Tout un peuple la tête en l'air ! Tout ça pour applaudir une couche supplémentaire de pollution, comme si on avait besoin de ça et regarder l'argent du contribuable qui part en fumée. Quand ce n'est pas en homard, c'est en fusée. Plus de deux cent trente ans après la Révolution française et la prise de la Bastille, nous en sommes encore à fêter notre propre défaite collective, sous prétexte que le 14 juillet serait populaire et le spectacle gratuit. Sauf que la gratuité a toujours un coût.
Des millions d'euros dilapidés (en France !) en une soirée et des commentaires affligeants sur la couleur d'unetelle et le bouquet final d'untel. Et qu'on ne nous serve pas l'histoire de la concorde populaire, cet instant de communion unique, quand on voit les spectateurs regarder le feu d'artifice par procuration, sur l'écran de leurs téléphones portables, pour un film qu'ils ne regarderont plus jamais. A croire que ce qui n'est pas filmé n'a jamais existé.
En matière de moutonnerie, le long troupeau qui va paître une belle rouge ou une belle bleue porte en lui le paradoxe de notre société : s'émouvoir pour une futilité, se mettre en colère pour une fausse information, refuser pour refuser, buzzer sur du vent et s'extasier devant un feu d'artifice qui fait oublier, un 14 juillet, ce qui n'aboutit pas le reste de l'année.
On a même vu, ici, à Vierzon, sous un autre ciel municipal, des citoyens râler car on leur avait volé le bouquet final, suite à un incident technique. La polémique a tellement enflé qu'il a fallu retirer un second feu d'artifice ! Notre incapacité à se réinventer sans douleur pour ce qui nous entoure nous tuera. 232 ans de 14 juillet nous ont fait oublier jusqu'au sens de ce jour, vidé de sa substance, rempli d'artefacts. Ce feu d'artifice tiré comme un dû, cette symbolique qui n'a d'intérêt que son côté férié, cette répétition des choses comme si l'habitude évitait à la pensée collective de produire des contre-feux.
C'est ainsi : soit on regarde le bout de nos godasses pour éviter de trop en voir, soit on lève la tête vers des pétards multicolores. Et ces pétards mouillés ? Et ces barils de poudre sur lesquels on est assis ? Et ces mèches que certains veulent allumer mais qui font pschitt... Allez, l'an prochain on remet ça. On prendra notre dose de belles bleues, on se laissera hypnotiser par cette vaste supercherie bruyante et on pointera du doigt les gaspillages dont on ne profite pas. C'est bien le problème : un gaspillage qui n'est pas partagé collectivement est forcément un vol.