Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Vierzonitude

Le blog que personne ne lit... mais dont tout le monde parle


Pourquoi les abstentionnistes n’auraient rien changé au résultat

Publié par vierzonitude sur 8 Décembre 2015, 17:45pm

De manière plus générale, les abstentionnistes sont l’objet de nombre d’idées reçues, et le véhicule des espoirs des uns et des autres, qui se convainquent qu’ils auraient pu changer la face du scrutin. Or ce n’est pas du tout démontré. L’institut Ifop avait réalisé un sondage, au lendemain des européennes 2014, à partir d’un échantillon de 1 638 abstentionnistes à qui on demandait ce qu’ils voteraient s’ils y étaient obligés.
24 % disaient qu’ils auraient alors voté pour le FN,
22 % d’entre eux répondaient l’UMP,
14 % le PS (et le PRG).
Or les résultats électoraux des européennes donnaient :
le FN à 24,8 %,
l’UMP à 20,8 %,
le PS et alliés à 13,98 %.

Le nouveau jeu à la mode est de vilipender les abstentionnistes : plus de 21 millions quand même. Oui, le résultat du F.N est de leur faute. Les salauds ! Mais attendez un peu, ce n'est tout de même pas les abstentionnistes qui ont offert plus de 6 millions de voix au Front national ? Non, mais vous comprenez, bande d'irresponsables d'abstentionnistes, avous auriez dilué les pourcentages du F.N. Mais qui vous dit que les presque 21 millions d'abstentionnistes vont voter comme vous avez envie qu'ils votent ? Qui vous dit, que dans le lot, certains qui hésitaient à sortir du bois extrêmiste ne vont pas voter F.N justement ? Et foutre en l'air vos petits échauffaudages ? Ce qui est marrant, c'est qu'il est acquis que les abtentionnnistes sont de gentilles personnes, qui, dans un sursaut, votent bien, pas F.N quoi. Alors, il faut taper sur les abstentionnistes pour leur secouer les plumes irresponsables de faiseur de fachos ! Pendons aussi par les pieds les 900.000 abrutis qui votent blanc ou nul et qui croient que ça va changer les choses. Mais oui, forcer même les abstentionnistes à voter dimanche prochain sous peine de les enfermer. Tout est de leur faute. Les politqiues sont des anges, les électeurs du Front national sont des êtres perdus, ceux qui votent à gauche sont parfaits, ceux qui votent à droite sont irréprochables, il y a ceux qui débordent dans les autres partis histoire de se faire remarquer. Ils ont tous raison mais les abstentionnistes, eux, ont tort. Tout est de leur faute, la gauche en sucette, la droite en berne et le Front national au zénith, la faute à ceux qui ne votent pas. C'est bien connu, les élections ne sont les résultats de votes qui ne se sont pas exprimés.

