Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Comme si de rien n'était ? Comme si la violence et les agressions des derniers jours n'appartenaient pas à la sphère du réel de cette ville ? Comme si, après tout, ce n'était que les maux d'une société entière et pas le symptôme d'une ville qui s'enfonce dans des abysses irrémédiables sans rien pouvoir faire pour remonter ?
Qu'est-ce qu'on fait ? On acquiesce ? On se dit que ce n'est que le fruit du hasard, ou le fruit de quelques désoeuvrés que la société rejette ? Parce que la société telle qu'elle est, aujourd'hui, n'est pas capable de combler de telles brèches ? On accuse le gouvernement, la mondialisation et le capitalisme, l'absence d'éducation ? Et après ? Faut-il que nous considérions ces problèmes, de plus en plus récurrents, d'un point de vue local, dans ce cas il faudra que les élus vierzonnais se mouillent un peu plus ou d'un point de vue national pour que ces mêmes élus vierzonnais, majorité et opposition confondues, ne se sentent pas concernés, et de fait, c'est mieux pour leurs consciences.
Aux grands'messes nombrilistes que cette ville est capable d'accoucher, pourquoi ne pas y ajouter une concertation pour ne parler que des vrais problèmes de cette ville. Non, ce n'est pas que les crottes de chien ou la vitesse des bagnoles dans la rue, c'est une ville qui se dévitalise, qui meurt, qui laisse des pans entiers de rue, comme la rue Joffre, s'écrouler sous le vide des commerces. La seule reprise commerciale que l'on constate de visu, c'est la ronde de guetteurs qui se font leur gratte en vendant de la came. Quatre boulangeries perdues en un an et pas un mot de compassion des élus, majorité et opposition.
Est-ce raisonnable, pour eux et pour les autres, d'admettre que ce problème ne concerne que l'Etat et pas une ville à son échelon local ? Est-ce raisonnable de laisser des gens avoir la trouille d'aller en ville, de rejoindre leurs voitures le soir, de se balader dans les rues le soir, c'est dingue cette situation ! Jamais on aurait pu penser que Vierzon en viendrait là.
Cette ville n'est plus la nôtre. Sans nostalgie. Sans amour immodéré d'un passé qu'on pourrait idéaliser en se disant "c'était mieux avant". Cette ville n'est plus la nôtre car elle ne reflète plus ce qu'elle a été de meilleur, ce que nous sommes nous mêmes, et ce que nous y avons vécu. Les traces de nos enfances respectives se perdent dans des lieux désormais fantômes. Une ville, ce n'est pas seulement un alignement de rues, de maisons et d'immeubles, de jardins et de parkings, de magasins et de quartiers. Une ville c'est une âme, un esprit qui imprègne ceux qui y naissent, y vivent, y grandissent, y forment des souvenirs, y rencontrent des gens, y viennent d'ailleurs.
Une ville ce n'est pas un simple réceptacle d'habitants qui se croisent. Une ville c'est une identité. Or, aujourd'hui, Vierzon a perdu son identité, une part d'elle même, ce côté... très vierzonnais des choses qui serpentait dans les rues. Ce plaisir que l'on prenait encore à se balader entre les magasins. Difficile d'éviter la comparaison entre avant et aujourd'hui. Difficile de ne pas éprouver un sentiment diffus de mélancolie. Non pas parce que le passé est idéal, non, parce que le présent que l'on nous offre ne sait pas dépasser la qualité du passé. Difficile, dans ce cas-là d'imaginer le futur dans de bonnes conditions. Il y a des villes qui ont grandi en se modernisant, en s'embellissant, en se retournant complètement sur elle-même. Nous, nous avons grandi en vieillissant, en se flétrissant, en se rapetissant, en se vidant de nos idéaux, de nos qualités et de nos différences fondamentales. Cette ville n'est plus la nôtre car elle nous a oublié.
A la mélancolie et à la nostalgie, se mélangent la colère. Il y a des impuissances véritables, faites d'impossibilité physique d'agir. Et des impuissances choisies, tourner la tête de l'autre côté pour ne pas voir les problèmes, parce que tenter de trouver une solution à un problème, c'est mettre en avant le problème. Il y a ceux qui vivent dedans, ceux qui le subissent, ceux qui aimeraient le régler, ceux qui se sentent seuls parce que, la parole publique est silencieuse. Si c'est ça être élu, n'importe quel citoyen peut l'être. Où est aujourd'hui la plus-valu ?