Voilà. La politique reprend ses droits, ses droits cyniques. Les politiciens réamorcent leurs sales habitudes. Et le quotidien redevient lui-même, cette longue suite de futilités et d'ordinaire impoli. Rien n'adhère sur le sol de la politique : pas même un bouleversement spectaculaire des valeurs de notre propre société.
Regardez comment l'on va encore s'enfoncer dans les travers du monde d'avant alors que pas un seul politique ne va faire un tour sur lui-même pour remettre en quetsion le propre système dans lequel il s'englue. Non pas que les politiques soient coupables des attentats du 13 novembre, même si certains le disent pour entretenir le vernis d'une connerie universelle à des fins électoralistes. C'est à gerber. Non, mais les politiques devraient comprendre que quelque chose a changé, depuis vendredi 13 novembre, y compris dans la manière de faire de la politique, de parler aux citoyens, de faire croire que les sujets politiques sont les importants du monde.
Mais non. Nous repartons comme avant, sur les mêmes bases, avec les mêmes défauts de fabrication, les mêmes vices. Les élections régionales repennent leur cours, mais qu'est-ce qu'on s'en fout des élections régionales, qu'est-ce qu'on s'en ballonne des tronches d'untel ou d'untel sur une liste. Voter, mais a-t-on le coeur à voter ? A hisser des hommes et des femmes à telle ou telle place pour qu'elles et ils ne nous rendent même pas notre gentillsse en retour ? Les élections régionales... Et l'on veut nous faire croire qu'on va nous changer la vie, maintenant. Bien sûr...
Voilà. Le cours du quotidien serpente à nouveau, sans que RIEN ne change du côté de celles et ceux qui grossissent ce cours. Les mêmes intérêts personnels, les mêmes grosses ficelles, les mêmes egos saucissonnés, les mêmes platitudes et les mêmes poncifs. Tout doit changer, mais rien ne bouge. Car l'inertie est le meilleur moyen de garder au chaud ses propres intérêts, cette eptite entreprise lucrative que ne caresse même pas un semblant d'humilité.
Qu'est-ce qu'on s'en fout des élections, à l'heure où les larmes seront encore si chaudes. A l'heure où le monde d'avant, celui qui, même après les attentats de Charlie, nous laissait croire, un peu, que notre société pouvait rentrer à nouveau dans ses gonds, avec toute la prudence nécessaire. Il y avait eu des drames, ciblés, quatre millions de gens dans la rue pour faire bloc. Cette société-là, toute entière, a volé en éclats vendredi soir. Un mélange de sentiments habite désormais chacun de nous, de nouvelles habitudes doivent nous imprégner, sans doute que des espoirs, faux, doivent être mis à la trappe. Sans doute même que le cheminement de nos rêves doit être infléchi et réorienté.
Nous sommes en train de faire un travail fabuleux sur nous-mêmes, car ce travail-là, pas un seul politique n'est capable de le faire pour nous, trop occupé à leurs objectifs. La tristesse, le chagrin, la colère, la peur, le sursis, tout ça se télescope. Alors, les élections régionales ne réveilleront rien.
Aujourd'hui, résister, ce n'est pas avoir la foi dans le politique mais avoir la foi dans le bistrotier, la vie, la culture et la liberté de chacun qui multiplié, donne une liberté collective qu'on aimerait nous retirer.
Ce n'est pas voter, être soudé derrière une élection qui nous sauvera mais être rassemblée à une terrasse de café. En l'espace d'un attentat, en France, le pouvoir citoyen s'attable aux troquets pour dire non à la violence. Comme quoi, le politique n'est plus un rempart contre les anti-démocrates. Et dire que des citoyens vont voter Front national en pensant laver l'affront... C'est à désespérer du genre humain. Mais tant qu'il y aura la politique pour nous étouffer, il sera impossible de respirer par nous-même. Aux bistrots, citoyens. C'est dire l'état dans lequel nous nous trouvons.