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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


Jean-Marie Favière : Brel fait bien partie de l’essence même de Vierzon.

Publié par vierzonitude sur 1 Juin 2019, 05:50am

Jean-Marie Favière, ancien prof de lettres au lycée Edouard-Vaillant, est l'un des grands spécialistes de Brel en France. Depuis 2006, avec d 'autres Bréliens convaincus que le grand Jacques devait avoir la place qu'il mérite à Vierzon, il livre ses sentiments sur la place Jacques Brel qui sera inaugurée le samedi 8 juin, sur Jacques Brel, et Vierzon. Un régal.

Jean-Marie Favière : Brel fait bien partie de l’essence même de Vierzon.

Une place Jacques Brel en centre-ville de Vierzon, c'est la moindre des choses pour celui qui a forgé la notoriété de Vierzon ?


C’est en tout cas une bonne chose, et même une très bonne chose. Et c’est un processus typiquement gagnant-gagnant. Brel est devenu une référence dans l’histoire de la chanson, c’est un classique, et qu’il donne son nom à des écoles ou à des artères dans plusieurs villes de France et de Belgique consacre logiquement sa notoriété.
 

Quant à notre ville, elle bénéficie immédiatement de l’image très positive de cet auteur-compositeur-
interprète exceptionnel, reconnu et aimé à la fois par le public populaire et par les critiques professionnels. Brel, c’est l’élan vital, l’énergie généreuse, l’intégrité engagée, l’humanisme altruiste et l’ouverture sincère aux autres. Qui pourrait trop longtemps persister dans l’erreur consistant à ne pas saisir l’occasion, opportunément fournie par la chanceuse légitimité d’une chanson connue du monde entier, d’associer la ville qu’il aime à des qualités aussi fortes ?

Eh bien, l’occasion est désormais saisie, et je suis le premier (à égalité avec plusieurs Vierzonnais, au nombre desquels je n’oublie évidemment pas de compter un certain Rémy B.) à m’en réjouir, et à féliciter chaudement tous ceux qui ont permis la concrétisation de ce désir. Je n’oublie pas non plus qu’il a aussi fallu pour cela créer un lien Vierzon-Bruxelles très fort.
 

De manière générale, je suis un boulimique du positivisme vierzonnais. Je veux dire par là qu’à mes yeux tout est bon pour associer au maximum l’image de Vierzon à tout ce qui a déjà une image positive : le présent comme le passé, l’industrie comme la nature. Côté personnalités illustres, je plaide pour qu’on mette en valeur Célestin Gérard et Edouard Vaillant, Maurice Mac-Nab et Félix Pyat, sans oublier bien sûr, en position privilégiée, Jacques Brel !

Côté nature, les cours et voies d’eau sont une chance et une richesse, sans oublier la forêt. Que la ville soit attractive par le tourisme, par son histoire, par sa tradition industrielle, son passé politique et artistique, comme pour ses projets en cours, tels que le canal à vélo ou la maison d’accueil des artistes, voilà qui ne peut que motiver tout citoyen qui s’intéresse au destin de sa cité.

Une rue dans les années 1980, une place en 2019, entre les deux rien : comment expliquez-vous cette indifférence ?


Cette indifférence, voire cette hostilité !… Nous savons que parmi les raisons souvent et très tôt avancées, il y a cette idée, qu’il a fallu patiemment combattre, que Vierzon aurait été dans cette chanson l’objet d’une satire pleine de raillerie de la part d’un Brel à la dent dure. Heureusement, plus personne de crédible ne soutient cette interprétation aujourd’hui. Elle n’est pas cependant sans explications, mais ces explications sont essentiellement à chercher chez nous plutôt que chez Brel.


Certes il arrive que ce dernier, comme Flaubert par exemple, en vienne à associer la province à des
connotations négatives, comme l’ennui ou l’étroitesse d’esprit. Mais il n’épargne pas non plus un certain snobisme parisien, sans que tout cela soit une constante de son œuvre. Bien plus fort dans cette réaction a été l’effet des trop fameux complexes vierzonnais, au sens quasi- psychanalytique du terme. Je n’oublie pas que j’ai participé à un filmage en 2008 où un psychanalyste urbain (eh oui, ça existe !) s’était ainsi penché sur le « cas » vierzonnais.