Pourquoi les abstentionnistes n’auraient rien changé au résultat

Selon les sondages, une fois de plus environ la moitié de l’électorat s’apprête à s’abstenir les 6 et 13 décembre aux élections régionales. Pourquoi cette abstention grimpante ? Nous avons interrogé les auteurs du livre Les citoyens ont de bonnes raisons de ne pas voter (éd. Le Bord de l’eau).
D’après les sondages, les élections régionales des 6 et 13 décembre risquent de prouver une nouvelle fois que la démobilisation électorale est l’une des caractéristiques majeures de notre vie politique. Pourquoi en est-il ainsi ? Les sociologues Thomas Amadieu et Nicolas Framont, respectivement associés au GEMASS (laboratoire CNRS-Paris IV) et à l’université Paris-Sorbonne, nous répondent.
Selon un sondage Ifop publié le 29 novembre dans le JDD, seulement 46 % des électeurs ont l’intention de voter aux élections des 6 et 13 décembre, soit autant qu’aux régionales de 2010, alors que certains attendaient un sursaut citoyen après les attentats. Même s’il faut prendre ce chiffre avec précaution, comment expliquez-vous cette montée durable de l’abstention ?
Thomas Amadieu et Nicolas Framont – En effet, malgré le contexte particulier de ces dernières semaines, on peut penser que les élections régionales prochaines vont confirmer la tendance durable à la montée de l’abstention dans la vie politique française depuis les années 1980. Il nous semble que ce phénomène relève d’au moins trois causes.
Tout d’abord, on se mobilise moins lorsque les enjeux sont flous voire inexistants. Or, depuis plus de trente ans, il devient difficile de saisir les différences réelles entre les grands partis politiques français. L’alignement programmatique du PS et des Républicains est loin d’être fantasmé. Au niveau économique, ils mènent une politique strictement similaire : dérégulation du droit du travail et démantèlement des protections salariales afin d’augmenter la compétitivité. On observe aussi un transfert d’argent public en soutien aux entreprises et aux investisseurs, sous forme de subventions ou d’exonérations fiscales (“Paquet fiscal” de Sarkozy en 2007, CICE et Pacte de responsabilité sous Hollande, sans compter les multiples niches et incitations qui ont été créés ces dix dernières années).
Les similitudes ne s’arrêtent pourtant pas au niveau économique : sur bien d’autres questions comme la diplomatie ou la sécurité, les Républicains, les centristes et le Parti socialiste ont des positions proches. Il est devenu très difficile de savoir ce qui distingue les principaux partis et leurs alliés. On comprend alors pourquoi la majorité des Français peinent à trouver des raisons de se déplacer.
Ensuite, le personnel politique français a de quoi désespérer n’importe quel électeur. Outre le fait que la vie politique française soit dominée par les mêmes têtes depuis près de trente ans, la classe politique est très homogène socialement : les classes populaires, ouvriers et employés, y sont extrêmement minoritaires, alors qu’ils représentent la majorité de la population. Cadres et professions intellectuelles supérieures sont au contraire surreprésentés. Le préjugé selon lequel les politiques seraient “déconnectés” de la vie quotidienne des Français est sociologiquement tout à fait fondé
Le nombre de cumulards laisse également songeur et génère du soupçon : que cherchent donc les députés qui cumulent mairie, participation au conseil des régions et représentation nationale ? Comment est-ce possible qu’en plein état d’urgence et alors que notre armée intervient sur plusieurs fronts à la fois, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, soit candidat aux régionales en Bretagne, tout comme le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone en Ile-de-France ?
Pour finir, il y a un problème lié au mode de scrutin. Le scrutin de liste à deux tours multiplie le poids des combines électorales. Le nombre de filtres entre un bulletin dans l’urne et le résultat effectif d’une élection accrédite l’idée selon laquelle l’électeur n’est finalement qu’une variable d’ajustement : les négociations d’entre-deux-tours, où chaque parti s’arrange pour fusionner sa liste dans les meilleures conditions possibles, où l’on marchande le poids électoral de l’un et de l’autre sur l’autel de l’obtention d’un mandat, peuvent provoquer le découragement des électeurs et donc leur désengagement d’un jeu où ils ne sont que la cinquième roue du carrosse.
A gauche comme à droite, le slogan “voter c’est résister” a été adopté, en défense de notre modèle démocratique. Cette rhétorique vous semble-t-elle pertinente et potentiellement mobilisatrice ?
Ce slogan s’inscrit dans la continuité des remèdes cosmétiques proposés régulièrement pour enrayer la montée de l’abstention. Ils ont en commun de chercher à détourner les critiques de la classe politique vers les abstentionnistes, qui sont accusés d’être individualistes, égoïstes, paresseux, voire sous-éduqués. On multiplie les campagnes de publicité et les slogans pour tantôt rendre le vote “sexy” auprès des jeunes tantôt “réenchanter” les élections. Ces remèdes partent du constat erroné que les citoyens ne votent plus par désintérêt pour la chose publique, alors que le problème provient de l’offre politique elle-même et la défiance à l’égard de ceux qui la tiennent.
Mais là on atteint un degré inédit dans la culpabilisation des citoyens. Si “voter c’est résister” alors “s’abstenir c’est collaborer avec l’ennemi”? On est dans une rhétorique opportuniste qui cherche à instrumentaliser les attentats pour conduire les électeurs aux urnes. C’est le signe d’une classe politique aux abois. Comme avec les propositions de rendre le vote obligatoire, on a affaire à des tentatives pour transformer en profondeur le sens du vote : voter ne signifie plus choisir un représentant porteur d’un programme politique, mais adhérer au régime démocratique. C’est complètement contradictoire, car un régime qui travestit le vote, expression de la souveraineté populaire, en bulletin d’adhésion à ses institutions, n’a du coup plus grand chose de démocratique !
Ce type d’argument a donc peu de chance de porter ses fruits, car les ficelles sont un peu grosses. Sans compter le danger que ce genre de rhétorique, à la longue, représente pour le caractère démocratique de la République française. Tout comme maintenir des élections en plein état d’urgence.
Depuis 2012, l’abstention semble être d’abord une conséquence de la démobilisation des électeurs de François Hollande. Cette logique peut-elle s’inverser ?
Les électeurs de François Hollande en 2012 ont de quoi se sentir trahis par les politiques appliquées qui sont l’exact inverse de ses promesses de campagne. Sur bien des points, et particulièrement en matière de politiques économiques, le président actuel est allé bien plus loin que son prédécesseur Nicolas Sarkozy.
