Ils cheminaient, bras dessus, bras dessous, comme on chemine collé à l'autre, parce qu'il fait froid, parce qu'il fait dur de soulever les années à chaque pas, parce que le soir édulcore dans ses ombres, la philosophie triste du temps qui passe.
Je les ai croisés, sans qu'ils ne me reconnaissent, mais je les ai laissés filer, sur le trottoir de leurs habitudes. Je me suis retourné, pour voir si la lumière découpait bien leurs ombres dans le décor de la rue des Ponts.
Avec le ciseau de mon regard, j'ai suivi les pointillés, et même si le feu était rouge, ils sont passés quand même, sur les pavés luisants.
Son bonnet se détaillait dans la crudité de la rue et ils sont ainsi passés, comme passent les connaissances, concentrées sur l'instant.
Je le leur dirai quand je les reverrai. Je sais, ils souriront en s'excusant. Je m'excuserai en souriant.
R.B.