C'et écrit sur la porte : "fermeture définitive". En bas de la rue Joffre, une nouvelle lumière s'est éteinte, en silence, dans une indifférence égale aux autres fermetures, comme si ce fait-là, la fermeture d'un commerce, ne devait susciter aucun froissement, aucun regard, aucun geste envers une vitrine désertée. Un de plus. La rue Joffre continue à s'enfoncer dans les affres d'un naufrage qui dure.
Des rides de solutions sont en train d'être mises en place mais cela ne suffit pas. Cela ne suffira pas. Le magasin Saperlipopette, c'est de lui qu'il s'agit, affiche sa fermeture définitive sur sa porte vitrée. Plus haut, Au fil de la mode a annoncé son départ cet été. Une des deux agences de voyage devrait descendre place Foch pour être plus visible. Deux commerces ont ouvert, mais côté place du Marché au blé (Studio photo et magasin de pêche). La rue Joffre, elle, subit.
Rien. Jamais un mot en sa faveur. Les élus ignorent superbement cette rue. Les conseils municipaux, pourtant si prompts à s'émouvoir pour des causes nationales, ne voteront jamais une motion pour empêcher la mort de cette rue et des commerces qui restent. La politique vierzonnaise se tourne vers des sujets lucratifs électoralement, ce n'est pas pour s'embarrasser d'une rue qui, de toute façon, est vouée devenir une série de logements, rouverte à la voiture et rangée sur les étagères de la modernité consumériste.
A croire que les élus l'évitent. A croire qu'ils attendent un miracle divin, venu d'en haut, avec une enveloppe budgétaire parce que, forcément, l'état de la rue Joffre, ce n'est pas la faute de Vierzon, c'est évidemment la faute des autres, des consommateurs, des habitudes, d'Internet. Pourquoi payer pour les autres ? C'est vrai. Les médecins en s'installent plus à Vierzon. Mais on finance un centre médical qui ne recrute que des praticiens... locaux ! Sauf que ça, c'est bon pour l'électorat qui sera toujours reconnaissant à la majorité de leur avoir dégoté un toubib qui prend le tiers payant !
Alors la rue Joffre, franchement, qu'est-ce qu'on s'en fout. Si on pouvait, on la rayerait de la carte. Hop, disparue la rue Joffre. Un commerce s'est éteint. Un de plus. Et le silence qui plane devient gênant. Il y a des silences qui rendent hommage, d'autres qui sont coupables. Bah, un commerce de plus en moins, quelle importance. Il vaut mieux installer des usines et des commerces en périphérie. Avec l'argent du contribuable. C'est toujours mieux. Et là, rien n'est fait en silence. On sort la grosse caisse. Dans deux ans, il faudra que les efforts visibles soient récompensés dans les urnes.
Elodie avait misé beaucoup d'espoir sur son magasin Saperlipopette, il y a trois ans et demi, dans le bas de la rue Joffre. Les espoirs et l'optimisme ont cédé le pas à l'amertume et à la tristesse. "Tout doit disparaître", lit-on dans la vitrine du magasin de jouets. Tout et le magasin avec qui va fermer, dernier carat en avril. Un commerce qui ferme rue Joffre, c'est une catastrophe qui s'ajoute à la catastrophe de cette rue. Le plan de rénovation urbaine ne viendra y construire que cinq logements sociaux pour un peu moins de 700.000 euros. Rien d'autres... pour l'instant. Elodie ne peut que constater une absence de clientèle, une absence qui s'est accrue depuis le mois de septembre. Dans la rue Joffre mais aussi, dans l'ensemble de la ville. Du coup, l'aventure, à moins d'un miracle, va s'arrêter. Le magasin va disparaître. Un de plus.