On y trouverait un curieux mélange d’auto-dénigrement et d’orgueil plus ou moins bien placé, avec des ingrédients comme le célèbre bouchon routier sur la route estivale, les superstitions du Berry, la persistance étrange à ne pas saisir les nombreux atouts dont on dispose pour en faire des éléments convaincants de prospérité. Mais Brel n’y est pour rien, et d’ailleurs, dans la chanson, outre Vesoul, on trouve aussi Paris, Anvers, Hambourg, qui n’ont pas ressenti le besoin d’en prendre ombrage, et même, au contraire, Vesoul s’en est immédiatement félicitée. Quant à Dutronc, je suis persuadé que c’est là encore du gagnant-gagnant, avec une reconnaissance réciproque.

En 2009, le maire de Vierzon se rend à Vesoul, vous y étiez. Pensez-vous que ce soit l'acte fondateur destiné à réparer un acte manqué jusque-là ?
 

Oui, il s’est passé quelque chose de très fort à ce moment-là, et je suis persuadé que tous ceux qui s’y trouvaient avec un minimum de motivation en ont conservé, encore aujourd’hui, un souvenir particulièrement vif. Je ne crois pas me tromper en disant que nous y avons pris beaucoup de plaisir, et que ce plaisir devait beaucoup au partage de cet esprit brélien avec nos amis Vésuliens. Comme si leur exemple avait fait office d’antidote puissant à notre trop longue procrastination.
 

Jacques Brel est venu ou pas à Vierzon. Pensez-vous que ce soit si important que cela qu'il soit venu ?
 

Tout dépend à quelle hauteur on place le « cela ». Pour ma part, sans en faire une fixation, j’y accorde une grande importance symbolique. Avec France Brel, nous sommes tombés d’accord sur une probabilité plutôt favorable. Je ne cache pas que si on avait un jour une preuve, comme une mention sur son fameux grand calendrier de tournées annuelles où il notait les villes de ses tours de chant, j’en serais ravi. Mais pour l’instant on n’a pas… même si pour ma part je dispose d’un témoignage amical datant de mon adolescence le montrant, jusqu’à une heure très avancée de la nuit, au buffet de la gare de Vierzon.

Si Jacques Brel n'avait pas chanté Vierzon, aurions-nous été Vierzon ?


Là, on passe quasiment de la psychanalyse à la métaphysique ! Ce qui est sûr, c’est que l’Idée de Brel est désormais partie intégrante de l’Idée de Vierzon. Sans cela, les associations d’idées qui constituent l’imaginaire vierzonnais seraient autres, et le signifié du mot « Vierzon », riche de multiples connotations, serait amputé de celle-là. Pour moi, sachant ce qu’on sait, ce serait dommage. Même si en bonne logique, en l’absence de la chanson, il y aurait du même coup absence de regrets ! Mais désormais, qu’on le veuille ou non, Brel fait bien partie de l’essence même de Vierzon.

France Brel n'avait jamais vu Vierzon. Elle est venue deux fois depuis décembre 2017, trois fois bientôt, est-ce le début d'une reconnaissance tardive ?
 

Il est clair que désormais, vu de Bruxelles, Vierzon a pris une tout autre dimension. Je pense que les anniversaires, le 40 e de la mort du chanteur et le 50 e de « notre » chanson, ont permis cette focalisation heureuse. Il a fallu un long temps de décantation pour que France vienne à bout de cette somme fondamentale que sont les deux volumes consacrés à l’œuvre et la vie de son père.

Sa venue au salon du livre de novembre 2018 fut un événement tel qu’à coup sûr il constitua l’élément déclencheur décisif. Je n’oublie pas non plus que la reconnaissance, tant locale que nationale, du Vierzonnais Edouard Vaillant, illustre dans l’Histoire mais jusqu’alors méconnu du public, s’est effectuée il n’y a pas si longtemps à l’occasion du centenaire de sa disparition, en 2015. Mieux vaut donc tard que jamais…

Vous êtes l'auteur d'une thèse reconnue sur Brel, vous avez été prof de lettres à Vierzon, le prof de celui qui écrira plus tard Ta Belgitude, Ma Vierzonitude, vous êtes allés ensemble à Vesoul, à Honfleur, c'est ce qu'on appelle une communauté de destins, non ?
 

