Nous allons nous munir des armes nécessaires
Et faire provision de verbes sans pudeur,
Enfin, c'est décidé, nous pourrons nous abstraire
De cette trouille au ventre qui se noue dans l'horreur.
C'est juré, désormais, la peur change de camp
Après tant de chagrins sur autant de défaites,
Après tant de recul, voici venu le temps
Où les tarés de Dieu vont prendre leur retraite.
Après mille tribunes, après dix mille lois,
Ces centaines de morts au nom de l'extrémisme,
Après avoir dilué dans des verres de foi
Ce qui reste, si peu, de notre réalisme,
Après ces précautions, ces formules polies,
Ces élus sur un pied qui danse sur un autre,
A cuisiner on ne sait trop quelle bouillie
Pour leur petit empire dans lequel ils se vautrent,
Après avoir laissé notre laïcité,
Servir de paillasson, sans vraiment la défendre,
Sauf à servir bien sûr quelques vils intérêts,
Ce que l’on vit peut-il encore nous surprendre ?
Combien de lâchetés, combien d’autres calculs,
Combien de régression devrons-nous soutenir,
Pour qu’enfin, la pensée sorte de sa cellule
Dans laquelle certains voudraient l’entretenir.
Mais nous sommes debout, des âmes de vainqueurs.
Nous avons tant fermé nos yeux pour ne pas voir
Ce qui nous bouffait, nous rongeait de l'intérieur,
Serions-nous tombés dans cet excès de trop croire ?
Promis, tout va changer... Les discours sont semblables,
Où est la volonté plus grand que tout espoir
Où se trouve aujourd’hui contre l’abominable
La raison du plus fort qui transcende le noir.
Je ne suis plus personne, je suis une ombre froide,
Avec des larmes chaudes dans cet hiver cendré,
Je ne reconnais plus ce monde de malade
Où la folie incarne des êtres supposés,
Venus de l’épaisseur de la pensée unique,
Nés du fond de l’ennui pour punaiser les foules
Sur des clos sans issue, sur des parois iniques,
Pour former la conscience au fond d’opaques moules.
Le bon sens s’est éteint pour un jeu d’écritures
Qui serait, le croit-on, l’extrait de la lumière,
Mais rédigées de la main de l’homme, c’est sûr,
On ne peut que douter de ses effets sincères.
Comment peut-on se perdre, à ce point, en marchant,
Sur les sentiers étroits de l’inexactitude,
Sur les chemins boiteux où croire qu’en croyant
Suffirait à construire un mur de certitudes.
Pourquoi chercher sans cesse au-dessus de soi-même
Les vices qu’on refuse obstinément d’admettre
Et de faire porter le chapeau du blasphème
A ceux qui n’ont pour but que la soif de connaître,
Quand on aura compris que les dieux sont faits d’hommes
Pour répondre aux instincts qu’ils n’assument jamais,
Que seule, la nature, gigote dans la pomme
Et qu’espérer n’implique pas de penser de biais,
Quand on aura admis que la foi est intime,
Et qu’il ne sert à rien d’en bâtir des spectacles,
Qu’on ne peut, en son nom, légitimer des crimes
En nous vendant du rêve sous forme de miracle,
Quand, d’instinct, le courage remplacera le doute,
Quand nous aurons enfin la force nécessaire,
De ne pas nous plier à cette banqueroute
Où l’invisibilité règne sur la terre.
Je suis un crayon à la mine satirique,
Un stylo d’encre noire et caricaturale,
Je suis la feuille de ces morts catégoriques
Sacrifiés sur l’autel de l’horreur intégrale.
Si nous étions, enfin, les remparts efficaces
Contre le mysticisme et la doctrine rance,
Car vivre en étant libre a beaucoup plus de classe
Que de vivre à genoux dans le feu de l’outrance.