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Vierzonitude

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Mémoire ouvrière, mémoire du commerce : une nostalgie à deux vitesses

Publié par vierzonitude sur 26 Janvier 2018, 09:10am

Mémoire ouvrière, mémoire du commerce : une nostalgie à deux vitesses

Il y a, à Vierzon, (on cite Vierzon car nous y sommes !), une passion patrimoniale à deux vitesses : d'un côté, une mémoire sublimée, la mémoire ouvrière, objet de toutes les attentions, de toutes les études, de toutes les expositions, et c'est tant mieux. De l'autre une mémoire refoulée, celle du commerce vierzonnais qui, pourtant, a fait les belles heures, au même titre que les usines, de cette ville.

Autant, Vierzon est à l'aise avec sa mémoire ouvrière, avec tous ces métiers disparus, la porcelaine, la verrerie, la confection, une large part de la métallurgie, le machinisme agricole, etc, autant la ville est gênée aux entournures avec la mémoire du commerce dont on entend jamais parler. Evoquer la mémoire ouvrière, c'est sublimer la noblesse des hommes et des femmes, l'art du travail, des combats syndicaux, des avancées sociales. Evoquer la mémoire du commerce, c'est sombrer dans une nostalgie poisseuse, à la limite du poujadisme, une sorte de rêve éveillé où l'on nous explique, que le commerce à la papa, c'est fini. Ce qui est vrai. Qu'aujourdh'ui, on commande sur internet, on va au drive et plus chez le commerçant traditionnel. En clair, le commerce est déshumanisé, même si derrière les comptoirs, il y a encore des hommes et des femmes qui vivent de leur métier de commerçant.

Transposons cette logique au monde ouvrier, de plus en plus rétrécit. Expliquons que, de toute façon, l'homme et la femme, derrière une machine et dans une usine sont appelés à disparaître (ce qui est d'ailleurs déjà le cas), au profit d'une intelligence artificielle qui se passe de main d'oeuvre humaine dans des entrepôts où les commandes sont gérés par des robots ou dans des commerces où il n'y a plus de caissières du tout, car il n'y a même plus de caisse. Or, l'on admet plus facilement de passer à une caisse automatique, même si cette caisse supprime un emploi, que de remplacer des ouvriers par des robots. Tout dépend de quel côté on se place. 

La mémoire ouvrière vierzonnaise, par exemple, est l'objet de toutes les attentions. Sans doute parce qu'à travers le passé, il y a une volonté de parler du présent, des conditions de travail, des avancées sociales ou des reculs. On sait que ce qui fut ne sera plus jamais. Mais, rappelons-nous cette tentative de création de musée qui n'existera jamais à Vierzon, où l'angle choisit était politique et syndical. La mémoire ouvrière devenait un prétexte pour ancrer une sociologie de l'usine et des ouvriers, dans un contexte contemporain. Personne ou presque n'y avait trouvé à redire. 

Or, la mémoire du commerce pourrait aussi servir à cela. Bien sûr, on ne retrouvera jamais des artères bondées de magasins comme on le voit sur les cartes postales ou, plus récemment, sur des photos des années 1960, 1970 voire 1980. Ne nous faisons pas d'illusion : l'e.commerce aura la peau d'une catégorie de commerces mais il en fera naître, sans doute d'autres dont on en soupçonne pas la fonction.

Une récente étude (Le Monde daté du mercredi 24 janvier) montre que les gens se débarrassent de leurs courses sur internet mais se rendent dans les commerces de proximité pour y passer un moment agréable. L'e.commerce a cette faiblesse : il ne fait pas appel à tous les sens (la vue seulement).

Voilà pourquoi, il est étrange de constater, que souvent, la mémoire ouvrière vierzonnaise fait l'objet de toutes les attentions, et Vierzonitude soutient cet affect pour son histoire, mais quand il s'agit de la mémoire des commerces, on balaie, d'un geste de la main, comme si, nous étions incapables d'admettre une réalité (la désertification commerciale) et de trouver des solutions.

C'est pour cette raison qu'on se garde bien de ne pas trop remuer le passé commercial. Ce que fait abondamment Vierzonitude car si l'on trouvait des hommes et des femmes dans les usines, on trouvait aussi des hommes et des femmes, à la tête des commerces vierzonnais. On appelle ça aussi des emplois. Pour celles et ceux qui auraient oublié qu'un commerce qui ferme, c'est généralement du chômage en plus.

Grâce à la commodité qu’il procure, l’e-commerce a gagné sur ce terrain. Mais ces recherches mettent aussi en évidence, a contrario, que les clients continuent à vouloir se déplacer en magasin, parce qu’ils espèrent y passer des moments agréables et y faire des rencontres, deux fonctions auparavant secondaires.

Cette évolution est apparue clairement au moment où le concept des « drive » s’est popularisé. Nous avons constaté que l’intérêt pour les marchés de plein vent et les petits commerçants s’était alors renforcé. Les clients se débarrassaient en quelques clics et en un coup de voiture de la corvée des courses routinières (fonction utilitaire). Mais ils se déplaçaient toujours très volontiers pour choisir une volaille chez leur boucher favori ou fouiner dans une brocante le dimanche (fonctions hédonique et sociale).

Le Monde daté du mercredi 24 janvier

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