C’est l’électorat populaire (ouvriers et employés du privé, personnels de la fonction publique), celui qui a porté Hollande au second tour, qui est le plus pénalisé par les politiques menées. D’ailleurs, le PS a renoncé de longue date à s’adresser aux classes populaires. Les seuls marqueurs distinctifs du PS aujourd’hui ce sont quelques questions “sociétales” et une vague promotion de la culture. Il semble donc impossible d’espérer une inversion de la tendance.
En outre, les électeurs des autres partis ne sont pas non plus fortement mobilisés. Les électeurs de la droite de gouvernement ont assisté successivement aux différentes affaires dans lesquelles les cadres du parti ont été impliqués, puis ont vu le gouvernement PS siphonner les thèmes habituellement portés par leurs candidats. La gauche radicale est, une fois encore, profondément divisée par des querelles internes et des calculs politiciens. Même Jean-Luc Mélenchon a déploré dernièrement cet “l’imbroglio permanent” face auquel se retrouvent les électeurs de la gauche antilibérale.
En règle général le score du FN augmente en proportion en raison de l’abstention. Brandir ce risque pour appeler au vote, voire à la fusion des listes de droite et de gauche dans le Nord, est-il encore efficace ?
Il est vrai que l’abstention provoque une augmentation des pourcentages du FN. On commente d’ailleurs trop souvent ces chiffres impressionnants sans les rapporter à l’ensemble du corps électoral, ce qui conduit à des constats erronés du type “un Français sur trois vote Front national”. En réalité, la colère et le désespoir des Français conduisent bien plus vers l’abstention que vers le vote Front national !
On peut s’interroger sur le soin qui est déployé par les responsables politiques socialistes et Républicains, et maintenant le président du Medef, à exagérer le poids du Front national. Pour les partis dominants, c’est une façon efficace de renvoyer la critique de leurs politiques à une colère fascisante qu’il faudrait à tout prix fuir. Le ras-le-bol vis-à-vis de la classe politique, qui n’a pourtant rien d’irrationnel, est ainsi associé à une rhétorique du “tous pourris”, intrinsèquement liée au FN, et donc forcément honteuse. Ensuite, la menace leur permet de s’ériger en représentants de la stabilité contre le chaos. Ils incarneraient en quelque sorte le moindre mal, à défaut de proposer le mieux. Cette stratégie est ainsi devenue le noyau central du Parti Socialiste. On peut d’ailleurs tout à fait penser que si Manuel Valls brandit en permanence la menace FN, c’est pour rester maître du jeu à gauche et empêcher la naissance d’alternatives à sa politique, au sein de son parti comme du côté de la gauche radicale. On dit aux électeurs : “toute dispersion ferait gagner le FN, alors restez dans les rangs.”
Or, non seulement cette stratégie dissimule mal son hypocrisie, mais en plus elle crédite le Front national, pourtant un parti de notables qui n’a rien de révolutionnaire sur le plan économique, d’une aura subversive et “anti-système”. En s’alliant à Pierre Gattaz, le président du Medef, pour dénoncer l’inanité du programme de Marine Le Pen, Manuel Valls lui a fait un formidable cadeau : devenir l’ennemie déclarée des élites politico-économiques.
Les jeunes et les classes populaires sont souvent les catégories qui s’abstiennent le plus massivement. Pourquoi ?
L’abstention des jeunes est un sujet de préoccupation pour les politiques, parce qu’obtenir le vote des jeunes c’est se donner une image moderne et dynamique. Les taux d’abstention spectaculaires chez les jeunes (aux Européennes de 2014 les trois quarts des jeunes n’ont pas voté) sont souvent mis sur le compte d’un prétendu individualisme. C’est le cliché du jeune rivé sur son smartphone, plus préoccupé de la satisfaction de ses plaisirs égoïstes que du bien commun. C’est évidemment faux.
Si les jeunes votent moins c’est avant tout parce qu’ils se sont émancipés par rapport au légitimisme du vote : quand les candidats ou les programmes ne conviennent pas, ils n’hésitent pas à s’abstenir. Chez leurs aînés il y a encore un attachement sentimental à certains partis et une forme d’habitude ancrée avec les années. Les jeunes jugent davantage sur pièce. Or les politiques menées ne leur sont pas favorables : leurs conditions de vie se sont dégradées, le passage à l’âge adulte et la prise d’autonomie sont de plus en plus difficiles. De ce point de vue, les jeunes ont une attitude très rationnelle vis-à-vis du vote, ce qui explique qu’ils décrochent plus vite que leurs aînés quand ça ne va pas.
Quant aux classes populaires, qui effectivement s’abstiennent bien plus que les classes supérieures, leur attitude est tout à fait logique au regard des politiques menées depuis trente ans et plus particulièrement ces dix dernières années. Ces politiques ont toutes eu des effets contraires aux intérêts des plus pauvres. D’abord, leur incapacité à endiguer le chômage massif qui ravage notre pays depuis les années 1990 a surtout nuit aux ouvriers et aux employés. Ensuite, ils sont les grands perdants de l’augmentation des inégalités que les gouvernements successifs ont provoquée.
Sous prétexte de compétitivité et de politique de croissance, ils ont appauvri et précarisé les salariés et offert un soutien sans faille aux grandes entreprises et à l’actionnariat français avec des effets bien réels. Ainsi, entre 2008 et 2012, alors que les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus annuels augmenter, ceux des 40 % du bas de l’échelle ont connu une baisse annuelle de 400 à 500 euros.
Or, cette montée des inégalités n’est pas un simple dommage collatéral ou un accident de parcours : La plupart des partis politiques institutionnels entretiennent sciemment un clientélisme oligarchique qui comporte deux volets. Un volet rhétorique qui consiste en la valorisation systématique des plus riches, entrepreneurs et actionnaires, sous prétexte de leur contribution décisive à la croissance, tandis que sont dévalorisés les plus pauvres, salariés et chômeurs, qui sont décrits comme “assistés” ou rétifs aux innovations.
Et un volet pratique qui est la mise en place de manière plus ou moins visible d’une redistribution des richesses vers le haut et d’une destruction du modèle social et de services publics au bénéfice des grandes entreprises. On parle souvent des bénéfices des privatisations en termes d’allégement de la dette publique, mais on parle moins de ce qu’elles rapportent aux grandes entreprises qui s’en partagent les plus beaux morceaux, comme dernièrement avec les autoroutes françaises
Face à un tel constat, comment s’étonner que les classes populaires majoritaires décident de ne plus créditer de leurs voix des partis politiques dominants qui appliquent tous des politiques contraires à leurs intérêts ? Quant aux alternatives possibles, elles ne sont guère convaincantes : le Front National ne se démarque pas fondamentalement de la doxa économique dominante et la gauche radicale reste chroniquement divisée. Il semble donc qu’à l’heure actuelle, l’abstention reste, hélas, un choix tout à fait rationnel pour tous les perdants des politiques oligarchiques, c’est-à-dire la grande majorité des Français.

