En 2021, son projet de fresque pour la place Jacques Brel est élue par les Vierzonnais. Lün, colorieuse de trucs, originaire de Montreuil, a fait de Vierzon sa ville de cœur.
De projets en projets, de fresques en fresques, elle en est arrivée à juxtaposer des images d'hier avec la réalité d'aujourd'hui.
Cela donne une exposition intitulée Juxtapositions qui se tiendra à l'étage de la Manufacture, rue de la Gaucherie, du 28 mai au 12 juin. L'inauguration aura lieu le 28 mai à 18h30.
Vierzonitude l'a questionnée sur la philosophie de cette exposition très vierzonnaise.
Voici les réponses !
Pourquoi avoir voulu juxtaposé le passé et le présent de Vierzon ?
Depuis mon arrivée à Vierzon, je ne cesse de rencontrer des Vierzonnais·es qui me parlent avec des étoiles dans les yeux de leurs racines, de leur ville et de son histoire. Ils et elles ont piqué ma curiosité, m'ont donné envie d'aller creuser dans le passé de la ville pour y trouver des vestiges de cette vie d'avant qui a façonné une certaine vision de Vierzon. Vous avez également participé à cet élan, en publiant régulièrement des photos anciennes de Vierzon, alors merci à vous !
Ce qu'il reste de ce qui a été m'a toujours intrigué et passionné.
Les friches industrielles, les vieilles ruelles pavés, les anciennes publicités à la peinture délavée, les devantures d'un autre temps ont quelque chose de résolument poétique, ce sont des lieux qui livrent des trésors cachés. Les lois de la vie cantonnent chacun·e d’entre nous dans une ère qui nous est propre, et nous laissent la responsabilité ultime du souvenir de ce qui fût, à transmettre tant bien que mal à celles et ceux qui suivront.
Mais la ville nous chuchote des secrets sur celles et ceux qui sont passés par la vie avant nous, nos Anciens, nos Anciennes. Et si nous ne sommes pas du même siècle, nous marchons sur les rues qu'ils ont construites, pavées, équipées, et ce qu'il reste d'elles et eux autour de nous sont autant d'indices de leur quotidien, de leur labeur, et de leurs rêves. Cela a quelque chose de fascinant, qui résonne en moi quand je me promène.
Juxtaposer le passé et le présent, c'est dérouler le fil de ces émotions.
C'est encourager le souvenir à venir nous rendre visite,
C'est rencontrer nos Anciennes, nos Anciens, sonder leur âme, deviner les espoirs, les inviter, comme un hommage, à arpenter ces rues qui étaient les leurs et qui sont désormais les nôtres, les rendre visibles enfin.
C'est aussi offrir aux Présents la joie de monter dans une machine à remonter le temps, de s’émerveiller de ce qui reste dans notre quotidien des générations précédentes, des bouts de façades magiquement intacts, des murs abandonnés gardant une trace d’autres usages, de retrouver, sur le fil de leur mémoire, les bribes de vieilles histoires et anecdotes transmises de bouche à oreille, de génération à génération.
En un temps où le numérique prend tant de place, c'est ouvrir une parenthèse enchantée où hier, aujourd'hui et demain ne font qu'un.e.
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La fresque arrive place Jacques Brel - Vierzonitude
L'échafaudage est installé ! (photo Jonathan Roux) Elle s'appelle Carolalune, se dit colorieuse de trucs. Sa fresque a été élue parmi quatre projets pour décorer la place Jacques Brel. Les tr...
https://www.vierzonitude.fr/la-fresque-arrive-place-jacques-brel.html
Comment avez-vous travaillé et choisi les photos et cartes postales anciennes ?
J'ai eu envie d'abord d'aller chercher des souvenirs du passé industriel de Vierzon. Je connaissais déjà bien les Forges et ses bâtiments incroyables, immenses et troués de nature. Une véritable invitation à la rêverie...
Puis, lors d’une de mes visites hebdomadaires à Emmaüs, où j’adopte régulièrement des objets pour leur donner une seconde vie, notamment, artistique, est sorti de l’oubli un vieux livres de cartes postales de Vierzon. L’une d’entre elles immortalisait un jour de concours de pêche le long du canal : des centaines de personnes, une véritable fête !
Je voulais voir à quoi cela ressemblait, au siècle dernier. J'ai beaucoup fait travaillé les archives de Vierzon ! J'avais des demandes assez précises, concernant des coins de rues, des bâtiments, et aussi le Cher, les alentours de la ville...
Après un certain nombre d'échanges et le visionnage de plusieurs centaines de photos cartes postales anciennes, j'ai fait une pré-sélection d’une petite centaine d’images qui me transportaient : le regard d'une ouvrière dans une usine, des ouvriers avec un marteau pilon, des rues animées, des commerçant posant fièrement sur le pas de leur porte, des enfants jouant dans la rue, des hommes faisant une pause sur le chantier du pont de Toulouse, une femme avec son ombrelle attendant le tramway…
Autant de Vierzonnais et Vierzonnaises d’un autre temps, qui sont devenus les personnages principaux de mes oeuvres.
