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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


Je sais ce que la caisse automatique ne me dira jamais

Publié par vierzonitude sur 11 Juillet 2018, 13:09pm

Je sais ce que la caisse automatique ne me dira jamais

C'est marrant, j'ai beau la regarder, mon bouquin à la main, j'ai beau me demander si elle a conscience de ma présence, si elle sent mon étrange habitation d'être humain, j'ai beau me persuader que l'intelligence artificielle fait sans arrêt des progrès, je me résous à cette évidence : je sais ce que ne me dira jamais la caisse automatique. Mon code barre à la main, j'ai l'impression d'être Jacques Brel dans "Au suivant"...

Tout nu dans ma serviette qui me servait de pagne... Quel étrange constat de s'avouer vaincu, face à la machine. Même l'humour ne perce pas sa carapace. Même ma question posée de travers, comme un rictus, "vous l'avez lu ?", même ça ne suffit pas à fissurer le métal brillant de sa carapace. Je savais que c'était une mauvaise idée, cette interpellation flasque d'une caisse automatique, ce genre de drague stupide et sans lendemain, ce numéro de charme affligeant d'un pauvre gars avec un bouquin comme s'il trimbalait un bouquet de fleurs en papier. Pathétique. Et là, devant l'engin froid nourrit d'électricité et de capteur sans chaleur, je m'interroge sur ma condition de client : jusqu'où ira cette ignominie consumériste ?

Jusqu'où serais-je une oie qu'on gave de fantasmes commerciaux en me faisant croire que, moi, lecteur compulsif, pris par une fièvre tardive, il est presque 20 heures, j'en étais réduit à me procurer ma came tout en écoutant une voix torve me dicter mes gestes, où poser mon article, comment le régler ? On se croirait en pleine fiction, en plein roman glauque, l'histoire d'un mec qui, seul au monde, se retrouve face à une armée de caisses automatiques qui, au fil de son délire, prennent l'apparence d'humains en déshérence. Je serre dans ma main l'épais bouquin que j'ai choisi pour caler ma dalle de ce soir, et je m'aperçois que je parle à une caisse automatique et qu'elle me parle aussi, enfin que son monologue et le mien n'ont rien à voir.

Et tout à coup, l'incompréhension quasi humaine que chacun peut ressentir face à la froideur d'une administration ou de la justice, se déverse, en pluies diluviennes, sur une soirée qui s'annonçait agréable, de longues heures de lecture solitaire, et noient le peu d'estime qui me restait de moi même. Alors, je repose le bouquin, je me dis qu'il doit m'en rester un ou deux, vierge de ne pas avoir été lu. Que cela suffira à mon bonheur. Demain matin, j'irai voir mon libraire, je connais la caissière, elle a deux yeux, une bouche, des bras. Je ne sais ce qu'elle me dira mais, merde, j'oubliais, la dernière librairie a fermé...

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J
dans le rayon des livres, il n y a pas de conseiller... il est juste dans les environs du jardinage, on vous y aidera peut-être
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L
Logique que le même vendeur s'occupe des deux rayons. Que ce soit de la lecture ou du jardinage, c'est de la culture.
S
Alors là ! c'est sûr, vous êtes de l'ancien monde, celui qui était encore humain ! !!!!
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F
Euh... c'est pour payer là... Si vous voulez un conseil, faut peut être aller dans le rayon dédié aux livres non ?<br /> <br /> Car là, ça troll...
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