Chère Amélie Nothomb,
Je me suis arrêté un nombre considérable de fois devant la couverture de vos livres. Et tout ce temps cumulé ne m'a pas permis d'en lire le contenu. Un peu comme si je m'étais arrêté deux minutes dans la gare de vos bouquins sans les avoir visités comme vous l'avez fait dans le Figaro : vous jetez l'opprobre sur une ville sans y avoir posé les pieds.
Il est vrai qu'au regard des titres et des illustrations de couverture, on peut se faire une idée mais elle ne correspondra jamais à la réalité du contenu. Comme pour une ville, peut on s'en faire une idée en effleurant uniquement sa gare ?
Dans votre roman, Pétronille, vous décidiez de citer Vierzon, deux fois. Pourquoi Vierzon, mystère éclairci car vous y répondiez avec élégance, dans la presse locale : "c’est vrai que cette consonance m’a toujours frappée. Je dois dire, à tort ou à raison, elle ne m’a jamais paru très heureuse, c’est un tort, je suis sûre que Vierzon est une ville charmante."
Imaginez que l'on n'ouvre pas vos livres, que l'on dise juste "je suis sûr que les romans d'Amélie Nothomb sont charmants " Une ville est comme un livre, il faut l'ouvrir, la lire pour la connaître.
C'est étonnant le nombre de gens qui citent Vierzon sans connaître cette ville. Vous écriviez, page 27, de votre roman Pétronille : "A part au buffet de la gare de Vierzon, il y a du champagne partout en France".
Dans une interview que vous accordiez à la presse locale, à l'époque, vous enfonciez le clou. Une histoire de consonance, disiez vous, qui ne vous a pas parue très heureuse. Bous expliquiez votre choix car Jacques Brel, à qui vous faites aussi référence, ne nous a jamais expliqué pourquoi, il avait collé Vierzon dans sa célèbre chanson Vesoul, qui a failli s'appeler Vierzon-Vesoul d'ailleurs.
A tel point que ce mystère a rendu la chanson antipathique aux oreilles des Vierzonnais alors qu'elle est perçue agréablement aux oreilles des habitants de Vesoul et d'Honfleur. Comme quoi, vous voyez, chère Amélie, tout peut mal finir sur une incompréhension.
Mais dans votre article du Figaro, ce n'est pas un parti pris mais une exécution.
Vous auriez pu, au contraire, sortir Vierzon de ce gant noir dans lequel la ville est enfoncée, y compris ses cinq doigts comme autant de rivières qui la traversent ou la caressent, nous offrir une ode, pas plus, qui incite à la curiosité, qui serve de carrefour de rencontres insolites, peindre Vierzon aux couleurs de vos succès.
Vous auriez pu nous emmener avec vous et faire rimer Vierzon avec Nothomb. Nous vous aurions édifié une statue, faite citoyenne d'honneur de Vierzon.
Mais vous avez cédé à la facilité, celle de dézinguer une ville qui certes n'est pas exempte de critiques, mais qui ne mérite pas un tel châtiment littéraire. Vous auriez pu décrire le pont de Toulouse colorée, vous penchez sur l'histoire ferroviaire de cette ville, de décrire le croisement des histoires qui se nouent sur les quais, Vierzon plus qu'ailleurs car ici, il y a des destins singuliers.
Alors justement, voilà l'idée : venez à Vierzon, venez passer quelques jours en résidence à Vierzon, nous avons de quoi, venez je vous ferai visiter la ville, vous la respirerez, vous y boirez même du champagne, on en a. Et puis, on ne vous laissera pas partir comme ça, vous nous écrirez une petite nouvelle sur Vierzon que nous nous débrouillerons pour publier afin qu'elle soit lue du plus grand nombre. Et vous repartirez, pas forcément plus riche que vous n'êtes venue, mais vous repartirez avec le sens du devoir accompli.
Libre à vous ensuite de citer Vierzon, à la sauce qui vous conviendra, puisque vous l'aurez vue, libre à vous de la détester ou de l'aimer, mais vous au moins, vous l'aurez vue, foulée, sentie, écrite, respirée. Cela ne sera plus une intuition, une consonance, ce ne sera plus qu'un son. Et vous aurez raison : Vierzon vous paraîtra charmante. Alors, on vous attend chère Amélie.
Cette page dans le Figaro n'est qu'un accident regrettable sur le parcours de cette ville que j'aime, que je critique parce que je la connais et que je l'aime.
Au plaisir de vous lire, en gare de Vierzon peut-être en attendant mon train.
R.B.
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