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Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


C'est difficile d'aimer une ville sans s'écorcher après

Publié par vierzonitude sur 17 Décembre 2024, 13:09pm

C'est difficile d'aimer une ville sans s'écorcher après

 

C'est difficile d'aimer une ville sans s'écorcher après, sans errer dans son obscurité et trébucher dans ses lumières. Ado, je léchais les trottoirs avec mon ombre étirée jusqu'à l'exagération, j'étais devenu un môme élastique qui coulait sur le bitume et courait dans les caniveaux.
J'aimais les soirs d'été comme des bonbons sur les bords du Cher, près de la piscine, derrière la rue du Champanet, il y avait un chemin qui s'enfonçait sous les arbres et bordait le Cher, de sa hauteur.
Avant, un banc de pierre sous un arbre bienvenu, tendait sa surface aux bavardages des voisins, des petits vieux dont faisait partie ma grand-mère, et sa voisine, assises à l'abri des feuillages.
Dans mes étés adolescents, Vierzon transpirait doucement dans les rues que j'empruntais, j'aimais croire que je m'y perdais, j'avais des rêves simples, j'y lovais ma solitude, j'y abritais mes envies d'ailleurs sans jamais sortir d'ici. Il y a des lieux qui, dans l'absolu, m'appartiennent, à force de s'y inclure, ils deviennent notre propriété, le pont Molière a dû souder son ADN au mien, pas de chance, en changeant les garde-corps, toutes les empreintes de mon enfance ont disparu.
L'été toujours, je marchais sans but parce qu'avoir un but signifiat définir un projet, et dans les brumes du soir, aucun projet ne peut se déplier, il n'y a que le plaisir simple d'être le roi de son univers et de savoir que ce soir-là, on va laisser tomber la nuit, se laver sous la lumière des lampadaires, rentrer tard en ayant l'impression de ne jamais rentrer, veiller le plus loin possible dans la nuit en tentant d'attraper les premiers rayons de l'aube.
Les soirs vierzonnais, sous la lune encore tiède, élargissaient les rues qui recevaient ma visite, j'y marchais comme on rentre au pays, Vierzon était le mien, sans savoir qui de lui ou de moi, avait surtout imprégné l'autre. Je lisais les soirs comme des livres, je tournais les pages de mes lieux préférés, le grand parking au bout de la rue du Champanet était un de ceux-là, un vaste champ de bitume sur lequel j'imprimais mon ombre.
Il y avait, dans cette ville, la magie que j'y saupoudrais, c'est sans doute pour cette raison viscérale que j'aime cette ville, j'ai poussé en elle, j'ai étendu mes soirs d'été à la fenêtre de ma chambre au premier étage, quand je descendais, j'avais le choix à perte de vue de me perdre où je voulais. Il n'y a pas de ville plus intime que celle qui vous a tant porté, tant pris de vos heures, de vos jours, de vos années, tant bu les empreintes de mes doigts.
Il n'y a pas une direction qui ne m'inspire quelque chose, pas un lieu qui ne soit marqué d'un thème, pas une rue qui recrache des rires. C'est pour ces raisons de chair que cette ville est si précieuse à mes yeux et qu'il est douloureux, à certains égards, de la voir telle qu'elle est devenue, telle qu'elle se rapetisse quelques fois, qu'elle oublie d'autres fois, qu'elle s'efface, se décolore.
Même le banc, a disparu des bords du Cher, même l'arbre a fondu avec le reste du paysage. Et quand je m'y promène, l'archéologie de mes sentiments bouscule une nostalgie incertaine. Et pour ramener la rivière à la rive, il n'y a que l'écriture pour seul secours.
R.B.
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