On fait souvent le reproche à ce blog, à tort, de ne pas mettre avant les qualités de Vierzon et son cadre exceptionnel. Alors voilà, comment Vierzon à travers le temps, a su tirer ou pas parti de son environnement. Voici une histoire inédite des qualités de Vierzon !
L'eau, la forêt et la proximité solognote ont longtemps contribué, avec le château de Vierzon, à la bonne image extérieure de la ville. L'un des témoignages les plus anciens date du XIème siècle. Guillaume le Breton écrit : « Dans tout le pays de Berry, que le soleil dore de ses rayons, on ne pouvait trouver un château plus magnifique, ni entouré de terres plus fertiles. A droite, s'étendent les plaines de la Sologne, fécondes en grains, à gauche, les replis du Cher qui coule doucement au milieu des prairies verdoyantes, sillonné de barques et abondant en poissons. » L'image est idyllique.
Et pendant plusieurs siècles, à quelques réserves près, Vierzon séduit pour son côté naturel. La preuve, en 1871, une femme, Amable Tastu boucle son huitième voyage en France. Et rapporte cette vision de la ville : « Vierzon est entourée de riants coteaux et de prairies charmantes; elle est bien bâtie, bien pavée, très aminée. » Petit bémol : « Si ce n'étaient les ruelles étroites, raides et tortueuses de ses vieux quartiers qui la déparent, on admettrait finalement sa prétention d'être la plus jolie ville du Berry, comme elle est sans contredit, la plus industrieuse et la plus commerçante du département... » La devise de la ville résume très bien les penchants naturels de Vierzon : Vierzon cité florissante, demande peu aux autres, est ornée de forêts, décorée de vignes et de près.
Quatrième ville royale
Du haut de chaque siècle qui s'est penché sur la ville, on peut légitimement s'interroger sur les tenants de l'image de Vierzon ? Que dit-on de la ville au-delà de ses propres frontières ? Que reste-t-il de Vierzon ailleurs ? Avant l'ère industrielle qui a profondément marqué la cité, les voyageurs, les écrivains, les intellectuels, ont tracé de la ville, des textes débordant de louanges qu'Alain Pauquet, docteur d'Etat en histoire contemporaine, a visité et publié dans les Cahiers d'Archéologie et d'histoire du Berry. (Juin 1998).
L'image de Vierzon existe depuis que la ville elle-même existe, et depuis, surtout, que des plumes ont gratté le papier de descriptions, récits de visites et d'observations d'entre les murs. Vierzon, quatrième ville royale du Berry, en 1566, troisième ville du Berry en 1575. Au XVIème siècle, apparaît déjà, cette théorie contestée de tout temps, que Vierzon, et non pas Bourges, la Préfecture voisine, est en fait, le site antique d'Avaricum. Une hypothèse récurrente, fréquemment remise au goût du jour. Sans preuve tangible d'un côté... comme de l'autre ! La légende occupe d'autres terrains, on prête aussi à Lancelot du Lac, l'existence d'un château triple, dans le quartier du Bois d'Yèvre, à Vierzon. Ou déformation de l'histoire, Jeanne d'Arc (mais où n'est pas passée Jeanne d'Arc...), aurait, rapporte la rumeur publique, dormi dans une maison justement dite... depuis... de Jeanne d'Arc, alors qu'elle n'y a jamais dormi.
Laborieux et industrieux
D'autres témoignages parlent d'une ville close, fermée, environnée de murailles. Les fortifications de la ville semblent impressionner, autant que son “nid de verdure”. En 1689, Gaspard Thomas de la Thaumassière, dans son Histoire du Berry, ose une description formelle : “c'est l'une des plus jolies villes de la Province qui a dans son voisinage toutes les choses nécessaires aux commodités de la vie.” On croirait presque à une publicité... En 1697, dans un Mémoire, Vierzon sort du lot en ces termes : “les habitants y sont laborieux et industrieux et profitent de la commodité de la rivière le Cher qui est navigable en cette ville... Il y a des marchands de bois, quantité d'ouvriers qui travaillent aux draps, aux serges du Berry et des artuisans de toutes sortes d'arts.” On en redemande. En 1787, on parle encore de ponts bien construits, de belles rivières formant avec les maisons, les bois, les bateaux, les collines adjacentes, une scène animée. La ville semble florissante et doit sans doute beaucoup à la navigation.
Sa situation géographique est enviée : Vierzon assise sur la grande route de Paris à Toulouse, se trouve dans la position la plus avantageuse pour le commerce. La position géographique de Vierzon sera à la fois son avantage et son inconvénient : avantage car elle se retrouve, à un croisement stratégique notamment de la nationale 76 et de la nationale 20. Et son inconvénient car très longtemps et encore aujourd'hui, l'image de ville-bouchon colle à la peau de Vierzon malgré ses déviations dans les années 1970 et ses autoroutes à partir des années 1990.
L'image de Vierzon est, toutefois, fortement touristique, les bords de l'Yèvre et du Cher offrent des sentiers délicieux et ombragés où aiment à se perdre les amateurs des promenades fraîches et solitaires, lit-on dans un Itinéraire descriptif de la France en 1830. Situation riante, sentiers délicieux et ombragés, un des sites les plus agréables du Cher... Plus tard, assise sur son industrie métallurgique qui bouleverse sa physionomie, Vierzon accueille également le chemin de fer à bras ouverts. Même là, c'est beau !
