Dans un Vierzon en déclin, le Front National fait des bonnes affaires
La ville française de Vierzon n’a pas réussi à surmonter une série de fermetures d’entreprises . « Avant c’était agréable ici. Maintenant on y deale surtout »
Bruno Bourdin (55 ans) pointe un fleuriste qui est parti. Puis un boulanger et un boucher qui n’ont pas résisté, un magasin d’articles de pêche qui a mis la clé sous la porte. La Rue des Ponts à Vierzon, 200 km au sud de Paris, est une grande cicatrice. Paupérisation et emplacements vacants maison après maison, sur plus d’un kilomètre de long. Sur les façades s’affichent des publicités des années 60 et 70 qui n’ont jamais été enlevées, et restent sous une couche épaisse de saleté.
« Il y a encore un agent d’assurance et un agent immobilier », dit Bourdin d’un air dédaigneux. « Mais je n’appelle pas ça des commerces de proximité ». Lorsque Bourdin, conseiller municipal sous l’étiquette Front National, est venu vivre à Vierzon à l’âge de 7 ans avec ses parents, la ville fourmillait encore d’activité. On y fabriquait des tracteurs, des batteries, des vêtements et des chaussures. Et Vierzon a même été connue pour ses vases Art Déco.
Coup de grâce
La fermeture en 1994 de la fabrique de tracteurs Case a porté le coup de grâce. Une rue commerçante du centre-ville compte 32 locaux commerciaux fermés sur 48. Depuis les diffuseurs stéréos municipaux accrochés dans la rue s’échappe de la musique des années 80 - comme « Africa » de Toto. « A cette époque, c’était encore agréable ici. Maintenant on y deale surtout » dit Bourdin. « Ces dernières années, les commerçants accompagnaient leurs clients à leur voiture quand il faisait nuit ».
Bourdin considère le conseil municipal communiste comme étant l’un des principaux responsables de la mort de sa ville. « Ils construisent autant de logements sociaux que possible pour s’assurer des électeurs supplémentaires. De cette façon le nombre d’habitants a encore augmenté, par l’importation de pauvreté. Vierzon compte encore plus de cas sociaux”.
Bourdin a lui-même un magasin d’articles de seconde main où l’on peut acheter entre autres des meubles, des appareils électro-ménagers, des instruments de musique. « C’est en effet le genre de magasin pour lequel il y a un marché à Vierzon ».
Même le centre commercial en dehors de la ville avec un hypermarché Super U compte un large nombre de baux commerciaux vacants. C’est par exemple le cas de Kiabi, une chaîne de vêtements bon marché, qui a fermé. « Cette tentative de réanimation est venue trop tard », constate Bourdin. « Lorsque cela a été construit, tout le monde allait déjà depuis longtemps faire ses achats à Bourges qui est à côté ».
Jacques Brel et les embouteillages
“Le grand problème de Vierzon, c’est l’image” dit Rémy Beurion, auteur d’un blog sur sa ville, Vierzonitude. « En France tout le monde connaît Vierzon d’après la chanson de Jacques Brel en 1968 » raconte Beurion dans le bar-brasserie L’Orient Express, en face de la gare. « Brel chante « T’as voulu voir Vierzon et tu as vu Vierzon ». Celà est – à tort d’ailleurs – toujours interprété comme une façon de dire qu’il n’y a vraiment rien à voir ici ». Vierzon est aussi synonyme d’embouteillages, dit Beurion. La route devant le café était auparavant la Route Nationale 76. Avant que ne soit construite une déviation dans les années 80, les vacanciers en direction du Sud traversaient Vierzon dans de longs embouteillages. « Brel et les embouteillages : on ne s’en débarrasse pas comme ça ».
