C'est un auteur magnifiquement barré, Jean Teulé. Il excelle autant dans la drôlerie grinçante de son Magasin des suicides que dans les détails historiques de son Verlaine, François Villon, Fleurs de tonnerre. Quand il ne mélange pas les deux avec Le Montespan, Mangez-le si vous voulez, Entrez dans la danse.
Avec Gare à Lou, vous décollez d'une étrange façon dans le monde merveilleux de ce grand gamin qui peint des histoires à dormir debout. Lou est une gamine dont les souhaits, en général à ne pas souhaiter, se réalisent, quelque part dans une société qui, sans être inconnue ne ressemble toutefois pas à celles que l'on connaît... Mais l'acide dérision dont il humidifie ses mots fait qu'on se dit vraiment, c'est marrant, ça me dit quelque chose...
On le voit bien, à sa table de travail, se marrer comme une baleine à tricoter son roman, à se moquer de ses personnages, en l'occurrence, trois chefs de guerre, celui des guerres au sol, celui des guerres dans l'eau, celui des guerres en l'air. L'écrivain fabrique aussi un président hypocondriaque enfermé dans une Boule à neige. Parce que, évidemment, la jeune Lou est enlevée pour ses pouvoirs à mettre au service d'une Nation contre ses ennemis potentiels...
C'est un délice. La réalité glisse doucement vers la folie et rien de tel qu'un Teulé pour supprimer les effets de l'attraction terrestre. Il y a chez lui, une syntaxe si singulière, si fini, qu'on lirait volontiers des phrases jamais reliées entre elles pour le plaisir de cette musique. Comme d'habitude, une fois le livre refermé, un sentiment trop peu nous envahit. Cette fable possède sa morale que chacun se fera.
En attendant le prochain, on peut relire les précédents, s'immerger dans l'univers de Jean Teulé. Le O Verlaine est délicieux, Je, François Villon est un relief de l'époque du poète qu'on peut toucher du bout des doigts. Et Gare à Lou nous fait sourire, réfléchir, il nous attendrit et nous met en garde. Que pouvons-nous souhaiter alors à Jean Teulé ? Rien de plus vraiment. Merci, c'est suffisant.