Ces voûtes sont si belles
Une brochure publicitaire publiée en 1848 conseille la vue merveilleuse qui s'offre à l'oeil au sortir de ce souterrain (tunnel de l'Alouette). Fascinant ! La gare aussi est couverte d'éloges : le débarcadère de Vierzon est un élégant spécimen des progrès de notre architecture civile. La charpente de la remise des locomotives et celle de la gare sont parfairement entendues ; les détails d'ornementation soignés et de bon goût. A propos justement du Tunnel de l'Alouette, il est décrit : “si imposant, si merveilleusement éclairé, ces voûtes sont si belles”. C'est la nouvelle église de Vierzon... Mise à mal par l'architecture industrielle. Fini le château, l'enceinte, l'abbaye de Saint-Pierre, sans intérêt lit-on, son église même... Vive “le port et ses chantiers toujours pleins de mouvement, et surtout à faire la délicieuse promenade de la ville aux forges, en suivant la digue du canal”. Le canal de Berry apparut dans le paysage et rayant la ville de son trait d'eau, la traversant de part en part.
Depuis l'installation des forges par le Comte d'Artois, la ville se teinte d'une autre dimension. Les plumes s'attardent désormais sur la “modernité” des industries, d'autres y voient plus tard un ternissement sans équivoque. Les cheminées percent le ciel et crachent leurs fumées, l'image change. La prospérité économique de Vierzon fait oublier ses autres aspects et les riants coteaux ont des allures de ruches et de fourmilières. “La ville offre maintenant une physionomie toute moderne”, lit on dans un ouvrage, daté du milieu du XIXème siècle. Du coup, on ne décrit Vierzon pour son château ous es remparts, disparu au XVIIIème sièce, mais un autre repère-étalon apparaît : “jolie ville fort agréablement située au confluent du Cher et de l'Yèvre à la jonction des chemins de fer d'Orélans et de Chateauroux et de Nevers entouré de riants coteaux et de vastes prairies” (1855).
Changement de cap
L'eau et la forêt dominent toujours, mais ces deux élements essentiels, sources des principales qualités de Vierzon, ont déjà une autre fonction, nourrir les industries : l'eau du Cher et de l'Yèvre, enrichie du canal de Berry apporte les matières premières, la forêt fournit le combustible et aussi la matière première.
En 1901, changement de cap. La description change aussi de ton. Malgré la fumée des usines et l'aspect grisâtre des faubourgs ouvriers... On lit aussi : Ces riantes demeures de la périphérie vierzonnaise enveloppent les faubourgs sombres bâtis entre les usines qui se partagent le territoire de Vierzon. Mais encore : sa gare... est une des plus considérables et des plus vivantes de France. L'aspect est fort industriel. Les véritables monuments de Vierzon sont les usines... Cette dernière phrase marque l'avénement d'une époque : Vierzon, bercée par ses prairies et ses vignes basculent dans l'ère post-industrielle avec ce que le “progrès” entraîne dans son sillage.
C'est donc à partir de 1900 que l'image de Vierzon change, centrée sur son activité industrielle qui modèle le paysage et le pollue aussi. Le plan politique suit. Il conquiert aussi l'image de la ville, bastion rouge, fief communiste, ville devenue difficile à traverser, cité industrielle vieillie, aux façades noircies. Le versant automobile de la modernité a laissé ses goûts de bouchons pendant les transhumances estivales; la seconde guerre mondiale, la lourde cicatrice de la ligne de démarcation; le chemin de fer a imposé, sans gant de velours, son architecture parfois austère; on l'a vu, la politique, omniprésente, a elle aussi bâti une image, positive pour les uns, négative pour les autres en couronnant la ville de Vierzon-la-rouge, ville communiste. D'ailleurs, même quand elle ne le fût plus entre 1990 et 2008, combien étaient-ils qui le croyaient encore ?....
Le machinisme agricole a dressé un pont d'or à l'image de la ville, capitale de la batteuse, de la locomobile et surtout, à partir de la fin des années 1930, du tracteur baptisé le Vierzon; à la fin des années 1960, Jacques Brel participe à sa façon à la notoriété de Vierzon à travers sa chanson Vesoul (T'as voulu voir Vierzon), image étonnament négative sans raison d'ailleurs; le lycée Henri Brisson, première école nationale professionnelle (ENP) de France a entraîné Vierzon dans son prestige, grâce à Jules Ferry.
La bonne et la mauvaise image
Encore plus tard, l'effondrement de l'économie vierzonnaise, la baisse de sa population, sa traversée des Forges à Villages, long trait sans attrait, les murs restés longtemps noircis rue Armand-Brunet, la voisine berruyère (connue pour son Printemps de Bourges) ont concouru à entâcher, au fil des décennies la ville de Vierzon, ville du Centre, petite ville, qui a tout montré mais ne montre pas le bon côté. Les clichés se multiplient, au détriment de Vierzon qui, en dehors de sa situation économique devenue peu favorable comme bien d'autres villes, cache une véritable richesse. La forêt domine toujours, comme les cours d'eau arrosant le centre de la ville. Vierzon est une ville verte, une ville quasi à la campagne mais qui prête le flanc aux images récurrentes. Le quotidien Libération avait choisi plusieurs villes, en France, pour illustrer une campagne électorale, dont Vierzon. Sur deux pages, aucun cliché n'a épargné la ville, jusqu'aux photos préférant l'arrière d'une friche industrielle à la façade de cette même friche mais restaurée à l'identique....
Pourtant, l'image a bel et bien changé, il n'y a plus de bouchons, plus d'usines qui fument. Mais il reste un état d'esprit, vierzo-vierzonnais au demeurant. Les personnes extérieures à Vierzon sont plus que surprises de découvrir certains aspects de la ville, méconnus.