Passé industriel
Par le passé, Beurion (49 ans) a toujours vu son père partir en mobylette vers LBM, une petite entreprise qui produisait des presses hydrauliques pour l’industrie automobile. Il a lui aussi beaucoup de griefs à l’encontre du conseil municipal : le passé industriel n’est pas mis en valeur. Le plus bel édifice de la ville, une ancienne usine de tracteurs, a été joliment rénové grâce à une subvention de 5 millions d’euros. S’y sont installés un bowling et un immense cinéma. « Mais pas de musée du tracteur, alors que ça aurait pu être si beau ». De plus, le bâtiment, surnommé « la cathédrale de Vierzon » reste en grande partie vide. « Dans n’importe quelle autre ville on en aurait fait quelque chose », assure Beurion.
Le barman Moktar Maroc (55 ans) a vécu toute sa vie à Vierzon, son père tenait L’Orient Express avant lui. « Quand j’étais jeune je regardais les embouteillages d’ici. La gare était aussi très active. Vierzon avait la deuxième gare de triage de France pour le fret, grâce à sa position si centrale ». Maroc sait bien pourquoi les entreprises ne peuvent pas marcher à Vierzon. « C’est un bastion communiste. Les syndicats ont beaucoup d’influence ici. Ça fait peur ».
De nouveau sur la carte
François Dumon, conseiller municipal communiste pour le commerce, inspire profondément. Il trouve toutes ces critiques beaucoup trop faciles. Les commerces vacants sont dû au fait que Vierzon est une mairie fusionnée, nuance-t-il. En 1937, quatre communes sont réunies pour une surface totale proche de celle de Paris (74,5 km²). « Sur un territoire plus petit, ce serait différent. Et on ne peut pas nier qu’Internet a des conséquences partout. Les gens consomment complètement différemment aujourd’hui ».
« Ce n’est simplement pas vrai qu’il ne se passe rien ici », continue Dumon (64 ans). Le taux de chômage a diminué de 5% en 2016, à un peu plus de 13%. « Cela est dû entre autre à l’arrivée d’une entreprise de containeurs, Combronde, ce qui nous a de nouveau situé comme un point logistique important sur la carte de France. Tous les containers de marchandises à destination du centre de distribution des supermarchés Carrefour situé à Orléans, arrivent en provenance du Havre et passent d’abord par Vierzon ».
Carnage pour le Front National
Ces « ports secs » ont créé quinze emplois, mais Dumon a d’autres plans. Un « techno parc » va être créé avec entre autres un parking pour les camionneurs, un restaurant et un garage. Il y a aussi un grand projet pour ramener l’eau au cœur de la ville – Vierzon possède un canal et quatre rivières y convergent. Dumon a de bonnes nouvelles pour les Néerlandais : on pourra bientôt faire du vélo le long du canal du Berry.
Mais d’abord Vierzon se prépare pour une grande percée du Front National. Bourdin montre fièrement un aperçu des scores des dernières années. Au premier tour des élections régionales de 2015 le candidat FN a obtenu 30.48% des voix soit 56 voix de moins que le maire Nicolas Sansu, le collègue et co-listier de Dumon. « Sans aucun doute nous allons obtenir de très bons scores, ça va être un carnage », prédit Bourdin. « Et tout cela alors même que le Front National était jusqu’il y a peu de temps encore peu présent ».
Dans l’Avenue de la République, un magasin soigné attire mon attention sur le chemin du retour : c’est la pâtisserie de Jacques Bernard (70 ans). Quand il a commencé, en 1976, Vierzon comptait 37 000 habitants et six pâtissiers. Il n’a pas encore trouvé d’acheteur. « C’est lié au nom de Vierzon » assure-t-il. « Dans le journal Le Figaro, ils ont fait de nous une sorte de petit Chicago. La situation n’est quand même pas aussi mauvaise que cela ».
Merci à la traductrice qui se reconnaîtra !
Un journal hollandais, le Het Financieele Dagblad a consacré un reportage, à Vierzon, sur la désertification des villes moyennes dans le cadre des présidentielles. Nous serions bien en peine de vous en livrer le contenu, sauf si un traducteur se dévoue !
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