et entre de plain-pied dans les préoccupations politiques.
Au fur et à mesure des décennies, de nouvelles pièces enrichissent les cartons. Avant 1990, une étonnante collection de « bousillés », des pièces réalisées en dehors des heures de travail notamment par les ouvriers verriers, permettent à la ville d'acquérir des lampes en verre qu'une collectionneuse locale a précieusement su conserver.
Dans les années 1990, une prise de conscience oblige des amoureux du patrimoine industriel et agricole à créer une association pour le préserver. Et notamment, les batteuses, locomobiles et tracteurs ainsi que le matériel agricole fabriqué à partir du milieu du XIXè siècle par la Société Française, Brouhot, Merlin etc. En 1995, la Case, héritière de la Société Française ferme ses portes.
Sept hectares de foncier, en plein centre-ville, risquent de finir en friche industrielle. La municipalité rachète petit à petit les locaux : notamment les anciens halles de fonderie, avec sa charpente et ses poteaux métalliques. Restaurées à l'identique avec ses briques vernissées et ses verrières, les façades sont classées à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Vierzon (re)découvre son patrimoine industriel. Et l'idée d'un musée s'impose avec plus de vigueur. Alors un musée se créé mais pas celui espéré.... Le musée du fil de soie quitte le Sancerrois pour Vierzon, avec un vague lien entre l'industrie textile et le ver à soie... L'entreprise échoue, plusieurs années plus tard. Le musée ferme.
Deux autres musées voient le jour : celui des Fours banaux dans la vieille ville, propose un éclairage sur le passé féodal de la cité. Le musée Laumonier de la machine à vapeur propose un voyage ferroviaire. Mais LE musée de Vierzon n'est toujours pas là. Les anciennes halles de fonderie suscitent l'appétit de projets ayant en fait peu de rapport avec la ville.
On parle d'un musée de la moto également. Rien de très convaincant. Pendant ce temps-là, les collections s'empilent. Des tracteurs et des machines agricoles d'un côté; des verreries issues des productions locales de l'autre; de la porcelaine flattant l'âge d'or des manufactures vierzonnaises; des grès flammés dit Denbac, très prisés des collectionneurs. Et tout le fond de l'ancien musée fermé en 1962. Toutes ces pièces dorment dans des cartons. A la faveur d'une initiative municipale, les verreries sont exposées pendant plusieurs mois : l'exposition fait un tabac. Celle des grès flammés l'est à son tour, succès garanti. Les tracteurs sont montrés au public, le public en redemande. Mais toujours rien à l'horizon.
En 2011, une étude relative à un projet de musée de l'histoire sociale et industrielle doit servir de base de travail. Le lieu : d'anciens locaux face aux verrières de la Société-Française. Le thème : l'industrie vierzonnaise à travers son histoire sociale. Le musée a ses partisans et ses détracteurs. D'un côté, la mairie veut aménager un local de 1700 mètres carrés dans lequel il sera difficile d'exposer des tracteurs et des machines agricoles qui font encore la réputation de la ville, à travers des milliers de collectionneurs en France et à l'étranger. De l'autre, des passionnés souhaitent que le musée prennent corps derrière les anciennes verrières de la Société-Française. Deux thèses s'affrontent. Le musée attendra-t-il encore trente ans avant de voir le jour ?
Depuis 2019, il existe un mini-musée, ouvert face au site de la Société-Française. mais rien d'ambitieux, rien qui ne fasse écho à la grandeur industrielle de cette ville, connue et reconnue, toujours aujourd'hui, pour ses tracteurs de Vierzon et son machinisme agricole. Pourtant, le site de la Française est toujours vide, vingt-cinq ans après l'annonce de sa fermeture.
Vierzon pourrait se doter d'un musée international du machinisme agricole qui allierait musée et économie, c'est possible. Encore faut-il en avoir la volonté. L'ambition, plutôt qu'un musée vierzo-vierzonnais qui végète. Cette ville devrait posséder chaque année, un rassemblement international de tracteurs, des spectacles autour de ce thème, elle devrait fédérer les initiatives en ce sens, devenir le centre ressources de toutes les marques de tracteurs du monde. Une belle utopie que nos élus locaux ne sont pas prêts à porter aujourd'hui...