Non, tous les Vierzonnais ne sont pas des moutons, à bêler dans le troupeau. Ils ne sont pas tous militants, le doigt sur la couture du pantalon, à guetter la Toison d'or, au prix fort : le reniement. Les bergers rouges et roses, bleus, gris, mauves, on en passe, ont leur troupeau de fidèles, sourds et aveugles, prêts à sauter d'une falaise si le chef des moutons le dit.
Non, les Vierzonnais ne sont pas tous des moutons, ils aspirent à autre chose qu'à une vaste comédie très mal mise en scène, à d'autres prés plus verts que ceux qu'entretiennent les politiciens. A force de brouter au même endroit, le sol est à nu, le sol est à chair, ils sont à l'os. Faut-il avoir des gênes d'ovins pour croire que la politique peut servir la grandeur d'une âme citoyenne ? Comme le dit Michel Onfray, les citoyens veulent de la politique, pas à des politiciens.
Le pire ennemi de la démocratie c'est l'usage qu'en font les élus et le non-usage qu'en font les citoyens. Non, tous les Vierzonnais ne sont pas des moutons, leur vision ne se limite pas uniquement à la statue d'un Commandeur, d'un sauveur qui piétine l'âme que ce soit celle d'un pays ou d'une ville, dont il n'en fait rien. La moutonnerie électorale rendra stérile, à terme, le fondement de la démocratie, à force de toujours tondre les moutons, à les rassembler une fois tous les cinq ans, aux présidentielles, une fois tous les six ans aux municipales, pour qu'ils paissent à la mamelle de l'urne et s'en gavent, l'âme guérie de toute frustration, pour les années à venir. Braves moutons, braves Vierzonnais, qui paient leur carte d'adhérent, le devoir accompli, le bâillon sur la bouche, le bandeau sur les yeux, les bouchons dans les oreilles.
Et après ? Rien. Le vide moutonnier. Pourtant, certains marchent, à petits pas de laine, dans les pas des autres, sans lever la tête pour ne pas voir, pour ne rien voir, ne rien entendre, ne rien admettre. Donner raison. La politique moutonnière est celle-ci : baisser le menton en signe de déférence. Tous les Vierzonnais ne sont pas des moutons, tous n'ont pas la vocation de brouter des broutilles, de soutenir des carrières, d'aller manger à la gamelle des promesses jamais tenues. Berger est un métier. Politicien n'en est pas un. Le berger a plus d'égards envers son troupeau que le politicien n'en a avec le sien.
Troupeau embarrassant, qui plus est infidèle. Quand les moutons s'égarent, ils vont rejoindre le loup, sentir l'haleine fétide du danger électoral, renifler l'aigre odeur de laine des moutons noirs qu'ils suivent, du même pas que les autres, avec cette impression de transgresser la règle. Un troupeau pour un autre... Tous les Vierzonnais ne sont pas des moutons, ils n'ont pas vocation à bêler dans le vide. A répondre aux ordres. A se laisser berner. Endormir. Humilier.
En comptant les silencieux, les marginaux, les éclairés, les réfléchis, on peut y arriver. Les autres moutons sont indécrottables, trop heureux de se faire tondre pour une cause qui les dépasse. Vierzon n'est un pas un troupeau qu'on doit mener à la catastrophe. Les Voutons (moutons Vierzonnais) n'ont d'autre choix idéologique que de croire à ce qui les nourrit.
Les autres marchent en canard, en crabe, en biais, en sautant, en dérivant. Tout ce qui fait que la droiture de la ligne est brisée concourt à lutter contre la moutonnerie vierzonnaise. Tous les Vierzonnais ne sont pas des moutons même si, aujourd'hui, un petit groupe de bergers, enivrés par le son des cloches qui tintinnabulent au-dessus de leurs têtes, aimeraient conduire un troupeau de plus en plus grand, obéissant, vide de sens. Un troupeau au service non pas de la démocratie élémentaire, mais du pouvoir crasse, celui qui paraît anodin jusqu'à celui qui est totalement indécent. Tous les Vierzonnais ne sont pas des moutons, il suffit juste de savoir se reconnaître. Devenir un non-mouton, en voilà une très belle réalisation.