J'allais juste laver mon linge, juste voir tourner la tambour de la machine à laver, instant suspendu où le temps est minuté à un compte à rebours mécanique. Quand je suis entré, elle était déjà là. A attendre comme tout le monde, à cet endroit, dans un silence teinté de chuintement de moteur mouillé. Je n'ai pas l'habitude de restreindre mes regards, j'aime ce lieu, et les gens qui s'y frottent sans se toucher, qui n'osent pas se parler.
Elle a traversé la laverie en parlant de la grippe. C'est là que mes yeux sont tombés sur la poussette et sur le chien qui dormait dedans. C'était elle. J'en avais entendu parler, je l'avais croisé une fois ou deux route de Bourges poussant sa poussette avec le chien dedans.
Je lui ai juste demandé si elle serait d'accord pour que je la photographie, dehors, devant la vitrine du lavomatique. Je lui ai dit, "vous savez que vous êtes célèbre à Vierzon, j'ai entendu parler de vous." Elle a rigolé. Nous sommes sortis. Elle a posé, son chien qui est une petite chienne, âgée de 16 ans et aveugle, Talia, semble avoir pris la pose aussi. Nous sommes rentrés.
Pour me remercier, mais je me suis demandé de quoi puisque c'est moi qui la dérangeais, elle a tenu absolument à m'offrir un chocolat au distributeur. Je ne pouvais pas dire non, je ne devais dire non, elle l'aurait pris comme une offense. Alors je l'ai bu, comme j'ai bu cette parenthèse enchantée, nous avons parlé, d'elle, de ses longs trajets à pied, de ces villes dont elle venait, de sa petite chienne. De sa famille.
Elle m'a offert un second chocolat parce que l'homme qui était à côté de nous et qui était là avant, avec qui elle avait parlé avant moi, avait bu deux cafés, elle voulait que j'ai deux gobelets. J'ai bu le deuxième. La machine a fini. J'ai enclenché 40 minutes de sèche-linge, 40 minutes parce que l'heure n'était pas à partir.
Nous avons parlé, encore, de tout, de rien. Elle s'est levée essuyé le chrome de la machine à laver, puis essayer l'intérieur. Au passage, elle avait un œil sur le paquet de tabac de l'homme avec qui elle discutait avant moi pour qu'il ne l'oublie pas sur la table. Il restait quelques minutes au sèche-linge, elle est sortie avant, son lourd sac de linge à roulette; Je me demandais comment la valise et le chien allaient tenir : la valise à la place de la petite chienne et la petite chienne dans la niche sous la poussette. Et les voilà toutes les trois, la dame, la chienne et la poussette, dans ce dimanche d'hiver sans relief qui venait d'en prendre avec cette rencontre.
Je l'ai vu traverser avec sa poussette, la laisser sur le trottoir d'en face, revenir chercher son sac de linge, re-traverser, puis partir, s'éloigner, dans cette fin de matinée. Nous nous sommes dis au revoir, j'ai pensé j'espère à bientôt. A bientôt sans doute. La prochaine fois, c'est moi qui lui offrirai un chocolat pour toute la bienveillance dont elle fait preuve, pour toute cette lumière dont elle irradie, cette gentillesse en cadeau, cette façon d'aller vers les autres.
C'est pour toutes ces raisons que j'aime par-dessus tout, le lavomatique du dimanche matin. Et plus encore celui de ce dimanche matin. A bientôt, madame la dame de la poussette avec un petit chien dedans.
R.B.