Quand je vois tout le tapage fait autour de Virtuo, je me dis que si Célestin Gérard avait rencontré en son temps la même hostilité, il n'y aurait jamais eu à Vierzon le moindre rail de chemin de fer et le moindre atelier de machinisme agricole. Les retraités qui s'opposent à tout parce qu'ils n'ont plus besoin de travailler devraient réfléchir davantage à leurs responsabilités vis-à-vis d'une jeunesse qui déserte la ville faute d'activités.
J'accuse réception de votre réaction d'ailleurs très courtoise (ce qui manque souvent ici) mais je ne vous rejoins pas ayant toujours aimé cette ville industrielle, acceptant par conséquent tout ce que cela suppose d'aléas. Je ne perçois pas ces aléas comme des nuisances mais comme la réalité de l'activité industrielle. Ca ne me gêne pas de sentir l'odeur de la Pica, d'entendre les trains, etc. Je souffre au contraire de ne plus entendre les marteaux de la Pointerie et de ne plus être ralenti dans les bouchons qui se formaient entre 17h00 et 18h00 à la sortie des usines. Il faut savoir regarder au-delà de son pas de porte et de ses géraniums. Nous avons besoin de travail et donc d'entreprises lesquelles ne sont pas livrées par drones mais principalement par camions. C'est comme ça. Quant aux contrats de travail en vogue dans ces entrepôts, c'est justement l'intérêt des travailleurs qu'il y ait des partis politiques et des syndicats capables de les défendre et d'améliorer leur sort. Les Ténardier n'ont pas attendu Amazon pour prospérer. Les supermarchés où nous (vous et moi) faisons nos courses sont très forts pour ficeler des contrats précaires. Nos grands parents n'ont pas été ménagés non plus (chez Brouhot on travaillait parfois le dimanche matin). N'imaginez pas un âge d'or lointain et un avenir infernal. Nous avons besoin d'emplois et donc d'usines et de camions !
F
Fastbernie
14/04/2021 19:54
Cher Monsieur, les retraités ne sont certainement pas contre tout, comme vous le supposez. Ils sont contre ce projet débile de plate-forme "XXL de dernière génération". Ils sont aussi contre les beni-oui-oui qui ne sont pas foutus d'imaginer ce que 80 000 mètres carrés d'entrepôts et les centaines de semi-remorques qui y accosteront peuvent produire comme nuisances. Il me serait assez agréable de voir votre tête quand les bahuts passeront devant votre porte! Car ils y passeront pour ne pas payer les péages sur les autoroutes! Et si vous avez des enfants, priez qu'ils n'aient jamais besoin de bosser dans ces sinistres entrepots!
D
DIANE
14/04/2021 18:53
En désertant, ils auront au moins la chance de ne pas être pollués par ces émanations camioneuses et éviteront peut-être ainsi un cancer du poumon.
Vierzon-sur-Mer
Le phare de l'île Saint-Esprit enfonce son regard oblique dans le ciel rond. L'estran met l'île Marie à portée de terre. Le temps d'une marée basse, elle s'attache au continent dans le ronronnement doux de la mer qui revient. De là où s'effrite le sable, Vierzon jette ses dernières lumières dans la bataille de la nuit. Au petit jour, le Bistrot du port déversera ses cales de croissants tièdes sur les habitués de la Renverse, le bateau du père Seb, le premier à sortir, le dernier à rentrer. Le zinc tanné par les manches des cirés jaunes bavarde ses silences imposés : parfois, dans le bistrot salé, il faut faire place au silence pour mieux veiller aux récits. Le café se remplit chaque heure d'une houle synthétique, fait d'humains en partance, en revenance, entre deux horaires. Il y a la crème des commerçants, le dessus du panier des marins-pêcheurs, la haute société retraitée qui confond les larmes et les embruns, pour ce qu'elles ont de souvenirs iodés à retenir dans les filets. Plus loin, près de la capitainerie, la butte de Sion jette un regard circulaire sur l'ensemble de la ville. Elle ressemble, en ce matin d'été, à l'idéal que l'on se fait du bonheur transversal : entre l'impression d'être ancrée ici tout en étant ailleurs. C'est sûr que la mer aimante ce qu'elle touche. C'est sûr que la mer déverse, sur le sillon des fins reliefs, la preuve que sans elle, Vierzon ne serait pas Vierzon. Le marché fourmille, sur les places centrales. Le soleil, déjà chaud, est à marée haute. Une trace de vent raye l'air lourd à porter. Les bistrots sont accoudés à la curiosité de la foule : c'est étonnant comme les terrasses s'étalent, comme elles semblent animées de l'électricité marine qui, une fois coupée, c'est sûr, rend la mer plate comme une rue piétonne. L'étrange idée qu'on se fait d'être ici n'est rien à côté de cette formidable idée d'y être née. La mer a son industrie propre et son économie personnelle. Vierzon sans la mer aurait ressemblé à ces villes moyennes punaisées au centre de la France sans qu'aucun grain de sable ne déborde de son destin. C'est étonnant d'être d'un continent tout en étant relié à la mer, cette faculté d'être à la fois le solide et le liquide, de défier les loirs de la transparence. J'allonge un pas décidé vers les rues que je préfère, les deux-trois cafés où sont sanglés les derniers secrets du jour et qui m'attendent, comme autant de valises à emporter. Plus on s'éloigne du port, dans le ventre de la ville, plus la ville durcit son statut de ville. Plus on s'enfonce dans la terre, plus la terre vous admet. Entre les rives et la tonitruante cité de l'arrière-ville, deux mondes s'affrontes. Ils étaient quatre jadis, quand la ville éclatée en quatre entités distinctes, se disputaient son destin. Quand plus tard, par raison, la ville a noué ses quatre communes indépendantes, chacune d'entre elles a gardé sa ligne d'eau, ses aspects, son nom, sa façon d'être. Etre de Vierzon ne signifie pas être à Vierzon, mais des Forges, de Villages, de Ville ou de Bourgneuf. Les quatre quartiers bruissent pourtant des vagues qui reviennent, je les entends galoper, pour remettre à niveau, la mer avec la terre. Pour remettre l'île Marie dans sa façon d'être une île. Je suis à la terrasse du café « T'as voulu voir... » Brel y a laissé une dédicace amoureuse. Si Vierzon avait la mer, serait-ce encore Vierzon ou une façon d'être Vierzon ?
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