Pourquoi les abstentionnistes n’auraient rien changé au résultat

Quel est le phénomène massif qui fait écho au discrédit de la classe politique française ? Le vote Front National ? Non, l’abstention. En hausse à chaque scrutin, elle est devenue une attitude commune qui entache la démocratie représentative. Régulièrement, on entend des appels à rendre le vote obligatoire. On veut effacer les symptômes plutôt que de s’interroger sur le mal.

Plutôt que de culpabiliser les citoyens, les auteurs accordent du crédit aux « préjugés » populaires concernant les dérives de la classe politique et lancent une critique de fond concernant l’incapacité de nos institutions et de nos élus à agir pour l’intérêt général. Ils proposent quelques mesures pour sortir de cette impasse où nos représentants sont désormais élus par une minorité de la population… La crise politique, en France comme en Europe, est-elle inéluctable ?

Thomas Amadieu est sociologue et chercheur associé au Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique de la Sorbonne (GEMASS). Il enseigne la sociologie à l’Université Paris Ouest Nanterre-La Défense et à l’Université Paris-Sorbonne.

Nicolas Framont est sociologue, membre du Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique de la Sorbonne (GEMASS). Il enseigne la sociologie à l’Université Paris-Sorbonne.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Si vous saviez combien je pense à tous ces peuples qui voudraient tant pouvoir glisser un bulletin de vote dans une urne.......
Répondre
C
Je ne pense pas pour autant qu'ils voterais medef. Relisez l'article des inrock et vous comprendrez mieux avant de dire des bêtises qui ne sont pas que de cambrai.

Archives

Articles récents