Le rêve de l’humanité est de ne plus vieillir, voire de ne plus mourir, et une armée de crétins, nourrie aux applications de tous poils, se vautre dans le voyeurisme collectif pour montrer aux autres dont une vaste majorité s’en fout, ce qu’ils seront, vieillis de soixante ans. Quel plaisir peut-on prendre à se voir vieux ? A quand l’application qui fait de vous un être dépendant ? Quelle tête aurez-vous quand vous serez mort ? Comment serez-vous une fois décomposé ? On ne voudrait pas être dans la tête des créateurs d’applis de ce genre mais encore moins dans le crâne de ceux qui les utilisent et, pire, font partager aux autres ce conglomérat de nihilisme. La vieillesse est un naufrage, autant montrer une photo du Titanic.
Quel intérêt à se voir plus vieux ? Et plus intelligent, ça marcherait aussi ? Moins con, c’est impossible apparemment. La dictature du numérique fait de notre image un produit de consommation courante. Les mêmes râlent après on ne sait qui, qu’on les espionne, qu’on les scanne, qu’on stocke leurs infos personnelles, qu’on les mixe dans des algorhythmes mais ce sont les premiers à étaler leur image sur les réseaux sociaux et à s’adresser à une enceinte connectée qui a un prénom féminin.
La bête ne se nourrit que de ce qu’on lui donne. Et en plus maintenant, elle prend nos tronches pour les froisser, les pâlir, les rider. Les marchands d’attention savent très bien qu’au bout de neuf secondes, ils nous ont perdus et qu’il faut continuellement inventer des ressorts pour retendre nos attentions sur autre chose, dans un but purement marchand.
En ce moment, c’est le filtre qui vieillit alors qu’on cherche encore le philtre d’éternité et mieux, l’eau de jouvence. Notre civilisation mourra mais ni de chaud, ni de froid, ni submergé par les océans qui gonflent, non notre civilisation mourra du ridicule qu’elle produit à gros bouillons, chaque jour, à son dépend.
Les citoyens qui se pavanent sur les réseaux sociaux avec un visage refait par une application russe pollue l’internet, vieux rêve brisé d’une égalité mondiale, pire qu’en jetant du plastique dans la mer. C’est un coup à devenir ermite, à écraser son smartphone d’un coup de talon. A devenir Robinson Crusoë. Pire : à ouvrir un livre et à se noyer dedans lire pour oublier le vide qui nous menace. A quand l’appli qui multiplie les neurones ?