Une fois constitué mon fond de photographies d’archive témoignant du passé de Vierzon, je me suis attelée à l’immortalisation de ce qu’il en restait, dans le présent.
Je suis membre du génial Collectif Interstices, qui regroupe des photographes passionné·es de friches avec lesquel·les j’ai déjà eu la chance et la joie de travailler, dans une forme d’alliance poétique entre la photographie et la peinture : leur proposer de participer à ce projet était une évidence, et leur enthousiasme m’a touchée.
Lors d’une résidence à l’Eclusière, ma maison d’écluse sur le canal de Berry, ils et elles ont pu découvrir ou re-découvrir certains lieux vestiges du passé de Vierzon, et laisser la magie de leur regard singulier opérer : en a résulté une série d’une centaine de photos d’exploration, imprégnées de la poésie propre aux lieux qui ont vécu.
Puis est venu le temps de jouer avec les cartes postales anciennes de la ville et les photographies d’Interstices, de juxtaposer le présent et le passé, de prendre des libertés avec les strates du temps, de caler mon pas sur les empreintes de celles et ceux qui ont arpenté les mêmes rues, les mêmes quais, les mêmes rêves.
Dans mon atelier, l’Atoll, à coups de collages, de marouflages, de coups de pinceaux, de touches de bombe aérosol sont nées des lieux imaginaires, des panoramas fictifs et aériens, à la frontière entre le déjà-vu et le mirage. Ni tout à fait ici, ni tout à fait là-bas.
Une invitation à perdre momentanément ses repères, à lâcher prise pour laisser vagabonder son esprit dans les interstices poétiques du réel.
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Comment seront présentées ces Juxtapositions dans la salle de la Manufacture ?
Pour offrir aux visiteurs et visiteuses une expérience immersive, chaque oeuvre réalisée à l’Atoll sera présentée encadrée de la carte postale ancienne et de la photographie du collectif qui auront servies de base à mon processus de création.
Des amoureux de Vierzon vont également me faire l’honneur de commenter certaines des cartes postales utilisées, ce qui encouragera, je l’espère, des échanges d’anecdotes, d’histoires anciennes et de souvenirs enfouis. En ce qui concerne le reste de la scénographie, je n’en divulguerai pas plus afin de conserver l’effet de surprise.
Les Vierzonnais vous connaissent comme l'auteure de la fresque Jacques Brel, en vous intéressant au passé de cette ville, vous devenez une des nôtres ! Ca fait quel effet de venir Vierzonnaise ?
Un effet si positif que je le ressens comme une évidence. C’est pour vivre une expérience collective fabuleuse, celle de partager une ferme avec 10 ami·es, que j’ai atterri à Vierzon il y a bientôt 7 ans.
J’y ai installé mon atelier, et c’était un autre grand rêve en soi, qui me remplit de joie chaque jour. Par hasard, j’y ai ensuite trouvé une maison d’écluse sur le canal de Berry, l’Eclusière, qui est mon refuge absolu et l’endroit qui me fait le plus rêver sur terre. J’y ai rencontré des personnes exceptionnelles, devenues des amis précieux…
Ma fille grandissant, je vais bientôt pouvoir m’installer à plein temps à Vierzon, et je sais que j’y serai fabuleusement heureuse.
Avez-vous un projet au-delà de cette exposition ? Un ouvrage ? L'écriture de textes sur vos œuvres ?
Je vis chaque moment intensément, et pour le moment, je me concentre sur le travail que je suis en train de réaliser, entièrement, profondément. D’autant que je sais que la vie a beaucoup plus d’imagination que nous : je sais qu’elle me réserve bien d’autres aventures, d’autres chemins à défricher sur la thématique abordée pour cette exposition.
Allez-vous travailler à d'autres projets sur Vierzon ?
J’ai déjà eu la chance et le bonheur de poser mon empreinte à Vierzon en réalisant la fresque sur la place Jacques Brel. J’ai aussi réalisé une fresque dans la salle de Vierzon Ping, et dans le patio de l’IME, en lien avec des adolescents. Au mois de juin, c’est sur le mur du jardin d’une famille vierzonnaise que je poserai mes bombes et mes pinceaux.
L’année prochaine, j’animerai des ateliers auprès des plus petits en collaboration avec le Musée de Vierzon… Avec Eduardo Rodriguez et Nicolas Obadia, nous avons également créé l’association Mon Cher Canal, qui œuvre à créer un parcours artistique le long du canal de Berry, et dont la première fresque, réalisée par le duo Evazésir, a été inauguré il y a quelques mois… Alors oui, on peut dire que j’ai des projets, et cela me fait si plaisir de mettre de la couleur dans la ville !
Quelle la Juxtaposition qui vous a le plus touchée ou de laquelle vous êtes particulièrement fière ?
C’est vraiment difficile à dire, j’ai un lien affectif différent avec chacune de mes œuvres, dans lesquelles je me plonge pendant si longtemps, en solitaire, sur un fil de pensée unique… Ce que je voudrais savoir, c’est celle qui vous aura le plus touché, vous !