Oui, des destins croisés et complémentaires. Je revendique l’antériorité de la première impulsion en raison de mon âge, mais je constate que le relais a été pris aussitôt avec une grande efficacité pour relancer et amplifier ce mouvement initial. Avec une telle alternance parfaitement synchronisée, en parfaite harmonie, le moteur brélien a tourné rond à Vierzon, sans ratées intempestives, et cela nous a menés plutôt loin.

On peut penser qu’il aurait pu être un peu plus rapide, mais il aurait pu également être victime d’une panne définitive et ne nous conduire nulle part… Alors, pas de regret lié au passé, regardons plutôt devant nous, et faisons preuve d’une sincère gratitude envers ce fidèle allié que j’ai pris comme métaphore de notre fructueuse association.

Fernand Micouraud a dit "J'aime Vierzon et Brel". Qu'attendez-vous que Nicolas Sansu prononce comme phrase à graver dans la pierre ?


 

Grâces soient rendues à cette belle formule de Fernand Micouraud ! Mais reconnaissons qu’il n’a pas été le seul, parmi les édiles de la ville, à l’avoir pensé, et c’est une bonne chose. Quant à l’édile actuel, je me garderai bien d’exprimer la moindre attente de la sorte en ce qui le concerne, trop soucieux que je suis de respecter scrupuleusement son libre-arbitre. Il sait ce que j’en pense, bien sûr, et il sait aussi que la réalisation de cette place, remarquable par sa dimension et sa position privilégiée au cœur de la ville, est d’une telle valeur à mes yeux qu’une formule, quelque agréable qu’elle pourrait être, serait de toute façon d’une bien faible importance en comparaison. Mais, je le répète, ce choix lui appartient totalement.

Saint-Amand a sa statue de Brel, Bourges le souvenir de son concert à la Maison de la culture, Vierzon sa place : a-t-on remis l'histoire dans le bon sens ce coup-ci ?
 

Bien sûr, et je suis même tenté d’attribuer un double sens à l’expression « bon sens » dans ce contexte : c’est à la fois la voie qu’il fallait suivre – la bonne direction -, et c’est aussi la voix de la sagesse – la sagesse populaire - qui s’exprime à cette occasion.

Manque-t-il encore quelque chose à Vierzon pour que nous soyons vraiment une ville brélienne ?
 

Les gens qui ont une passion sont toujours en quête d’un but supplémentaire à atteindre. C’est d’ailleurs une attitude typiquement brélienne : ne jamais rester immobile, toujours privilégier le mouvement. Pour rester en cohérence avec cette remarque, je ne dirais pas que je suis comblé, mais
je suis tellement près de l’être que ce serait me montrer bien ingrat que de manifester le moindre
sentiment d’insatisfaction à ce sujet.

 

Cependant, toujours par souci de cohérence, je veux bien encore faire quelques suggestions. Par exemple, à Ciné Rencontres, lors de notre repas japonais, j’ai remarqué qu’une adhérente avait un
sac, acheté à l’office de tourisme, décoré avec une phrase de la célèbre chanson : on pourrait aller encore plus loin, je crois, dans ce type d’appropriation. J’ai déjà, à plusieurs reprises, avancé l’idée des panneaux routiers de la ville exhibant les mêmes formules : « T’as voulu voir Vierzon ! » en entrée, « Et on a vu Vierzon ! » à la sortie. Mais c’est une simple suggestion, une parmi d’autres…

Je pense aussi que localement les musiciens et les chorales, à la Décale ou ailleurs, pourraient nous régaler périodiquement avec du Brel à leur répertoire, comme le talentueux maire de Saint-Georges- sur-la-Prée régale régulièrement ses administrés avec du Ferrat. Et, pour l’instant, je m’en tiens à la conclusion de Beaumarchais : « Tout finit par des chansons. »

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P
je suis désolé de vous le dire, mais je ne trouve pas que les paroles de la chanson de JACQUES BREL sont très flatteuses vis à vis de VIERZON. au contraire, je les trouvent plutôt vilaines !
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P
oui d'accord avec vous pas mieux pour VESOUL
V
Et pourquoi plus de Vierzon que Vesoul ?

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