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Vierzonitude

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Loi asile et immigration : Je vote contre cette loi, en conscience, nous explique Nadia Essayan

Publié par vierzonitude sur 22 Avril 2018, 18:00pm

Loi asile et immigration : Je vote contre cette loi, en conscience, nous explique Nadia Essayan
Loi asile et immigration : Je vote contre cette loi, en conscience, nous explique Nadia Essayan

Nadia Essayan, députée Modem du Cher, est sur les bancs de l'Assemblée nationale pour discuter de la loi asile et migration. Une loi que la députée de Vierzon ne partage pas et le fait savoir, en votant contre (la seule de son groupe) notamment l'allongement à 90 jours de la durée de rétention. La députée n'envisage pas de voter cette loi "en conscience". Elle explique tout à Vierzonitude.

Comment se passe l'examen de la loi asile et immigration ? 

C'est le texte le plus difficile que nous ayons traité depuis le début de la mandature. C’est long, très long... Mais aussi très intéressant. Les positions de chaque groupe sont bien marquées entre une droite qui veut durcir le dispositif et une gauche qui veut l’assouplir. La majorité centriste a dessiné une ligne de crête, a cherché un équilibre.
 

De fait, il y a des avancées dans cette loi, notamment une meilleure répartition des demandeurs d’asile sur le territoire, ou encore l’assouplissement du délit de solidarité qui ne s’appliquera plus en cas d’assistance purement humanitaire et sans intérêt financier. Il y a aussi l’amélioration des conditions d’accueil, une plus grande considération des personnes persécutées à cause de leur homosexualité, et un accès à l’emploi facilité. Ce ne sont que quelques exemples.

 

Vous êtes la seule de votre groupe Modem à avoir notamment voté contre l'allongement à 90 jours de la durée de rétention. Pourquoi ?

Les mots ont du poids : la mise en rétention n’est pour moi pas l’idéal pour un demandeur d’asile. C’est une forme d’emprisonnement. Alors que sur cette loi, le fil rouge est de réduire les délais d’instruction, c’est le seul point qui rallonge la procédure. Je suis persuadée qu’on aurait pu faire autrement.

 

Vous ne craignez pas être mise au ban comme ce pourrait être le cas des députés LREM qui ont voté contre ?

Non, je ne le crains pas. Nous en avons discuté au sein de mon groupe et ma position est respectée. Dans un groupe, il y a des échanges aux termes desquels une position commune est tenue. Sur ce sujet, la position globale est le soutien au gouvernement du fait de l’effort réalisé pour avoir une ligne politique claire et réalisable qui permettra de contrer la fragilité de la politique européenne, et éviter de laisser l’extrême droite se nourrir d’une exaspération des citoyens. Au-delà, ceux que le texte heurte moralement sont libres de s’abstenir ou de voter contre, et il se trouve que je serai peut-être la seule à voter contre.

 

Votre opposition est d'ordre personnel (votre passé de refugiée) pas politique ? Qu'est-ce qui vous gêne le plus dans cette loi ?

Mon histoire fait que je suis sensible au sujet, évidemment. J’ai laissé passer des droits que j’aurais pu avoir, du fait d’un manque d’accompagnement juridique, à mon arrivée en France, et durant les années qui suivent. Mais les points d’achoppement me viennent aussi et surtout de mon expérience de l’accompagnement des demandeurs d’asile. J’ai vu les nombreuses difficultés qu’ils rencontrent sur leur parcours.

Ce qui me gêne le plus concerne les délais de recours qui sont réduits, l’impossibilité pour l’avocat d’intervenir durant les entretiens, l’impossibilité pour le requérant de refuser la vidéoconférence, l’allongement du délai de rétention, la définition même des pays sûrs et des pays non-sûrs pour définir ceux dans lesquels on peut être en danger, la non-prise en compte dans les critères de l’asile de la détresse humanitaire et de la crise du réchauffement climatique qui pousse des personnes à partir. Mais ce dernier point concerne le droit d’asile, qui, je le signale, fait partie de la convention de Genève. Je répète cependant qu’il y a des avancées à saluer dans cette loi, j’en parle au début et j’ai voté pour les amendements et les articles que je trouvais constructifs.

 

Certaines mettent en doute votre motivation. Vous leur répondez quoi ?

J’ai lu ce genre de critiques. C’est vrai que je n’ai pas été dans les camps, je n’ai pas fait de traversée mortelle, mais une émigration non-choisie a des conséquences matérielles et psychiques. On perd tout, les racines, l’héritage culturel, la langue, la solidarité familiale, la reconnaissance de qui on est. Dans le cas de ma famille, il y a eu aussi spoliation des biens et impossibilité de retour.  Il y a très souvent un déclassement du statut des personnes. On a tous vu des ingénieurs devenir des ouvriers, ou encore des médecins devenir aide-soignants. Il y a aussi et surtout des conséquences psychiques qui peuvent ensuite marquer les enfants.

 

Que faudrait-il pour que votiez pour cette loi ?

Il aurait fallu que le texte bouge davantage sur les points que j’ai évoqués. De plus, je crois qu’il y a eu un rendez-vous raté avec les plus grandes associations de notre pays qui organisent actuellement des États Généraux des Migrations, très intéressants mais qui arrivent bien trop tard pour apporter des propositions qui pèsent. Même si nous avons fait de nombreuses auditions, ce n’est pas comme la parole commune de plus de 400 associations directement impliquées sur le sujet.

 

Au final, savez-vous déjà comment vous allez voter ?

Je vote contre cette loi, en conscience.

 

Comment gérez-vous ces séances marathon ?

C’est aussi un travail de groupe, nous vivons ces séances en en rediscutant après. C’est enrichissant. Il vaut mieux avoir de l’endurance et ça tombe bien, j’en ai... J’ai, depuis lundi, fait une seule pause vendredi pour aller à Saint Doulchard, à la rencontre de l’équipe municipale. J’avoue quand même un manque de sommeil qui s’accumule... mais ça en vaut la peine. Cela dit, devant l’inflation des amendements, je n’ai pas tout voté, parce que je suis critique vis-à-vis de cette forme d’obstruction. En même temps, c’est un texte qui aurait mérité non pas une semaine de débats mais deux !

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