La liberté d'expression est un bien précieux. Sur ce blog, certains de nos contradicteurs n'en ont pas encore mesuré tout son périmètre. Six ans après l'attentat qui a décimé la rédaction de Charlie, nous ne sommes à l'abri de rien. Le simple fait d'avoir montré les caricatures de Charlie à sa classe a précipité un enseignant dans une mort atroce. 15% des enseignants, selon un sondage pour la fondation Jean-Jaurès, estiment qu'il a eu tort de montrer ces caricatures. 19% se prononcent pas. Qui ne dit mot consent...
Non, ce qui s'est passé il y a six ans à Charlie est une plaie toujours ouverte car les outils de cette blessure mortelle nous menace encore. Il y a pire que la censure, dans ce pays, c'est l'autocensure, la peur d'aller trop loin, de dire ce qu'on pense, dans les clous de la loi, bien sûr. Là encore, des enseignants préfèrent escamoter le sujet plutôt que d'en parler. Et il n'y a pas que les enseignants qui s'autocensurent, qui s'inclinent devant les exigences de la religion qui n'auraient rien à exiger si nous avions le courage de faire respecter les distances entre religion et République. Alors oui, plus que jamais Charlie.
Texte écrit après les attentats de Charlie-Hebdo en janvier 2015.
Je vous mitraille avec ma liberté d'expression,
je vous blasphème avec ma liberté des crayons,
je vous casse la gueule avec la force de mes mots,
je vous encellule avec mes traits même si je ne sais pas dessiner,
je vous requiers perpet' avec une seule phrase,
je vous bannis du périmètre de l'humain avec un seul adjectif,
je vous rééduque avec mon dictionnaire,
je vous athéise avec la force de l'existant,
je vous convertis avec ma bibliothèque,
je vous pacifie avec mes épithètes,
je vous transforme en homme avec l'art du récit,
je force tous vos traits avec l'art de la caricature,
je gomme vos défauts avec l'art du dessin,
je repasse vos contours avec mes HB,
je vous enveloppe de liberté dans mes papiers journaux,
je vous vomis avec mes conjugaisons,
je vous désarme avec mon alphabet,
je vous ampute de votre sauvagerie avec une seule lettre,
je vous défie avec un seul bouquin,
je vous barre le chemin avec la littérature,
je vous emprisonne avec ma liberté,
je vous dissous avec ma liberté,
je vous enterre avec ma liberté,
je vous neutralise avec ma liberté,
je vous mitraille, de la pire façon qui soit, avec le mépris qui me vrille les entrailles et l'absolue nécessité de vous éradiquer du monde, de vous étouffer, de vous faire étouffer par un trop plein de liberté, d'expression libre, de bonheur d'écrire, de la frénésie de caricaturer, de blasphémer, d’adhérer au goût universel de l'humour.
En espérant que vous crachiez vos poumons par ce trop d'oxygène.
A vous, bande de connards, sombres abrutis, pauvres enculés,
A vous, crevures de l'humanité qui ne méritaient même pas l'enfer, juste la réalité de ce monde que vous conchiez.
Je vous punis par le simple fait de résister à la merde qui emplit votre cerveau.
Et je serai là, face à l'obscurantisme que vous consommez avec la puissante lumière de ma propre liberté d'expression que je vais, chaque jour, imprimer plus profondément, dans le sens que prend désormais ma vie à vous combattre avec mon arme.